Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 13 juin 2018 de la préfète de la Loire-Atlantique portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination.
Par un jugement no 1807035 du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté (article 1er), enjoint à la préfète de la Loire-Atlantique de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le délai de deux mois après l'avoir muni sans délai d'une autorisation provisoire de séjour (article 2), mis à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative (article 3) et rejeté le surplus des conclusions de sa demande (article 4).
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 novembre 2018 et le 25 janvier 2019, le préfet de la Loire-Atlantique demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement du 30 octobre 2018 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. E...devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont annulé son arrêté au motif que M. E... a été privé de la garantie constituée par un débat collégial entre les trois médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en se fondant sur des relevés d'une application informatique concernant l'instruction de demandes de titre de séjour d'autres ressortissants étrangers ; rien n'indique que le dossier de l'intéressé a été examiné de la même manière ; ces relevés ne permettent pas d'établir que ces médecins ne rendent pas leur avis à l'issue d'une délibération collégiale : en tout état de cause, la circonstance que ces médecins n'ont pas signé l'avis le jour même du délibéré n'est pas de nature à priver l'intéressé d'une garantie.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 janvier 2019 et le 12 février 2019, M. E..., représenté par MeC..., conclut à ce que soit rejetée la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Loire-Atlantique ne sont pas fondés.
M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnées aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bataille,
- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant M.E....
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de la Loire-Atlantique relève appel du jugement du 30 octobre 2018 du tribunal administratif de Nantes en ce qu'il a annulé, à la demande de M.E..., ressortissant de la République démocratique du Congo, l'arrêté du 13 juin 2018 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de l'intéressé dans le délai de deux mois après l'avoir muni sans délai d'une autorisation provisoire de séjour.
Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
3. Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".
4. Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase de l'alinéa (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".
5. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
6. Lorsque l'avis porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire. Cette preuve contraire n'est pas rapportée par la seule production de captures d'écrans tirées du logiciel de traitement informatique du dossier médical faisant état des date et heure auxquelles ces médecins ont renseigné et authentifié dans cette application le sens de leur avis.
7. Il ressort des pièces du dossier que l'avis médical concernant M.E..., du 21 novembre 2017, porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant " et a été signé par les trois médecins composant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Pour contester la régularité de cet avis, M. E...a produit des captures d'écrans tirées du logiciel de traitement informatique d'un dossier médical faisant apparaître des dates et heures différentes auxquelles chacun des médecins du collège a entré dans cette application le sens de son avis. Ces documents et ces mentions qui, au demeurant sont relatifs aux dossiers médicaux d'autres ressortissants étrangers, ne seraient constituer la preuve contraire mentionnée au point 6. Par suite, M. E...n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie tirée du débat collégial du collège de médecins de l'OFII. Dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a annulé pour ce motif l'arrêté du 13 juin 2018 de la préfète de la Loire-Atlantique pris à l'encontre de l'intéressé.
8. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. E...devant le tribunal administratif de Nantes.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
9. M. A...D..., directeur des migrations et de l'intégration de la préfecture, a reçu délégation de signature de la préfète de la Loire-Atlantique par arrêté du 9 mai 2018, publié le 11 mai 2018 au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 56, pour signer, notamment, les décisions portant refus de titre de séjour assorties d'une mesure d'obligation de quitter le territoire et d'une décision fixant le pays de destination. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit, dès lors, être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
10. En premier lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions rappelées au point 2 du présent arrêt, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
11. Le collège de médecins de l'OFII a estimé, le 21 novembre 2017, que si l'état de santé de M. E...nécessite une prise en charge médicale, son défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Ni les extraits de son dossier médical, qui récapitulent les pathologies dont il souffre et les traitements médicamenteux qui lui ont été prescrits, ni le certificat médical établi le 11 juillet 2018, insuffisamment circonstancié sur les conséquences d'une absence de prise en charge médicale, ne remettent en cause cet avis médical. Dans ces conditions, la circonstance, à la supposer établie, que le traitement suivi par l'intéressé en France n'existe pas dans son pays d'origine est inopérante. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devra être écarté.
12. En deuxième lieu, M. E... se prévaut de sa présence sur le territoire depuis le 3 décembre 2012 et d'une intégration réussie. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé n'a bénéficié du droit de séjourner régulièrement en France que pour une durée d'un an, le temps nécessaire à l'amélioration de son état de santé. Il n'est pas établi qu'il serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et en dépit de ses efforts d'intégration, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour a porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. En troisième lieu, pour les mêmes motifs exposés aux points 10 et 11 du présent arrêt, la préfète n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'emporte la décision de refus de titre de séjour sur la vie personnelle et familiale de M. E....
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
14. En premier lieu, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas établie, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence doit être écarté.
15. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés respectivement au point 10 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
16. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés respectivement aux points 11 et 12 du présent arrêt, les moyens tirés, d'une part, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, d'autre part, de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle et familiale de M. E...doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
17. L'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence doit être écarté.
18. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 13 juin 2018 et lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de M. E...dans le délai de deux mois après l'avoir muni sans délai d'une autorisation provisoire de séjour.
Sur les frais liés à l'instance :
19. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le conseil de M. E...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du 30 octobre 2018 du tribunal administratif de Nantes sont annulés.
Article 2 : Les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction de M. E...devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions présentées en appel au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...E.... Une copie sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 avril 2019.
Le président rapporteur,
F. BatailleL'assesseur le plus ancien,
J-E. GeffrayLe greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 18NT041622