Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de reconstitution de carrière.
Par un jugement n° 1607923 du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 juillet 2017, M. A..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 mai 2017 ;
2°) d'annuler la décision implicite du ministre de l'intérieur lui refusant le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA) et la reconstitution de sa carrière ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à l'administration de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes qu'il aurait dû percevoir, assorties des intérêts au taux légal à compter de sa première demande et de leur capitalisation ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- en refusant de lui accorder l'ASA au motif qu'il n'était pas affecté dans la circonscription de police de Paris ou de Versailles le ministre a entaché d'illégalité sa décision ;
- le fait de ne pas avoir bénéficié de l'ASA constitue un préjudice financier, tant en terme de rémunération que de pension de retraite, dès lors qu'il aurait pu terminer sa carrière avec le grade de major.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 février 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête et oppose l'exception de prescription quadriennale pour les années antérieures au 1er janvier 2012.
La clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2019 à 16 heures par une ordonnance du 18 février 2019.
Le mémoire produit le 27 février 2019 pour M. A...n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique ;
- le décret n° 95-313 du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles ;
- l'arrêté interministériel du 3 décembre 2015 fixant la liste des circonscriptions de police prévues au 1° de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., substituant MeD..., représentant M.A....
Une note en délibéré, présentée pour M.A..., a été enregistrée le 22 avril 2019.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., né le 12 mai 1961, est entré à l'école de police le 1er mars 1984. A partir du 1er octobre 1984, il a exercé ses fonctions au sein de la 44ème compagnie républicaine de sécurité basée à Joigny (89), puis à la police urbaine de Rouen et de Honfleur, avant d'être muté à Nantes à compter du 1er janvier 1995 où il est resté jusqu'à sa mise à la retraite, le 31 mars 2014. Par un courrier du 8 mars 2016, reçu le 10 mars 2016, il a demandé au ministre de l'intérieur le bénéfice de l'ASA ainsi que la reconstitution de sa carrière. Il relève appel du jugement du 30 mai 2017, par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre rejetant cette demande.
Sur l'exception de prescription quadriennale opposée par le ministre :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, (...) Sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ". Aux termes de l'article 7 de cette loi : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur n'a pas produit de défense devant le tribunal administratif de Nantes. Par suite, en application des dispositions précitées de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1968, il n'est pas fondé à opposer, pour la première fois en appel, la prescription des créances de M.A....
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Aux termes de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 : " Les fonctionnaires de l'Etat (...) affectés pendant une durée fixée par décret en Conseil d'Etat dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, ont droit, pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon, à un avantage spécifique d'ancienneté dans des conditions fixées par ce même décret ". Le 1° de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 pris pour l'application de ces dispositions législatives prévoit que les quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles doivent correspondre " en ce qui concerne les fonctionnaires de police, à des circonscriptions de police ou à des subdivisions de ces circonscriptions désignées par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité, du ministre chargé de la ville, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget ". Cet arrêté est intervenu le 17 janvier 2001. Selon son article 1er, " Sont bénéficiaires des dispositions du décret du 21 mars 1995 susvisé les fonctionnaires de police en fonction dans le ressort territorial des circonscriptions de police relevant des secrétariats généraux pour l'administration de la police de Paris et de Versailles ".
5. Dans sa décision n° 327428 du 16 mars 2011 précitée le Conseil d'Etat a jugé qu'en écartant par principe du bénéfice de l'ASA les fonctionnaires affectés en dehors du ressort territorial des circonscriptions de police relevant des secrétariats généraux pour l'administration de la police de Paris et de Versailles, sans égard à la situation concrète des circonscriptions de police ou de leurs subdivisions au regard du critère fixé par l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991, les ministres auteurs de l'arrêté ont commis une erreur de droit.
6. M. A...a saisi le ministre de l'intérieur d'une demande d'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté en se fondant sur la circonstance qu'il était affecté depuis le 1er février 1995 au sein de la circonscription de sécurité publique de Nantes et qu'en vertu de l'arrêté du 3 décembre 2015 cette circonscription faisait partie de celles prévues au 1° de l'article 1er du décret du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles. Il soutient que la décision implicite lui refusant l'attribution de l'ASA est fondée sur la circonstance qu'il est affecté en dehors du ressort territorial des circonscriptions de police relevant des secrétariats généraux pour l'administration de la police de Paris et Versailles. En l'absence de réponse à ce moyen, et de pièce contraire au dossier, le ministre de l'intérieur doit être regardé comme ayant effectivement fondé le rejet de la demande dont l'avait saisi M. A...sur le fait que ce dernier n'exerçait pas ses fonctions dans le ressort territorial des circonscriptions de police relevant des secrétariats généraux pour l'administration de la police de Paris ou Versailles qui, en vertu de l'arrêté interministériel du 17 janvier 2001, étaient les seules dans lesquels les fonctionnaires de police pouvaient alors bénéficier de l'avantage spécifique d'ancienneté. Ainsi, en refusant à M. A...le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté pour le motif susmentionné, le ministre a entaché sa décision implicite d'une erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite rejetant sa demande d'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté.
Sur les conclusions à fin d'injonction et de condamnation de l'Etat à lui verser les sommes dues :
8. En l'absence de plus amples précisions sur les fonctions exercées par M.A..., l'exécution du présent arrêt implique seulement que le ministre de l'intérieur réexamine la situation de l'intéressé pour l'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à cet examen dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par le requérant.
Sur le surplus des conclusions :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A...d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 30 mai 2017 et la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté la demande de M. A...tendant à l'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la demande de M. A...tendant au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 12 avril 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 avril 2019.
Le rapporteur,
V. GELARD
Le président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 17NT02307