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23/04/2019 | FRANCE | N°18NT01368

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 23 avril 2019, 18NT01368


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les arrêtés du 27 février 2018 par lesquels la préfète d'Eure-et-Loir, d'une part, a ordonné sa remise aux autorités néerlandaises et, d'autre part, l'a assignée à résidence dans le département d'Eure-et-Loir pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1800777 du 6 mars 2018, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cou

r :

Par une requête, enregistrée le 5 avril 2018, Mme B...C..., représentée par Me A..., demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les arrêtés du 27 février 2018 par lesquels la préfète d'Eure-et-Loir, d'une part, a ordonné sa remise aux autorités néerlandaises et, d'autre part, l'a assignée à résidence dans le département d'Eure-et-Loir pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1800777 du 6 mars 2018, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 avril 2018, Mme B...C..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 mars 2018 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif d'Orléans ;

2°) d'annuler les arrêtés du 27 février 2018 de la préfète d'Eure-et-Loir ;

3°) de condamner l'Etat au versement des frais irrépétibles sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne l'arrêté portant remise aux autorités néerlandaises :

- la notification de l'arrêté est irrégulière ;

- elle n'a pas été informée, par écrit, dans une langue qu'elle comprend, des délais et des procédures applicables en matière de compétence des Etats concernant les demandes d'asile ;

- la France étant le premier pays dans lequel elle a déposé une demande d'asile, c'est cette dernière qui doit être déclarée responsable et non pas les Pays-Bas.

- la France est responsable de sa demande d'asile au regard des dispositions du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n° 2003/343 du Conseil du 18 février 2003 ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en raison de sa grossesse, elle ne peut pas effectuer de long voyage.

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence, il est privé de base légale en raison de l'illégalité de l'arrêté de réadmission.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2018, la préfète d'Eure-et-Loir conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 2003/343 du Conseil du 18 février 2003 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Francfort, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., ressortissante algérienne, née le 8 mars 1986, déclare être entrée en France le 25 août 2017, sous couvert d'un visa délivré par les autorités néerlandaises valable du 18 août 2017 au 2 octobre 2017. Le 25 septembre 2017, elle a déposé une demande d'admission au séjour au titre de l'asile auprès des services de la préfecture d'Eure-et-Loir. La consultation de la base de données Visabio ayant révélé que les autorités néerlandaises avaient délivré un visa à MmeC..., la préfète d'Eure-et-Loir a sollicité le 20 novembre 2017, la prise en charge de Mme C...par les autorités néerlandaises sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ces autorités ont accepté, le 10 janvier 2018, cette prise en charge. Par deux arrêtés du 27 février 2018, la préfète d'Eure-et-Loir a décidé de transférer Mme C...aux autorités néerlandaises et de l'assigner à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Mme C...relève appel du jugement du 6 mars 2018 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 27 février 2018.

En ce qui concerne l'arrêté de transfert :

2. En premier lieu, la circonstance que la notification de l'arrêté mentionne à tort " autorités italiennes " n'est pas de nature à établir que la préfète aurait fait une confusion quant aux autorités concernées, à savoir les autorités néerlandaises, qui sont mentionnées au sein de l'arrêté. Cette simple erreur matérielle n'est pas de nature à entacher d'illégalité l'arrêté contesté.

3. En deuxième lieu, la requérante, qui soutient qu'elle n'a pas été informée par écrit, dans une langue qu'elle comprend, des délais et des procédures applicables en matière de compétence des Etats, doit être regardée comme invoquant la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui prévoit un droit à l'information complète sur le dispositif " Dublin ".

4. Il ressort des pièces du dossier que MmeC..., qui comprend l'arabe, s'est vu remettre le 25 septembre 2017, lors de son dépôt de demande d'asile auprès des services de la préfecture, les brochures dites A et B ainsi que le " guide du demandeur d'asile ", en langue arabe. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 sera écarté.

5. En troisième lieu, aux termes des dispositions du 2 de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Si le demandeur est titulaire d'un visa en cours de validité, l'Etat membre qui l'a délivré est responsable de sa demande de protection internationale (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme C...s'est vu délivrer le 7 août 2017 un visa, valable du 18 août au 2 octobre 2017, par les autorités néerlandaises. Par suite, à la date de sa demande d'asile, la requérante était titulaire d'un visa en cours de validité. Dans ces conditions, la circonstance que le France soit le premier pays dans lequel elle ait demandé l'asile est sans incidence sur la désignation de l'Etat responsable de l'examen de sa demande.

7. En quatrième lieu, la requérante doit être regardée comme invoquant la méconnaissance des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, aux termes desquelles : " (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (....) ".

8. Si MmeC..., qui est entrée récemment en France le 25 août 2017 avec son époux et ses enfants, depuis scolarisés, se prévaut de la présence de sa belle-mère et de son beau-frère sur le territoire français. Il ressort des pièces du dossier que son époux fait également l'objet d'un arrêté de transfert. De plus, aucun justificatif n'est apporté quant à la présence de sa belle-mère ou son beau-frère sur le territoire. Elle n'établit ni même n'allègue l'existence d'obstacle à la reconstitution de la cellule familiale en dehors du territoire français. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 sera écarté.

9. En cinquième lieu, la requérante soutient que l'arrêté a pour conséquence de la séparer de son époux dans la mesure où ce dernier doit rester en France afin de donner un organe à son frère. Cependant, à supposer établie la réalité de ce projet d'opération, M. C...n'a pas vocation à demeurer sur le territoire français après l'opération. De plus, comme il a été rappelé au point précédent, l'époux de la requérante fait également l'objet d'un arrêté de transfert vers les Pays-Bas. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sera écarté.

10. En sixième lieu, Mme C...se prévaut du fait qu'elle était enceinte depuis six mois à la date de la décision de transfert aux autorités néerlandaises et qu'elle ne pouvait faire de long trajet. Toutefois, elle n'établit pas, par le certificat médical qu'elle produit, que son état l'empêchait, à la date de cette décision, d'effectuer un voyage vers les Pays-Bas sans danger pour elle-même ou pour son enfant. Ce moyen doit être écarté.

En ce qui concerne l'arrêté d'assignation à résidence :

11. Compte-tenu de ce qui a été dit ci-dessus il y a lieu d'écarter le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de la décision de transfert.

En ce qui concerne l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en tout état de cause obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande Mme C...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise à la préfète d'Eure-et-Loir.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir , président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 avril 2019.

Le rapporteur,

J. FRANCFORTLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT01368


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01368
Date de la décision : 23/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : DRIDI

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-04-23;18nt01368 ?
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