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27/05/2019 | FRANCE | N°18NT03154

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 27 mai 2019, 18NT03154


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 12 mars 2018 par lequel la préfète d'Eure-et-Loir a décidé sa remise aux autorités norvégiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par jugement n°1800964 du 16 mars 2018, la magistrate désignée du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 aout 2018, M.B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 16 mars 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 12 mars 2018 par lequel la préfète d'Eure-et-Loir a décidé sa remise aux autorités norvégiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par jugement n°1800964 du 16 mars 2018, la magistrate désignée du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 aout 2018, M.B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 16 mars 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 mars 2018 par lequel la préfète d'Eure-et-Loir a décidé sa remise aux autorités norvégiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile ;

3°) d'enjoindre à la préfète d'Eure-et-Loir de lui permettre de saisir l'office français de protection des réfugiés d'une demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, subsidiairement, d'ordonner la suspension de l'exécution de son transfert vers la Norvège jusqu'à ce que les autorités norvégiennes garantissent sa prise en charge médicale ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier, renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'arrêté de transfert méconnait l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et le paragraphe 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, en ce que son état de santé présente un seuil de gravité suffisant pour justifier l'annulation de la mesure de transfert dont il fait l'objet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2018, la préfète d'Eure-et-Loir conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

Vu les informations produites par la préfète relative à la prolongation des délais de transfert de l'intéressé pour cause de fuite.

Vu le jugement attaqué ;

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 9 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pons a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant afghan, serait entré irrégulièrement sur le territoire français en août 2017 selon ses déclarations. Le requérant a sollicité le 2 octobre 2017 son admission au séjour au titre de l'asile auprès de la préfecture des Yvelines. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que les empreintes digitales de l'intéressé avaient été relevées en Norvège le 21 octobre 2015, puis en Autriche le 22 mars 2017. Les autorités norvégiennes, saisies le 9 octobre 2017 par les autorités françaises d'une demande de reprise en charge de l'intéressé en application du point b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n°604/2013, ont accepté leur responsabilité par un accord explicite du 11 octobre 2017. Par un arrêté du 12 mars 2018, la préfète d'Eure-et-Loir a ordonné le transfert de M. B...aux autorités norvégiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Saisie par M. B...d'une demande d'annulation de cette décision, la magistrate désignée du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. ".

3. D'autre part, dans son arrêt n° C-578/16 PPU du 16 février 2017, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que " L'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être interprété en ce sens que : (...) - dans des circonstances dans lesquelles le transfert d'un demandeur d'asile, présentant une affection mentale ou physique particulièrement grave, entraînerait le risque réel et avéré d'une détérioration significative et irrémédiable de l'état de santé de l'intéressé, ce transfert constituerait un traitement inhumain et dégradant, au sens dudit article ; - il incombe aux autorités de l'Etat membre devant procéder au transfert et, le cas échéant, à ses juridictions, d'éliminer tout doute sérieux concernant l'impact du transfert sur l'état de santé de l'intéressé, en prenant les précautions nécessaires pour que son transfert ait lieu dans des conditions permettant de sauvegarder de manière appropriée et suffisante l'état de santé de cette personne. (...) - le cas échéant, s'il s'apercevait que l'état de santé du demandeur d'asile concerné ne devrait pas s'améliorer à court terme, ou que la suspension pendant une longue durée de la procédure risquerait d'aggraver l'état de l'intéressé, l'Etat membre requérant pourrait choisir d'examiner lui-même la demande de celui-ci en faisant usage de la " clause discrétionnaire " prévue à l'article 17, paragraphe 1, du règlement n° 604/2013. ".

4. Si M. B...fait valoir qu'il souffre d'une hépatite B nécessitant une prise en charge médicale et qu'il est sur le point d'entamer un traitement en France, aucun élément ne permet d'établir que la Norvège, qui dispose d'un système de soins et d'infrastructures médicales comparables à la France, ne pourrait prendre en charge efficacement les problèmes de santé de M. B...ou que le transfert de l'intéressé serait de nature à entrainer un risque réel et avéré d'une détérioration significative et irrémédiable de son état de santé. En outre, les dispositions des articles 31 et 32 du règlement (UE) du 26 juin 2013 organisent entre l'Etat requérant et l'Etat requis un échange d'informations destiné à assurer la prise en charge d'un étranger malade. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'asile du requérant ne serait pas traitée par les autorités norvégiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ni que M. B... risquerait d'être personnellement exposé à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

5. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par le requérant ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B...demande au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur. Copie sera adressée la préfète d'Eure-et-Loir.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 mai 2019.

Le rapporteur,

F. PONS Le président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°18NT03154


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03154
Date de la décision : 27/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SIMOND

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-05-27;18nt03154 ?
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