Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... C...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 24 mars 2014 par lequel le maire de la commune de Lucé l'a radiée des cadres pour abandon de poste.
Par un jugement n° 1403368 du 10 mars 2015, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 15NT02963 du 24 mai 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement ainsi que l'arrêté du maire de la commune de Lucé du 24 mars 2014.
Par une décision n° 412905 du 7 décembre 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.
Procédure devant la cour avant cassation :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 octobre 2015 et 23 mars 2017 Mme C..., représentée par Me F..., a demandé à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1403368 du 10 mars 2015 du tribunal administratif d'Orléans ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 mars 2014 du maire de la commune de Lucé la radiant des cadres de la commune pour abandon de poste ;
3°) de mettre à la charge de la commune, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Elle soutenait que ;
- le jugement du tribunal administratif est irrégulier dès lors qu'il ne contient pas l'analyse des moyens développés dans son mémoire en réplique enregistré le 6 février 2015 ;
- l'arrêté du 24 mars 2014 a été pris par une autorité incompétente et méconnaît les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ;
- elle n'a pas abandonné son poste car elle venait de formuler une demande de congé de longue maladie ; son état de santé ne lui permettait pas de prendre conscience du risque encouru en ne se présentant pas à son poste ;
- le délai qui lui a été accordé pour réagir à la mise en demeure du 17 mars 2014 ne lui a pas permis d'adresser une nouvelle fois sa demande de congé de longue maladie à son employeur ;
- l'arrêté contesté est entaché de détournement de pouvoir ; elle était en effet en litige avec la commune pour des faits de harcèlement moral.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 janvier 2016 la commune de Lucé, représentée par MeA..., a conclu au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle faisait valoir que les moyens soulevés par Mme C...n'étaient pas fondés.
Procédure devant la cour après cassation :
Par un mémoire enregistré le 19 février 2019 MmeC..., représentée par Me F..., maintient les conclusions présentées devant la cour le 9 octobre 2015 et porte à 4 200 euros la somme demandée sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soulève les mêmes moyens que dans ses mémoires précédents.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 février 2019 la commune de Lucé, représentée par la SCP Monod-Colin-Stoclet, conclut aux mêmes fins que dans son mémoire du 5 janvier 2016.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme C...ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 août 2015, maintenu de plein droit.
Vu les pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure civile ;
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Berthon,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant la commune de Lucé.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., assistante spécialisée d'enseignement artistique employée par la commune de Lucé (Eure-et-Loir) au sein du conservatoire municipal en qualité de professeur de piano, a été placée en congé de longue durée jusqu'au 15 mai 2013 puis, après une mise en demeure de reprendre son poste en date du 16 septembre 2013, en congé de maladie ordinaire du 19 septembre 2013 au 20 février 2014. En réponse à la lettre du 5 février 2014, par laquelle la commune de Lucé l'a informée qu'une nouvelle prolongation de son arrêt de travail impliquerait la saisine du comité médical et lui a demandé de lui préciser si son état de santé était susceptible de relever, selon son médecin traitant, d'un congé de longue maladie ou de longue durée, Mme C... a adressé à la commune de Lucé, le 20 février 2014, un pli contenant une demande de congé de longue maladie accompagnée d'un certificat médical attestant que son état de santé justifiait l'attribution d'un tel congé. Toutefois, ce pli a été refusé par la commune de Lucé en raison d'un affranchissement insuffisant et a été réexpédié par les services de La Poste à MmeC..., qui l'a reçu le 22 mars 2014. Par lettre en date du 17 mars 2014, reçue le 20 mars 2014, le maire de Lucé a mis en demeure Mme C...de reprendre ses fonctions le lundi 24 mars 2014 en précisant qu'à défaut d'une telle reprise, elle s'exposait à une radiation des cadres sans qu'il soit nécessaire d'engager une procédure disciplinaire à son encontre. Par un arrêté du 24 mars 2014, Mme C... a été radiée des cadres pour abandon de poste. Par un jugement du 10 mars 2015, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un arrêt du 24 mai 2017, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement ainsi que l'arrêté litigieux du maire de la commune de Lucé. Le Conseil d'Etat, par une décision du 7 décembre 2018, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire, qui porte désormais le n°18NT04399, devant la cour.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient (...) l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. ".
3. Mme C...soutient que le jugement attaqué n'a pas analysé les moyens contenus dans le mémoire en réplique qu'elle a présenté le 6 février 2015. Toutefois, ce mémoire, visé par les premiers juges, ne présentait aucun moyen nouveau mais uniquement des arguments à l'appui des moyens soulevés dans le mémoire introductif d'instance, dont il n'est pas contesté qu'ils ont été analysés. Par suite et dès lors que les premiers juges n'étaient tenus ni d'analyser ni de répondre expressément à l'ensemble des arguments avancés par Mme C...à l'appui de ses moyens, le jugement attaqué n'est pas irrégulier.
Sur la légalité de la décision contestée :
4. En premier lieu aux termes du second alinéa de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, codifié depuis lors au premier alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) / Toute décision prise par l'une des autorités mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ".
5. Il ressort des pièces du dossier, notamment des différents documents signés du maire produits par la commune, et alors qu'il n'appartenait en tout état de cause qu'à Mme C...ou à son mandataire muni d'un pouvoir spécial, en vertu des dispositions de l'article 306 du code de procédure civile, d'engager si elle l'estimait utile une procédure d'inscription de faux, que l'arrêté contesté, qui mentionne le prénom, le nom et la qualité de son auteur, a bien été signé par le maire de la commune de Lucé. Par suite, cet arrêté n'a pas été pris par une autorité incompétente et n'a pas méconnu les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000.
6. En deuxième lieu, une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation de cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est ni présenté ni n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.
7. Il est constant que Mme C... n'a pas repris ses fonctions avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, reçue le 20 mars 2014, l'invitant à rejoindre son poste au plus tard le 24 mars 2014 et lui précisant qu'à défaut, elle s'exposait à une mesure de radiation des cadres.
8. D'une part, Mme C...soutient qu'elle a manifesté son intention de ne pas rompre le lien avec le service en adressant à son employeur, dès le 20 février 2014, une lettre demandant son placement en congé de longue maladie auquel était joint un certificat médical et que celui-ci aurait sciemment refusé de recevoir cette lettre dans l'intention d'engager à son encontre une procédure de radiation des cadres pour abandon de poste. Toutefois, il est constant que ce courrier était insuffisamment affranchi et que la commune, qui avait pour pratique habituelle de refuser systématiquement les plis insuffisamment affranchis, ne l'a en conséquence pas reçu. A cet égard, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune aurait délibérément et en toute connaissance de cause refusé de recevoir cette lettre. Par suite, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que l'envoi de ce courrier devrait être regardé dans les circonstances de l'espèce comme manifestant son intention de maintenir le lien avec le service et que la décision contestée serait, par suite, entachée d'une erreur de fait.
9. D'autre part, si l'état de santé Mme C...ne lui permettait pas de reprendre ses fonctions le 24 mars 2014, il lui appartenait toutefois de faire connaître à son employeur les motifs qui la conduisaient à ne pas pouvoir le faire. Or, MmeC..., après la réception de la mise en demeure du 20 mars 2014, n'a fait aucune démarche en ce sens. La circonstance qu'elle a reçu, le samedi 22 mars 2014, la réexpédition par La Poste de son courrier demandant à la commune son placement en congé de longue maladie est, à cet égard, sans incidence sur son obligation d'informer son employeur ni d'ailleurs sur la détermination du point de départ du délai de quatre jours qui lui avait été fixé pour reprendre ses fonctions et qui doit être regardé comme suffisant. Enfin, si Mme C...invoque une santé mentale fragile l'ayant empêché d'apprécier la portée de la mise en demeure qui lui avait été adressée, elle ne produit aucun élément médical probant susceptible d'étayer cette allégation. Elle ne justifie donc pas d'un empêchement d'ordre médical ou d'une situation de force majeure de nature à l'exonérer de ses obligations. Par suite, comme l'a jugé le tribunal administratif d'Orléans, la commune de Lucé était en droit d'estimer que le lien avec le service avait été rompu du fait de MmeC....
10. Enfin, les allégations selon lesquelles la commune de Lucé aurait pris la décision contestée en raison des actions contentieuses engagées par la requérante à son encontre ne sont nullement établies. Par suite, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 mars 2014 du maire de la commune de Lucé l'a radiant des cadres pour abandon de poste.
Sur les frais de l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Lucé, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à Mme C... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter la demande présentée au même titre par la commune de Lucé.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Lucé tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C...et à la commune de Lucé.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Phémolant, président de la cour,
- M. Berthon, premier conseiller,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 avril 2019.
Le rapporteur,
E. BerthonLe président,
B. Phémolant
Le greffier,
M. D...
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT04399