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06/06/2019 | FRANCE | N°18NT03536

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 06 juin 2019, 18NT03536


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...F...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions du 11 avril 2018 par lesquelles le préfet de la Sarthe lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 1803451 du 19 avril 2018, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par u

ne requête, enregistrée le 20 septembre 2018, M.F..., représenté par Me C...D..., demande à la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...F...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les décisions du 11 avril 2018 par lesquelles le préfet de la Sarthe lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 1803451 du 19 avril 2018, le magistrat désigné par le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 septembre 2018, M.F..., représenté par Me C...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ces décisions ou, à titre subsidiaire, la décision refusant un délai de départ volontaire, la décision fixant le pays de renvoi et la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me C...D...en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le signataire de l'arrêté était incompétent dès lors qu'il n'y avait aucun caractère d'urgence à édicter le 11 avril 2018 un arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai alors qu'il était incarcéré jusqu'au 25 mai 2018 ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle n'a pas été précédée d'un examen sérieux et particulier de sa situation ; elle est irrégulière dès lors qu'il n'a pas pu faire valoir ses droits préalablement à son édiction, en méconnaissance du droit d'être entendu ; elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que rien n'établit qu'il ne serait pas exposé à des peines ou traitements contraires à cette convention en cas de retour dans son pays d'origine ; elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il réside en France depuis l'âge de dix ans auprès de sa famille, qu'il n'a pas d'attache au Maroc, qu'il vit en couple et que rien n'établit qu'il demeure une menace pour l'ordre public ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle en raison de l'ancienneté de ses liens avec la France ;

- la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'a plus d'attache au Maroc ;

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il réside en France depuis l'âge de dix ans auprès de sa famille, qu'il n'a pas d'attache au Maroc et qu'il vit en couple.

Par un mémoire, enregistré le 22 février 2019, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens présentés ne sont pas fondés.

M. F...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire par décision du 20 août 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Malingue a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 11 avril 2018, le préfet de la Sarthe a fait obligation à M.F..., ressortissant marocain né le 17 avril 1990, de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. L'intéressé a sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes l'annulation de cet arrêté. Il relève appel du jugement du 19 avril 2018 par lequel le magistrat désigné par le président de ce tribunal a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, l'arrêté du 11 avril 2018 faisant obligation de quitter le territoire français sans délai à M.F..., fixant le pays de renvoi et prononçant une interdiction de retour pour une durée de trois ans a été signé par Mme E...A..., directrice de cabinet du préfet de la Sarthe qui bénéficiait, en application de l'article 2 de l'arrêté n° DCPPAT 2017-0604 du 11 décembre 2017 d'une délégation de signature du préfet de la Sarthe à l'effet de " prendre, lorsqu'elle assure le service de permanence, toutes décisions nécessitées par une situation d'urgence et, notamment, les actes suivants : (...) arrêtés portant obligation de quitter le territoire français / arrêtés et décisions portant fixation du pays de renvoi / décisions concernant l'interdiction de retour ". La circonstance, invoquée par le requérant, que la levée d'écrou de M. F...n'était prévue que le 25 mai 2018 ne suffit pas à elle seule à établir que, faute de situation d'urgence caractérisée, la directrice de cabinet du préfet de la Sarthe, intervenant dans le cadre non contesté d'un service de permanence, n'était pas compétente pour signer l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. F...a été entendu le 27 février 2018 par un officier de police judiciaire à la maison d'arrêt du Mans. Lors de cet entretien, ont été abordées les circonstances de son entrée en France, sa situation familiale, ses liens et attaches en France et dans son pays d'origine et il lui a été demandé s'il souhaitait quitter la France et s'il avait des observations quant au fait que le préfet entendait fixer le Maroc comme pays de renvoi. Il n'est ni établi ni allégué que le requérant aurait sollicité en vain un entretien complémentaire avec les services de la préfecture. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté a été adopté, en méconnaissance de son droit d'être entendu, sans qu'il pût présenter de manière utile et effective ses observations.

4. En troisième lieu, M. F...déclare être arrivé en France en 1999 pour rejoindre son père et sa fratrie et y suivre une scolarité. Toutefois il ne produit aucun élément justifiant du maintien de liens avec les membres de sa famille encore présents sur le territoire français. Sans enfant, il ne produit aucun élément justifiant de la situation de concubinage dont il se prévaut. Par ailleurs, il n'établit pas être dépourvu de toutes attaches au Maroc où il a déclaré en 2011 qu'y résidaient sa mère et deux frères et deux soeurs. Enfin, se maintenant irrégulièrement sur le territoire depuis le 1er décembre 2011 en dépit de deux mesures d'éloignement des 1er décembre 2011 et 25 novembre 2016, M. F...a commis de nombreuses infractions, telles que extorsion par violence, menace ou contrainte, recel de bien provenant d'un vol, et recel de bien provenant d'un vol et escroquerie, ayant donné lieu à des condamnations pénales prononcées en 2008, 2009 et en 2014, de sorte que son comportement, eu égard aux faits graves et répétés pour lesquels lui ont été infligées plusieurs condamnations pénales, représente une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale eu égard aux buts dans lesquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle du requérant et de ce que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

5. En dernier lieu, M. F...se borne à reprendre en appel, sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau, les moyens tirés de l'insuffisante motivation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, de l'absence d'examen de sa situation personnelle avant l'adoption de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de l'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle dont sont entachées les décisions refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris les conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...F...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- Mme Malingue, premier conseiller,

- Mme Chollet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 juin 2019.

Le rapporteur,

F. MalingueLe président,

F. Bataille

Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°18NT03536

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03536
Date de la décision : 06/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : MOREAU-TALBOT

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-06-06;18nt03536 ?
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