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30/04/2019 | FRANCE | N°18NT03564

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 30 avril 2019, 18NT03564


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...A...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 13 mars 2018 par lequel le préfet du Loiret l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours.

Par un jugement n° 1801179 du 30 mai 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 septembre 2018, MmeA..., représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administr

atif d'Orléans du 30 mai 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Loiret du 13 mars 2018.

3°) d'enj...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...A...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 13 mars 2018 par lequel le préfet du Loiret l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours.

Par un jugement n° 1801179 du 30 mai 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 septembre 2018, MmeA..., représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 30 mai 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Loiret du 13 mars 2018.

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de l'admettre au séjour le temps de procéder à un réexamen de sa situation, au besoin sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car fondé sur un mémoire de la préfecture du Loiret dont elle n'a pas eu communication ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français a été signée par une autorité incompétente ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 al 6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 janvier 2019, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.

Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 août 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Giraud a été entendu au cours de l'audience publique.

Une note en délibéré présentée par Mme A...a été enregistrée le 7 avril 2019.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., de nationalité sénégalaise née le 14 janvier 1990, est entrée en France le 20 décembre 2016, sous couvert d'un visa valable jusqu'au 15 janvier 2017. Elle a été interrogée les 12 et 13 mars 2018 dans le cadre d'une enquête de suspicion de reconnaissance frauduleuse de paternité concernant sa fille B...Lopez, née le 9 janvier 2009 à Dakar. Après vérification de son droit au séjour, Mme A...a déclaré être en situation irrégulière sur le territoire français depuis l'expiration de son visa, soit depuis le 16 janvier 2017. Le préfet du Loiret a pris à son encontre, par un arrêté du 13 mars 2018, une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Mme A...relève appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans par lequel celui-ci a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Loiret.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : "( ...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le premier et seul mémoire en défense du préfet du Loiret, enregistré le 23 avril 2018 n'a pas été communiqué au conseil de MmeA.... Dès lors le jugement est irrégulier doit être annulé. La communication de ce mémoire de première instance ayant été faite au cours de la procédure devant la cour administrative d'appel, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif d'Orléans.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, que l'arrêté contesté a été signé par Mme C...D..., directrice des migrations et de l'intégration, qui bénéficiait d'une délégation de signature accordée par le préfet du Loiret aux termes d'un arrêté du 28 février 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ". En vertu de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ".

5. Mme A...soutient qu'elle ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement au motif qu'elle est la mère d'une enfant française mineure, née de son union avec un ressortissant français dont elle est séparée, et, qu'à ce titre, elle devait bénéficier de la protection instituée par le 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mme A...indique qu'elle s'est occupée de sa fille B...au Sénégal jusqu'au départ de celle-ci en avril 2015 en France pour prendre en charge l'épilepsie dont elle souffre. Mme A...indique qu'elle serait entrée en France sous couvert d'un visa de court séjour le 20 décembre 2016 pour rendre visite à sa fille et se serait maintenue au-delà de la durée de ce visa afin de rester aux côtés de sa fille. Toutefois, Mme A...ne produit aucun élément qui serait de nature à justifier qu'elle aurait contribué à l'entretien et à l'éducation de sa fille B...depuis sa naissance au Sénégal et lors du séjour de celle-ci en France aux côtés de son père lors des deux dernières années. Si Mme A...produit un jugement du 10 septembre 2018 du juge aux affaires familiales, lequel accorde la garde de la jeune B...à Mme A...le lundi soir, le mercredi, un week-end sur deux et une semaine sur deux pendant les vacances, apportant ainsi la preuve de l'éducation de la jeune B...à laquelle souhaite contribuer MmeA..., la saisine du juge aux affaires familiales et ce jugement sont postérieurs à la décision contestée. Dès lors, le préfet du Loiret n'a pas méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant à l'encontre de la requérante une mesure d'éloignement.

6. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".

7. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 5, il n'est pas établi que Mme A...entretienne avec sa fille depuis sa naissance des relations stables et continues. De plus, si elle a précisé aux services de police avoir vu souvent B...au Sénégal, elle n'a pu indiquer la fréquence de ces rencontres et souligne que l'enfant, qui la considère comme une tante, ne connaît pas la véritable nature de leurs liens. Elle est venue en France pour rencontrer sa fille et ne produit aucun élément antérieur à la décision contestée de nature à établir la fréquence et l'intensité de leur relation depuis son arrivée sur le territoire. En outre, la requérante ne conteste pas avoir gardé des attaches familiales ou personnelles dans son pays d'origine, où résident, selon ses déclarations, sa mère et ses trois frères. Dès lors, le préfet du Loiret n'a pas méconnu le droit de Mme A...à mener une vie familiale du fait de la seule présence de sa fille mineure en France.

8. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

9. Il ressort des pièces produites par la requérante que B...souffre depuis plusieurs années d'épilepsie dont le suivi est assuré par le centre hospitalier régional et universitaire de Tours et par son médecin traitant et que sa maladie est bien contrôlée par l'administration d'un traitement adapté. Si l'intérêt supérieur de B...est indiscutablement d'entretenir des liens avec sa mère, il n'est pas établi, dans les circonstances ci-dessus rappelées, notamment l'absence de relations régulière entre la jeune B...et sa mère depuis sa naissance, que la présence régulière de celle-ci auprès de l'enfant serait rendue nécessaire par sa maladie ou son équilibre, alors qu'elle vit de façon stable au sein du foyer de son père depuis plusieurs années. La mesure d'éloignement contestée n'est, dès lors, pas contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

10. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de Mme A...tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Loiret doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeA..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions de la requête à fin d'injonction doivent, dès lors, être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme A...sollicite le versement au profit de son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 30 mai 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif d'Orléans et le surplus des conclusions présentées par elle en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2019, où siégeaient :

- M. Perez, président de chambre,

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M. Giraud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 avril 2019.

Le rapporteur,

T. GIRAUDLe président,

A. PEREZ

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT03564


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03564
Date de la décision : 30/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Thomas GIRAUD
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SELARL MALLET GIRY ROUICHI

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-04-30;18nt03564 ?
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