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12/04/2019 | FRANCE | N°17NT01463

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 12 avril 2019, 17NT01463


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL de la Chapelle Coueveneuc Sévignac, Mme J...F...et M. I... H...ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 12 juin 2014 du préfet des Côtes-d'Armor refusant d'autoriser l'EARL de la Chapelle Coueveneuc Sévignac à exploiter les parcelles A59, A124, A299, ZB58, ZB59, ZB62, ZB63, ZB78 et ZB79 sur la commune de Dolo (Côtes-d'Armor), ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1405390 du 10 mars 2017, le tribunal administratif d

e Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL de la Chapelle Coueveneuc Sévignac, Mme J...F...et M. I... H...ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 12 juin 2014 du préfet des Côtes-d'Armor refusant d'autoriser l'EARL de la Chapelle Coueveneuc Sévignac à exploiter les parcelles A59, A124, A299, ZB58, ZB59, ZB62, ZB63, ZB78 et ZB79 sur la commune de Dolo (Côtes-d'Armor), ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1405390 du 10 mars 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 mai 2017 l'EARL de la Chapelle Coueveneuc Sévignac, Mme J...F...et M. I...H..., représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 mars 2017 ;

2°) d'annuler la décision du préfet des Côtes-d'Armor du 12 juin 2014 ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet des Côtes-d'Armor de réexaminer la demande de l'EARL de la Chapelle Coueveneuc Sévignac dans les plus brefs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur demande de première instance a été introduite dans le délai de recours contentieux ;

- les décisions contestées méconnaissent l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime ;

- le préfet s'est fondé sur une évaluation de leur exploitation et de l'exploitation de M. E... qui est entachée d'erreur de fait ;

- le motif sur lequel s'est fondé le préfet, tiré de ce que la perte des parcelles faisant l'objet du litige compromettrait la viabilité de l'exploitation du preneur en place, est inexact car la surface restante est supérieure à l'unité de référence et il n'est pas démontré que le preneur ne pourrait pas compenser la perte de ses droits d'exploitation ;

- le préfet aurait dû prendre en compte la situation de leur exploitation, dont la viabilité économique est menacée s'ils n'obtiennent pas l'autorisation d'exploiter demandée.

Par des mémoires enregistrés les 27 octobre 2017 et 23 janvier 2018 M. E..., représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'EARL de la Chapelle Coueveneuc Sévignac, de Mme F...et de M. H...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable parce qu'elle se borne à reprendre une partie de l'argumentation présentée en première instance ;

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 11 juin 2018 le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Perrot,

- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant M.E....

Considérant ce qui suit :

1. Par une demande enregistrée le 24 avril 2014 l'EARL de la Chapelle Coueveneuc Sévignac, qui a pour associés Mme F...et M. H...et dont l'activité est l'élevage de porcs, a sollicité l'autorisation d'exploiter neuf parcelles situées sur le territoire de la commune de Dolo (Côtes-d'Armor), cadastrées A59, A124, A299, ZB58, ZB59, ZB62, ZB63, ZB78 et ZB79, représentant une surface de 7,63 ha et mises en valeur par l'EARLE..., également exploitante d'un élevage porcin. La commission départementale d'orientation de l'agriculture a rendu un avis défavorable à ce projet le 27 mai 2014. Par une décision du 12 juin 2014, le préfet des Côtes-d'Armor a refusé l'autorisation demandée. L'EARL de la Chapelle Coueveneuc Sévignac, Mme F... et M. H... relèvent appel du jugement du 10 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision ainsi que du rejet implicite de leur recours gracieux présenté le 7 août 2014.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir soulevée par M.E... ;

2. Aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime dans sa version alors applicable : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; 2° S'assurer, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, que toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable ont été considérées ; 3° Prendre en compte les biens corporels ou incorporels attachés au fonds dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ; 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ; (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que lorsque, comme en l'espèce, une seule demande d'autorisation d'exploiter est présentée pour des terres sur lesquelles un preneur est en place, l'administration doit se conformer aux orientations définies par le schéma directeur départemental de structures agricoles mais n'a pas à observer l'ordre de priorité établi par ce document. Elle doit par ailleurs tenir compte de la situation du preneur en place pour prendre sa décision.

4. L'article 1er du schéma directeur départemental des structures agricoles des Côtes-d'Armor du 3 août 2012 dispose que : " En application des articles L. 331-1 et L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime, les orientations de la politique de contrôle des structures des exploitations agricoles sont ainsi définies dans leur globalité et sans ordre de priorité : a) Favoriser l'installation d'un maximum d'agriculteurs y compris dans le cas d'installation progressive, notamment de ceux répondant aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle, sur des structures d'exploitations disposant déjà ou après compléments attribués par le préfet après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, de moyens de production nécessaires pour assurer la viabilité économique de ces structures d'exploitation. b) Empêcher le démembrement des exploitations viables telles que définies à l'article 2 ci-après, y compris en évitant que terres et bâtiments soient dissociées des moyens de production correspondants, afin de préserver toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable sauf à considérer dans celle-ci la présence d'ateliers viables de façon autonome et disposant d'assise foncière. c) Maintenir le plus grand nombre d'exploitants et d'emplois sur des structures d'exploitations viables telles que définies à l'article 2. d) Favoriser l'agrandissement des exploitations agricoles dont les dimensions, les références de production ou les droits à aides sont insuffisants au regard des critères arrêtés dans le présent schéma directeur départemental afin de permettre la transmissibilité en l'état. (...) ".

5. En premier lieu, les requérants soutiennent que le préfet des Côtes-d'Armor a méconnu les dispositions de l'article L. 331-3-1 du code rural et de la pêche maritime en refusant de leur accorder l'autorisation demandée. Cependant, cet article, issu de la loi n°2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, n'était pas entré en vigueur à la date à laquelle les décisions contestées sont intervenues. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes de la décision du 12 juin 2014 ainsi que du procès verbal de la séance de la commission départementale d'orientation de l'agriculture du 27 mai 2014, que le préfet, pour prendre les décisions contestées, a comparé les situations de l'EARL de la Chapelle Coueveneuc Sévignac et de l'EARLE..., dont la dimension économique au regard des critères et des objectif définis par le projet agriculture durable départemental (PADD) a été évaluée à une valeur identique de 126%. Il a ensuite relevé que la reprise des 7,63 ha de terres en litige impliquait pour la seconde une perte de 9% de sa surface agricole utile et un manque à gagner d'environ 5 495 euros par an. Si les requérants contestent l'évaluation ainsi faite au regard du PADD en soutenant que leur exploitation aurait dû faire l'objet d'un abattement de 10% comme celle de M.E..., il ressort des pièces du dossier que cet abattement, appliqué en vertu de l'article 7 du PADD, correspond à la mise en oeuvre par l'EARL E...d'une solution de résorption des déjections animales pour plus de 20% du volume produit par l'exploitation, élément qui ressort également du procès-verbal de la commission départementale d'orientation de l'agriculture. Ainsi les requérants, qui n'allèguent pas qu'un tel dispositif aurait été mis en oeuvre par l'EARL de la Chapelle Coueveneuc Sévignac et n'expliquent pas, par ailleurs, pourquoi leur exploitation aurait dû être évaluée à 125% du PADD au lieu de 126%, ne sont pas fondés à soutenir que le préfet n'aurait pas tenu compte de leur situation économique et se serait fondé sur des faits matériellement inexacts pour prendre sa décision.

7. En troisième lieu, il n'est pas établi, ni même allégué, que le projet d'agrandissement des requérants, qui disposaient d'une exploitation dont les dimensions, les références de production et les droits à aides étaient suffisants au regard des critères arrêtés dans le schéma directeur départemental, répondait spécifiquement à l'une des orientations définies par ce schéma ou par les dispositions citées au point 2 de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime. Les circonstances, invoquées par les intéressés, que Mme F...et M. H... étaient installés depuis 10 ans environ alors que M. et Mme E...étaient installés depuis plus de 30 ans et que les terres en litiges appartenaient aux parents de Mme F...sont, à cet égard, sans incidence. Dans ces conditions, et quand bien même la perte des terres en litige n'aurait pas nécessairement menacé la viabilité économique de l'EARLE..., le préfet des Côtes-d'Armor n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 331-1 du code rural et de la pêche maritime en prenant en compte, ainsi qu'il l'a fait, la situation respective du demandeur et du preneur en place ainsi que les conséquences préjudiciables du projet du premier sur la situation économique du second pour refuser l'autorisation d'exploiter demandée.

8. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Sur les frais de l'instance :

9. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EARL de la Chapelle Coueveneuc Sévignac, de Mme F... et de M. H...le versement à M. E...de la somme globale de 1 000 euros au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par l'EARL de la Chapelle Coueveneuc Sévignac, Mme F... et M. H...est rejetée.

Article 2 : L'EARL de la Chapelle Coueveneuc Sévignac, Mme F... et M. H...verseront à M. E...la somme totale de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL de la Chapelle Coueveneuc Sévignac, à Mme J...F..., à M. I...H..., à M. B...E...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président assesseur,

- M. Berthon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 avril 2019.

Le président rapporteur

I. PerrotLe président assesseur

O. Coiffet

Le greffier

M. G...

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT01463


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01463
Date de la décision : 12/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Isabelle PERROT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : CABINET LEXCAP RENNES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-04-12;17nt01463 ?
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