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25/04/2019 | FRANCE | N°18NT03680

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 25 avril 2019, 18NT03680


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...Pirona demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2008.

Par un jugement n° 1201331 du 17 décembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence des sommes en droits et pénalités de 80 625 euros en ce qui concerne l'impôt sur le revenu et de 24 278 euros en ce qu

i concerne les contributions sociales, a réduit les bases des cotisations d'impôt sur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...Pirona demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2008.

Par un jugement n° 1201331 du 17 décembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence des sommes en droits et pénalités de 80 625 euros en ce qui concerne l'impôt sur le revenu et de 24 278 euros en ce qui concerne les contributions sociales, a réduit les bases des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales de la somme de 5 240,30 euros au titre de l'année 2008, a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à concurrence de cette réduction des bases d'imposition ainsi que celle des pénalités correspondantes et a rejeté le surplus de la demande.

Par un arrêt n°15NT01158 du 3 novembre 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête de M. Pironà hauteur de 1 295 euros en droits et pénalités et rejeté le surplus des conclusions.

Par une décision n° 408543 du 1er octobre 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par M.Piron, a annulé l'article 2 de cet arrêt et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la cour pour y être jugée.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 11 avril 2015, 18 mars 2016, 12 juillet 2016, 30 septembre 2016, 13 octobre 2016, 19 décembre 2018 et 25 janvier 2019, M. Piron, représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à sa demande ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2008 ;

3°) d'ordonner le remboursement de la totalité des sommes versées, assortie des intérêts moratoires ;

4°) à titre subsidiaire, de prononcer un sursis à statuer dans l'attente d'une décision pénale définitive sur les dépôts d'espèces ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure d'imposition est viciée dès lors qu'il a reçu treize lettres recommandées notifiées par le vérificateur dont douze mettant en demeure, de manière injustifiée et irrégulière, les six sociétés civiles immobilières (SCI) dont il est le gérant de déposer une déclaration n° 2072 et qu'il a ainsi été incité à ne pas répondre à la demande d'éclaircissements concernant ses revenus de l'année 2008 dans la mesure où, comme pour les SCI, il pensait avoir déjà fourni les pièces demandées ; ces courriers ont conduit le vérificateur à se dispenser de qualifier des revenus et à taxer d'office des prétendus revenus ; ce faisant, l'administration fiscale a manqué à son devoir de loyauté ;

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que le vérificateur a usé de manoeuvres pour procéder à une taxation d'office de ses revenus eu égard au volume de renseignements superflus demandés, le conduisant à le décourager de fournir une réponse ; dès lors que l'origine de 181 crédits sur les 310 crédits examinés était sans équivoque, le vérificateur a effectué une demande d'éclaircissements et de justification dont le contenu était démesuré, en méconnaissance de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ; l'instruction 5 B-8113 indique que la demande doit être circonscrite aux crédits méritant une explication ;

- le vérificateur, dont les demandes portaient en grande partie sur des revenus déclarés et qui ne s'est pas livré à l'examen matériel requis par l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, n'était pas fondé à adresser une demande d'éclaircissements et de justifications ; la règle du double a été méconnue dès lors que le vérificateur n'a pas tenu compte de l'ensemble des revenus bruts déclarés, soit 940 390 euros, le montant global des crédits bancaires étant de 1 654 824 euros ;

- la charte du contribuable vérifié a été méconnue en l'absence de dialogue durant la procédure de contrôle ;

- les chèques " Mathurin " et " Legal " proviennent de locataires des SCI Delta Mage et Sonige ; ces revenus ont été déclarés par les sociétés civiles immobilières et la rectification conduit à une double imposition ;

- le chèque de 800 euros encaissé le 26 mai 2008 correspond à la vente à M. G...d'un véhicule 2CV Citroën ;

- le chèque de 300 euros du 20 octobre 2008 correspond à un remboursement de charges par M. et Mme C...à qui il a prêté un appartement situé à Tenerife ;

- le chèque de 201,89 euros du 23 décembre 2008 correspond à la location d'une chambre à Rennes par M. A...;

- les crédits, d'un montant total de 577 700 euros, enregistrés sur ses comptes bancaires au cours de l'année 2008 correspondent à des dépôts d'espèces qu'il détenait chez lui à la suite de retraits effectués sur ses comptes bancaires dès les années 1980 ; les relevés produits ont permis de justifier de l'origine de cette somme auprès du crédit agricole ;

- le régime de charge de la preuve appliqué à la rectification portant sur les dépôts d'espèces méconnaît les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'équilibre entre les droits du contribuable et de l'administration dans une procédure, le principe de l'égalité devant l'impôt, le droit de propriété et l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 à laquelle les préambules des Constitutions de 1946 et 1958 renvoient dès lors qu'il lui est demandé de rapporter une preuve impossible ; le régime de la preuve objective doit être appliqué ;

- les deux remises d'espèces par Mme F...Pironpour un montant de 620 euros proviennent de l'entourage familial de celle-ci.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 septembre 2015, 21 avril 2016, 19 septembre 2016, 7 octobre 2016, 20 décembre 2018 et 10 janvier 2019, le ministre chargé des finances conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à la suite de la production de nouveaux justificatifs, les rectifications afférentes aux sommes de 305 euros du 14 mai 2008, 800 euros du 26 mai 2008, 404 euros du 1er octobre 2008 et 201,89 euros du 23 décembre 2008 ne sont pas maintenues ; des dégrèvements ont en conséquence été prononcés les 12 mai 2015 et 13 avril 2016 ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant en matière fiscale hormis le cas où la contestation porte sur des pénalités fiscales présentant un caractère répressif ;

- à supposer que la somme de 500 000 euros relative à la cession du bien immobilier de Fougères soit comprise dans le total des opérations de crédit recensées par le vérificateur, le solde des crédits restant s'élèverait à un montant total de 1 154 824 euros, représentant plus du double des revenus connus de M. Pironau titre de l'année 2008, de sorte que la procédure de demande de justifications a pu être mise en oeuvre à bon droit ;

- les autres moyens soulevés par M. Pironne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Malingue,

- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant M.B.inexpliqués et les revenus déclarés se seraient réduits, compte tenu de l'identification de certaines sommes par le vérificateur au stade de la proposition de rectification du 12 juillet 2010 ou des justifications apportées par M. Piron au stade de la réponse aux observations du contribuable du 8 octobre 2010

Considérant ce qui suit :

1. M. Pirona fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2006, 2007 et 2008, à la suite duquel l'administration a notamment imposé, en tant que revenus d'origine indéterminée, au titre de l'année 2008, selon la procédure de taxation d'office prévue aux articles L. 69 et suivants du livre des procédures fiscales, des crédits figurant sur les relevés de ses comptes bancaires. Les impositions supplémentaires résultant de ce contrôle ont été mises en recouvrement, respectivement, le 30 septembre 2011 s'agissant de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2008, pour un montant en droits et pénalités, de 410 809 euros et, le 31 octobre 2011, s'agissant des contributions sociales dues au titre de cette même année, pour un montant en droits et pénalités de 127 712 euros. Après le rejet, par décision du 24 janvier 2012, de sa réclamation préalable, M. Pirona sollicité auprès du tribunal administratif de Rennes la décharge de ces impositions. Par un jugement du 17 décembre 2014, ce tribunal a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur des impositions et pénalités dégrevées en cours d'instance, a déchargé M.Piron, en droits et pénalités, des impositions auxquelles il a été assujetti pour tenir compte d'une réduction en base d'un montant de 5 240,30 euros des rehaussements qui lui avaient été notifiés dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée et a rejeté le surplus de sa demande. M. Pironayant relevé appel de ce jugement en tant qu'il n'avait pas fait droit à l'intégralité de sa demande, la cour a, par un arrêt n°15NT01158 du 3 novembre 2016, prononcé un non-lieu à statuer à hauteur des impositions et pénalités dégrevées en cours d'instance (article 1er) et rejeté le surplus de la requête (article 2). Par une décision n° 408543 du 1er octobre 2018, le Conseil d'Etat a annulé l'article 2 de cet arrêt et a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, devant la cour pour y être jugée.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité de procédure consécutive à l'envoi de la demande d'éclaircissements et de justification adressée à M. Pironet de douze mises en demeure adressées aux sociétés civiles immobilières gérées par M.Piron :

2. Par un courrier du 31 mars 2010, retiré le 15 avril 2010, le vérificateur a, dans le cadre de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle de M.Piron, adressé à ce dernier une demande d'éclaircissements ou de justifications concernant la déclaration des revenus de l'année 2008. Puis ce même inspecteur des impôts a, par douze courriers en date du 12 avril 2010, reçus le 15 avril 2010, mis en demeure les six sociétés civiles immobilières gérées par M. Pironde produire les déclarations n°2072 de revenus des exercices clos en 2007 et en 2008. Si le requérant fait valoir que les mises en demeure concernant ces sociétés sont irrégulières et injustifiées, ces éventuelles irrégularités sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'examen de situation fiscale personnelle de M. Pirondès lors que les rectifications découlant de cette procédure ne procèdent pas de modifications apportées aux résultats de ces sociétés. Par ailleurs, dès lors notamment que ces documents étaient présentés de manière très différente et concernaient des personnes juridiques distinctes, l'administration fiscale n'a pas, en procédant à l'envoi de douze courriers après avoir adressé à M. Pironune demande d'éclaircissements ou de justifications, induit en erreur le contribuable sur la nature de la demande qui lui était adressée à titre personnel, alors même que celui-ci les aurait réceptionnés le même jour, et ne l'a pas empêché de répondre en temps utile à la demande qui le concernait. Par suite, M. Pironn'est pas fondé à soutenir que l'administration fiscale a méconnu son devoir de loyauté et entaché la procédure d'irrégularité.

En ce qui concerne la mise en oeuvre de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales :

3. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. / (inexpliqués et les revenus déclarés se seraient réduits, compte tenu de l'identification de certaines sommes par le vérificateur au stade de la proposition de rectification du 12 juillet 2010 ou des justifications apportées par M. Piron au stade de la réponse aux observations du contribuable du 8 octobre 2010) / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. (inexpliqués et les revenus déclarés se seraient réduits, compte tenu de l'identification de certaines sommes par le vérificateur au stade de la proposition de rectification du 12 juillet 2010 ou des justifications apportées par M. Piron au stade de la réponse aux observations du contribuable du 8 octobre 2010) / Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur. ".

S'agissant des conditions permettant sa mise en oeuvre :

4. Il résulte de la lettre de demande d'éclaircissements ou de justifications du 31 mars 2010 que le vérificateur a mis en oeuvre la procédure prévue par l'article L. 16 du livre des procédures fiscales après avoir relevé une discordance de 1 400 631 euros entre les crédits bancaires dont M. Pirona eu la disposition en 2008 (1 654 824 euros) et les revenus bruts déclarés au titre de cette même année (254 193 euros).

5. Lorsqu'elle entend comparer les crédits figurant sur les comptes bancaires ou les comptes courants d'un contribuable au montant brut de ses revenus déclarés en vue d'établir l'existence d'indices de revenus dissimulés, l'administration n'est en droit d'user de cette procédure de demande de justifications à l'égard de ce contribuable qu'à la condition que les sommes ainsi portées au crédit de ses comptes équivalent au moins au double de ses revenus connus. La différence de revenus, dont l'importance doit justifier la mise en oeuvre de la procédure de demande de justifications, s'entend de celle que l'administration constate avant tout examen critique des crédits qu'elle a recensés préalablement à cette mise en oeuvre, quelles que soient les justifications que le contribuable a pu spontanément apporter postérieurement à l'engagement de l'examen de situation fiscale personnelle et qui pourraient être de nature à réduire le montant des crédits sur lesquels il sera effectivement interrogé.

6. M. Pironsoutient, en premier lieu, que, pour le calcul de la règle du double, devaient être pris en compte les produits bruts perçus lors des opérations de rachat d'un contrat d'assurance-vie et de titres de sociétés d'investissement à capital variable de valeurs mobilières. Toutefois, l'administration peut se fonder sur les revenus figurant sur la déclaration des revenus que doit déposer le contribuable en vertu des articles 170 et suivants du code général des impôts, y compris sur des revenus nets lorsque celle-ci ne comporte pas d'information sur les revenus bruts. Dès lors, pour le rachat de SICAV et d'un contrat d'assurance-vie, c'est à bon droit que l'administration fiscale a retenu au titre des revenus déclarés le montant porté sur la déclaration de revenus n° 2042 et non la somme versée lors de ces rachats.

7. En deuxième lieu, une somme inscrite au crédit d'un compte bancaire ou d'un compte courant d'un contribuable en exécution d'un virement opéré depuis un autre compte bancaire ou compte courant retenu par l'administration pour sa comparaison ne peut constituer un indice de revenu dissimulé. Par suite, si l'administration n'est pas tenue de procéder à un examen critique préalable des crédits figurant sur les comptes bancaires ou les comptes courants d'un contribuable, ni, quand elle l'a fait, de se référer, comme terme de comparaison, aux seuls crédits dont l'origine n'est pas justifiée après le premier examen, elle doit neutraliser, afin de déterminer le montant total des crédits à prendre en compte pour procéder à cette comparaison, les virements de compte à compte de l'intéressé. En revanche, s'agissant des remises de chèques, l'administration n'est pas tenue de les extourner des crédits pris en compte, alors même que certaines remises de chèques correspondraient à des versements de compte à compte, dès lors qu'une telle exclusion nécessiterait une analyse critique des relevés bancaires. Par suite, dès lors que la seule lecture des relevés bancaires ne permettait pas de savoir si la somme de 25 000 euros provenait de remises de chèques émanant de comptes de M.Piron, cette somme pouvait être prise en compte dans le montant des crédits bancaires afin de déterminer si une demande de justifications pouvait être adressée au contribuable.

8. En troisième lieu, le montant mentionné au crédit d'un compte bancaire ou d'un compte courant d'un contribuable qui correspond au prix de la cession d'un immeuble ayant fait l'objet d'une déclaration à l'administration fiscale ne peut constituer l'indice d'un revenu dissimulé. Par suite, quand, en application de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, l'administration compare les crédits figurant sur les comptes bancaires ou les comptes courants d'un contribuable au montant brut de ses revenus déclarés pour établir si des indices de revenus dissimulés l'autorisent à demander à l'intéressé des justifications, il lui incombe de ne prendre en compte ni ce montant ni la plus-value éventuellement réalisée par le contribuable dans aucun des deux termes de la comparaison.

9. Aux termes du III de l'article 150 VG du code général des impôts : " Lorsque la plus-value est exonérée en application du II des articles 150 U et 150 UA ou par l'application de l'abattement prévu au I de l'article 150 VC ou lorsque la cession ne donne pas lieu à une imposition, aucune déclaration ne doit être déposée sauf dans le cas où l'impôt sur le revenu afférent à la plus-value en report d'imposition est dû. L'acte de cession soumis à la formalité fusionnée ou présenté à l'enregistrement précise, sous peine de refus de dépôt ou de la formalité d'enregistrement, la nature et le fondement de cette exonération ou de cette absence de taxation. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si la plus-value résultant d'une cession d'immeuble légalement exonérée n'a pas à être déclarée dans la déclaration de revenus, l'administration fiscale en est toutefois informée dans le cadre de la formalité fusionnée ou de l'enregistrement.

10. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'administration n'avait pas à tenir compte, dans les revenus déclarés, de la plus-value réalisée lors de la cession du bien immobilier situé à Fougères le 5 décembre 2008. Par suite, elle devait extourner des crédits figurant sur les comptes bancaires du contribuable la somme de 500 000 euros correspondant au prix de la cession.

11. Toutefois l'administration fiscale fait valoir que, même dans l'hypothèse de réfaction de la somme de 500 000 euros relative à la cession du bien immobilier de Fougères, le montant total des crédits bancaires s'élève à 1 154 824 euros, soit plus du double des revenus déclarés de M. Pironau cours de l'année 2008.

12. Il résulte de l'instruction que, compte tenu de la rectification de l'erreur commise sur le montant des revenus fonciers bruts à prendre en compte dans les revenus déclarés, dont les parties s'accordent sur le fait qu'ils doivent être portés à la somme de 291 759 euros, et de la diminution du montant des crédits bancaires à la somme de 1 154 824 euros du fait de la réfaction de la somme de 500 000 euros mentionnée au point 10 du présent arrêt, l'écart entre les revenus déclarés et le montant des sommes au crédit des comptes ouverts au nom de M. Pironreste supérieur au double des revenus bruts déclarés.

13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 12 du présent arrêt que l'administration fiscale, qui avait, à la suite d'un premier examen, réuni des éléments permettant d'établir que M. Piron pouvait avoir des revenus plus importants que ceux qu'il avait déclarés, était, par suite, en droit de lui adresser la demande de justifications prévue à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales. Est sans incidence à cet égard le fait que les écarts entre les crédits demeurant.inexpliqués et les revenus déclarés se seraient réduits, compte tenu de l'identification de certaines sommes par le vérificateur au stade de la proposition de rectification du 12 juillet 2010 ou des justifications apportées par M. Piron au stade de la réponse aux observations du contribuable du 8 octobre 2010

S'agissant du contenu de la demande de justifications :

14. Le courrier de demande de justifications du 31 mars 2010 comporte une annexe qui précise, pour chaque écriture de crédit sur laquelle porte cette demande, la date, le numéro du compte bancaire concerné, son montant ainsi que le libellé de ce crédit sur les relevés bancaires. Cette demande est, par conséquent, suffisamment précise au regard des exigences posées par l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, sans qu'y porte atteinte, contrairement à ce que soutient M.Piron, le fait que cette demande concerne un nombre conséquent de crédits.

15. Par ailleurs, la circonstance que l'administration eût pu présumer que les crédits portés sur les comptes bancaires de M. Pironprovenaient pour partie de recettes liées aux SCI qu'il gérait, de versements de sa caisse de retraite et de revenus mobiliers, ne faisait pas obstacle à ce qu'elle lui demandât de justifier l'origine de ces crédits, à peine de taxation d'office en cas d'absence de réponse. L'instruction 5 B-8113 du 1er août 2011 dont M. Pironse prévaut ne comporte pas à cet égard d'interprétation de la loi différente de celle dont il est fait application.

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié :

16. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " (inexpliqués et les revenus déclarés se seraient réduits, compte tenu de l'identification de certaines sommes par le vérificateur au stade de la proposition de rectification du 12 juillet 2010 ou des justifications apportées par M. Piron au stade de la réponse aux observations du contribuable du 8 octobre 2010) / Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ". Dans sa version remise aux contribuables, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié dispose que : " Dans le cadre de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP), le dialogue joue également un rôle très important tout au long de la procédure. Il vous permet de présenter vos explications sur les discordances relevées par le vérificateur à partir des informations dont il dispose. ".

17. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'envoi de l'avis de vérification du 9 novembre 2009, le contribuable, qui avait reçu une première demande de renseignements non contraignante en date du 23 novembre 2009, s'est entretenu avec le vérificateur les 11 janvier et 29 mars 2010. Au cours de ces deux entretiens, ont été évoqués les charges foncières de M. Pironainsi que les sommes créditées sur ses comptes bancaires, notamment un versement en espèces de 430 000 euros le 28 juillet 2008. L'intéressé n'a alors pu expliquer la discordance importante entre le total des revenus déclarés en 2008 et le total des crédits bancaires de la même année. Le vérificateur a ensuite adressé, par courrier du 31 mars 2010, une demande de justifications dans les conditions rappelées aux points précédents, à laquelle M. Pironn'a pas répondu. M. Pirona retiré le 15 juillet 2010 la proposition de rectification en date du 12 juillet 2010 qui fait suite à l'examen de sa situation fiscale personnelle.

18. En premier lieu, aucune disposition législative ou réglementaire ou de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié n'impose à l'administration de proposer un entretien au contribuable après la demande d'éclaircissements et de justifications, notamment pour exposer les conséquences du contrôle.

19. En deuxième lieu, si M. Pironfait grief au vérificateur de ne pas avoir répondu au courrier qu'il lui a adressé le 3 mai 2010, il résulte des propres termes de ce courrier que celui-ci ne concernait que les mises en demeure adressées aux SCI dont il est le gérant. L'absence de réponse à ce courrier est donc sans influence sur le débat contradictoire organisé dans le cadre de l'examen de sa situation fiscale personnelle de M.B.inexpliqués et les revenus déclarés se seraient réduits, compte tenu de l'identification de certaines sommes par le vérificateur au stade de la proposition de rectification du 12 juillet 2010 ou des justifications apportées par M. Piron au stade de la réponse aux observations du contribuable du 8 octobre 2010 Pour ce même motif, M. Pironne peut utilement se prévaloir du caractère abusif, selon lui, de ces mises en demeure.

20. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 13 à 15 du présent arrêt que M. Pironn'est pas fondé à soutenir que le premier examen requis lors de la mise en oeuvre de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales n'a pas été réalisé et que la demande de justifications revêtait un caractère démesuré. Par conséquent, il ne peut inférer de ces éléments qu'ils seraient révélateurs d'une absence du dialogue garanti par la charte du contribuable vérifié.

21. Enfin, la circonstance que le vérificateur qui avait annoncé que M. Pironpouvait bénéficier d'une demi-part n'en a pas tenu compte avant la réponse aux observations du contribuable n'est pas de nature en elle-même à révéler une absence de dialogue contradictoire.

22. Il résulte de ce qui a été dit aux points 17 à 21 du présent arrêt que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de la charte du contribuable vérifié doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

23. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) / la charge de la preuve incombe (...) / au contribuable (...) en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 ". En vertu de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales.

24. M. Pironn'ayant pas répondu à la demande de justifications prévue à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales qui lui a été notifiée le 15 avril 2010, il a été, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, taxé d'office à raison des revenus d'origine indéterminée au titre de l'année 2008. En vertu de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré de l'imposition lui incombe.

25. M. Pironsoutient, d'une part, que l'application de ce régime de preuve aux dépôts d'espèces conduit à mettre à sa charge une preuve impossible à rapporter, en méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, pour critiquer les règles relatives à la charge et l'administration de la preuve, il ne peut utilement invoquer ces stipulations qui ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale et ne sont donc pas applicables au contentieux de l'assiette de l'impôt.

26. D'autre part, à l'exception des cas où, en application de l'article 61-1 de la Constitution, une question prioritaire de constitutionnalité est présentée par mémoire distinct, il n'appartient pas au juge administratif de connaître de la question de la conformité d'une loi à la Constitution. Par suite, les moyens tirés du non-respect par les dispositions de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales du principe d'égalité devant l'impôt, du droit de propriété et des articles 13 et 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 doivent être écartés.

27. Si l'administration ne peut régulièrement taxer d'office, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, les sommes dont elle n'ignore pas qu'elles relèvent d'une catégorie précise de revenus, elle peut en revanche procéder à cette taxation d'office si, au vu des renseignements dont elle disposait avant l'envoi de la demande de justifications fondée sur l'article L. 16 du livre des procédures fiscales et des réponses apportées par le contribuable à cette demande, la nature des sommes en cause, et donc la catégorie de revenus à laquelle elles seraient susceptibles de se rattacher, demeure inconnue. Il est toutefois loisible au contribuable régulièrement taxé d'office sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales d'apporter devant le juge de l'impôt la preuve que ces sommes, soit ne constituent pas des revenus imposables, soit se rattachent à une catégorie précise de revenus.

En ce qui concerne le crédit de 300 euros du 20 octobre 2008 :

28. M. Pironsoutient que le crédit de 300 euros correspond à un remboursement par chèque de charges par des personnes auxquelles il a prêté pour une semaine en 2008 un appartement situé à Tenerife dont il bénéficiait en temps partagé. A l'appui de ses affirmations, il produit un document intitulé " appel de charges émanant du club hôtel multivacances " du 13 juillet 2008 pour un montant total de 3 280,60 euros, une attestation des intéressés du 5 mars 2015, un compte-rendu du comité des propriétaires de cette résidence du 12 novembre 2013, un courrier du 18 août 2015 du directeur du site de la résidence et une note d'information rédigée le 12 juillet 2016 précisant le litige l'opposant à ce directeur. Toutefois, en l'absence de document justifiant de la nature et du montant exact de ce crédit et compte tenu du caractère tardif de l'attestation produite par les intéressés postérieurement aux opérations de contrôle, ces éléments sont insuffisants pour justifier de l'origine de ce crédit. Par suite, M. Pironne rapporte pas la preuve qui lui incombe du caractère exagéré de la base d'imposition sur ce point.

En ce qui concerne les remises d'espèces sur les comptes bancaires de M.Piron :

29. L'administration fiscale a imposé dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée les dépôts d'espèces effectués par M. Pironsur ses deux comptes bancaires au cours de l'année 2008, représentant la somme totale de 577 700 euros. M. Pironsoutient que ces sommes correspondent à des espèces qu'il détenait chez lui à la suite de retraits effectués dans les années 1980 et entre 2002 et 2004. S'il produit des pièces, notamment des relevés de compte, dont un portant le tampon " contrôle permanent sécurité financière " et un procès-verbal du 12 juin 2014 émanant des services de police judiciaire de Rennes, qui confirment l'existence de retraits, aucun de ces documents ne permet d'établir que les sommes qu'il a retirées bien antérieurement à l'année 2008 seraient restées à sa disposition depuis leur retrait ni de justifier d'une corrélation entre les retraits pratiqués et les dépôts effectués en 2008. Par suite, M. Pironne justifie pas de l'origine et du caractère non imposable des sommes versées sur ses comptes au cours de l'année 2008 et n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère exagéré de la base d'imposition.

En ce qui concerne les remises d'espèces sur les comptes bancaires de MmeB... :

30. En se bornant à soutenir que les dépôts d'espèces des 15 juillet 2008 et 29 novembre 2008 sur les comptes bancaires de sa fille correspondent à des sommes versées par sa famille sans apporter aucun élément à l'appui de ses affirmations, M. Pironne rapporte pas la preuve qui lui incombe du caractère exagéré de l'imposition. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a imposé les sommes de 500 euros et 120 euros en tant que revenu d'origine indéterminée.

31. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge pénal, M. Pironn'est à fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2008 restant en litige. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au remboursement des sommes acquittées assorties des intérêts moratoires ainsi que celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions de la requête de M. Pirondont le jugement a été renvoyé à la cour par décision du Conseil d'Etat du 1er octobre 2018 sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Pironet au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Phémolant, présidente de la cour,

- M. Geffray, président,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 avril 2019.

Le rapporteur,

F. MalingueLe président,

B. Phémolant

Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°18NT03680

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT03680
Date de la décision : 25/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PHEMOLANT
Rapporteur ?: Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : ALTEC AVO'K

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-04-25;18nt03680 ?
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