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10/05/2019 | FRANCE | N°18NT02820

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 10 mai 2019, 18NT02820


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés du 31 mai 2018 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités espagnoles, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1806094 du 6 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2018, M. A..., représenté par MeB..

., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 juillet ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des arrêtés du 31 mai 2018 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités espagnoles, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1806094 du 6 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2018, M. A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 juillet 2018 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 31 mai 2018 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

en ce qui concerne la décision de réadmission en Espagne :

- l'arrêté méconnaît l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors que son frère réside en France en tant que bénéficiaire de l'asile ;

- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de la présence de son frère ;

- l'arrêté méconnaît l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.

en ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- il n'existe aucune perspective raisonnable d'exécution de la décision de remise à l'Espagne ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que la fréquence de l'obligation de pointage est disproportionnée alors qu'il n'a pas l'intention de quitter la France et que son état de santé l'empêche de pouvoir se déplacer chaque jour au commissariat d'Angers ; elle pourrait être réduite à une fois par semaine.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2018, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 20 août 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Allio-Rousseau a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant guinéen né le 1er janvier 1995, a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français le 2 avril 2018 et y a sollicité l'asile, le 17 avril 2018, auprès des services de la préfecture de Maine-et-Loire. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Espagne dont il avait irrégulièrement franchi les frontières. Par deux arrêtés du 31 mai 2018, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné sa remise aux autorités espagnoles, qui avaient accepté explicitement sa prise en charge le 7 mai 2018, et son assignation à résidence. M. A... relève appel du jugement du 6 juillet 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur l'arrêté de transfert aux autorités espagnoles :

2. En premier lieu, selon le paragraphe 2 de l'article 3 du règlement susvisé n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

3. D'une part la décision de remise de M. A...aux autorités espagnoles n'a ni pour objet ni pour effet de le contraindre à retourner en Guinée, mais seulement de le remettre aux autorités du pays responsable de l'examen de sa demande d'asile. Dans ces conditions, le requérant ne peut utilement se prévaloir des événements survenus dans son pays d'origine pour contester la décision litigieuse de remise aux autorités espagnoles.

4. D'autre part, si l'Espagne est un Etat membre de l'Union européenne et partie, tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Si M. A...soutient que les demandes d'asile ne seraient pas traitées actuellement en Espagne dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, il ne produit aucun élément concret à l'appui de cette allégation pour renverser la présomption contraire. Ainsi, les moyens tirés de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions des articles 17 et 3.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et ce que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Si un membre de la famille du demandeur, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d'origine, a été admis à résider en tant que bénéficiaire d'une protection internationale dans un Etat membre, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit. ". Le g) de l'article 2 dudit règlement indique que les " membres de la famille " au sens des dispositions citées concernent le conjoint du demandeur ou ses enfants mineurs.

6. Si le requérant se prévaut de la méconnaissance de l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en raison de la présence en France de son frère, M. D...A..., qui l'héberge et réside en France de manière régulière en qualité de réfugié, ce dernier n'est pas au nombre des membres de la famille tels qu'ils sont définis au g de l'article 2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 9 de ce règlement doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. En se prévalant de la présence en France d'un frère qui dispose de ressources nécessaires pour le prendre en charge mais avec qui l'intensité des liens familiaux depuis leur séparation datant de huit ans n'est pas avérée, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée.

Sur l'arrêté d'assignation à résidence :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ; (...) ".

10. L'assignation à résidence prévue par ces dispositions constitue une mesure alternative au placement en rétention prévu par les dispositions de l'article L. 551-1 du même code, dès lors qu'une mesure d'éloignement demeure une perspective raisonnable et que l'étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à celle-ci. La seule circonstance que M. A...a entendu contester la décision ordonnant sa remise aux autorités espagnoles n'est pas de nature à établir que l'exécution de cette mesure ne demeurerait pas une perspective raisonnable.

11. En second lieu, en vertu de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Par ailleurs, selon l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 561-1 (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (...) ".

12. L'arrêté assignant M. A...à résidence lui impose de se présenter chaque jour à 11 heures, à l'exclusion des samedis, dimanches et jours fériés, au commissariat de police d'Angers. En se bornant à faire valoir que l'obligation de présentation quotidienne au commissariat de police est disproportionnée et à alléguer que son état de santé ne lui permet pas de se déplacer, sans toutefois le justifier, M. A... n'apporte aucun élément de nature à établir que le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de Maine-et-Loire du 31 mai 2018. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M.C... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 23 avril 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,

- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 mai 2019.

Le rapporteur,

M-P. Allio-RousseauLe président,

L. Lainé

Le greffier,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT02820


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02820
Date de la décision : 10/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie-Paule ALLIO-ROUSSEAU
Rapporteur public ?: M. BRECHOT
Avocat(s) : ROULLEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-05-10;18nt02820 ?
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