Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) EBB a demandé au tribunal administratif d'Orléans la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 2011, 30 septembre 2012, 30 septembre 2013 et 30 décembre 2013 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2010 au 31 décembre 2013.
Par un jugement no 1603733 du 27 juin 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 août 2017, la SARL EBB, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer ces décharges ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que l'administration a appliqué de manière erronée la notion de " maître de l'affaire " ;
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de fait en ce que les premiers juges ont relevé que " l'administration fiscale soutient, d'une part, qu'aucune discordance n'a été constatée entre le montant des tickets Z quotidiens et le montant des recettes constatées dans la caisse établissant ainsi l'absence de la grivèlerie sur les recettes imposées " alors que l'administration n'a jamais évoqué " ce moyen " ;
- l'administration ne justifie pas qu'il y a omission de recettes ;
- l'administration a appliqué de manière erronée la notion de " maître de l'affaire " et M. B...ne peut être désigné comme maître de l'affaire ayant appréhendé les bénéfices distribués ;
- l'administration n'ayant pas satisfait à l'obligation prévue à l'article 117 du code général des impôts, la procédure désignant M. et Mme B...comme étant bénéficiaires des distributions est irrégulière ;
- la comptabilité a été considérée comme régulière et probante et l'administration ne lui reproche aucun acte anormal de gestion ; il ne peut donc y avoir omission de recettes et perception de revenus occultes ;
- l'application des majorations de 40 % n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL EBB ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chollet,
- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) EBB, qui exploite un fonds de commerce de restaurant, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité selon la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales. Elle relève appel du jugement du 27 juin 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 septembre 2011, 30 septembre 2012, 30 septembre 2013 et 30 décembre 2013 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2010 au 31 décembre 2013.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, la SARL EBB soutient que le jugement attaqué est entaché d'une erreur de fait en ce que les premiers juges ont relevé que " l'administration fiscale soutient, d'une part, qu'aucune discordance n'a été constatée entre le montant des tickets Z quotidiens et le montant des recettes constatées dans la caisse établissant ainsi l'absence de la grivèlerie sur les recettes imposées " alors que l'administration n'a jamais évoqué " ce moyen ". Toutefois, cette erreur affecterait le bien-fondé d'une décision juridictionnelle et non sa régularité. Ainsi, en invoquant une telle erreur la SARL EBB ne critique pas utilement la régularité du jugement du tribunal administratif d'Orléans.
3. En second lieu, la SARL EBB soutient que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que l'administration a appliqué de manière erronée la notion de " maître de l'affaire ". Toutefois, ainsi qu'il sera dit au point 10 du présent arrêt, ce moyen, visé par les premiers juges, étant inopérant, le jugement attaqué n'est pas, faute de réponse explicite, entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé des impositions :
4. En premier lieu, d'une part, aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...). L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ". D'autre part, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / (...) ". Aux termes de l'article 269 du même code : " 1- Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; / (...) / 2. La taxe est exigible : / a) Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 (...), lors de la réalisation du fait générateur ; / (...) ".
5. Il est constant qu'au cours du service, les serveurs prennent les commandes sur des carnets qu'ils transmettent au caissier et que les commandes sont alors enregistrées dans la caisse enregistreuse. Puis les tickets de caisse édités sont remis aux clients et les paiements sont enregistrés en caisse. En fin de journée, un ticket récapitulatif, dit ticket " Z ", est édité par la caisse. Il totalise toutes les recettes toutes taxes comprises enregistrées dans la journée, ventilées en fonction du mode de paiement et du taux de taxe sur la valeur ajoutée. Ce logiciel de caisse n'étant pas connecté au logiciel de comptabilité, les données quotidiennes des tickets " Z " sont utilisées par le gérant pour l'établissement d'un document récapitulatif mensuel, lequel est remis au comptable pour enregistrement dans le logiciel de comptabilité.
6. Le vérificateur, qui n'a pas remis en cause la valeur probante et régulière de la comptabilité de la SARL EBB, a relevé que si le montant des encaissements enregistrés en caisse informatique correspond au total des tickets édités, le montant des recettes figurant sur les documents récapitulatifs mensuels ainsi que la ventilation du chiffre d'affaires par taux de taxe sur la valeur ajoutée étaient différents des données enregistrées par la caisse. Ainsi une partie des recettes figurant sur les tickets " Z ", et donc une partie des recettes encaissées, n'a pas été reportée en comptabilité par le gérant. En outre, le vérificateur a relevé qu'une part des recettes qui, selon les données de la caisse enregistreuse, étaient imposables au taux normal de taxe sur la valeur ajoutée, ont été comptabilisées comme recettes assujetties au taux réduit de taxe. Il en a résulté un rehaussement en base correspondant au chiffre d'affaires non déclaré d'un montant de 18 320 euros au titre de l'exercice clos au 30 septembre 2011, de 23 330 euros au titre de l'exercice clos au 30 septembre 2012 et de 5 575 euros au titre de l'exercice clos au 30 septembre 2013. Il en a également résulté un rappel de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant en droits de 4 082 euros pour la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2011, de 4 714 euros pour la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012, de 4 596 euros pour la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013 et de 141 euros pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2013.
7. La SARL EBB soutient qu'il n'existe pas de recettes occultes et que cette distorsion entre le chiffre d'affaires qui résulte des données de la caisse enregistreuse et le chiffre d'affaires qui résulte des recettes constatées dans la caisse telles que déclarées par le gérant au comptable, est imputable aux erreurs, oublis et vol du personnel et qu'il s'agit de pertes déductibles des résultats imposables. Toutefois, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses dires. Au demeurant, l'administration fait valoir sans être sérieusement contestée que les justificatifs de caisse, à savoir les tickets " Z ", font état des erreurs de commandes qui n'ont pas été facturées aux clients, que les tarifs préférentiels pratiqués à l'égard de certains clients sont sans conséquence sur les encaissements par caisse et que les remises donnent lieu à une écriture comptable dans un compte de charges, enfin, que les consommations offertes sont enregistrées dans un compte " 623405 offerts clients " et incluses dans les remises commerciales. L'administration rappelle en outre que les vols commis par des clients auraient dû être constatés par les données de caisse enregistreuse avec, d'une part, l'enregistrement du chiffre d'affaires hors taxe et la taxe sur la valeur ajoutée facturée et, d'autre part, en contrepartie, l'enregistrement de la perte hors taxe et de la taxe sur la valeur ajoutée collectée annulée. Ainsi les factures relatives à des faits de vols n'ont, par nature, pas donné lieu à encaissements et ne sont pas entrées en ligne de compte dans la discordance de chiffre d'affaires relevée par le vérificateur. Dans ces conditions, le moyen doit être écarté.
8. Par ailleurs, la SARL EBB n'apporte aucun élément en ce qui concerne l'application d'un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée à des opérations soumises au taux normal selon la caisse enregistreuse.
9. En deuxième lieu, compte tenu de l'indépendance entre la procédure d'imposition suivie à l'égard de la SARL EBB, soumise à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée, et celle menée vis-à-vis de M. et MmeB..., assujettis à l'impôt sur le revenu, celle-ci ne peut utilement invoquer des irrégularités qui auraient affecté le contrôle sur pièces dont son gérant a fait l'objet. Par suite le moyen tiré de ce que l'administration n'a pas mis en oeuvre les dispositions de l'article 117 du code général des impôts est inopérant à l'encontre des impositions établies au nom de la société requérante.
10. En troisième lieu, la SARL EBB soutient que l'administration fiscale a appliqué de manière erronée la notion de " maître de l'affaire " et que M. B...ne peut être désigné comme maître de l'affaire ayant appréhendé les bénéfices distribués. Toutefois, cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur les impositions en litige qui résultent de la vérification de comptabilité de la SARL EBB.
11. En quatrième lieu, si la SARB EBB soutient que sa comptabilité a été jugée comme régulière et probante et que l'administration ne lui reproche aucun acte anormal de gestion, ce qui a pour conséquence qu'il ne peut y avoir omission de recettes et perception de revenus occultes, elle n'assortit pas ce moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
12. En dernier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".
13. L'administration fait valoir qu'elle justifie que le gérant, qui avait pour fonction de reporter sur les tableaux récapitulatifs les données des tickets " Z ", a modifié ces données avant de les transmettre au comptable pour enregistrement dans les journaux de ventes et de trésorerie pour chaque exercice clos en litige. Le gérant n'a pu expliquer ce retraitement de données ni justifier pourquoi il a modifié également la répartition du chiffre d'affaires, en majorant le chiffre d'affaires assujetti à un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée au détriment du chiffre d'affaires assujetti au taux normal de cette taxe. Ainsi, elle fait valoir que le gérant a intentionnellement reporté chaque mois des données minorées sur des tableaux transmis à son comptable. LA SARL EBB se borne à soutenir que l'administration ne justifie pas ses dires. Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit aux points 5 à 8 du présent arrêt, l'administration apporte ainsi la preuve du caractère délibéré du manquement de la SARB EBB.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL EBB n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL EBB est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée EBB et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 avril 2019.
Le rapporteur,
L. CholletLe président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No17NT02547