Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le centre hospitalier du Mans à lui verser la somme de 598 720 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait d'une faute dans les soins qui lui ont été prodigués le 4 mai 2010 dans cet établissement.
Par un jugement n° 1409710 du 14 juin 2017, le tribunal administratif de Nantes a condamné le centre hospitalier du Mans, d'une part, à verser à M. E...la somme de 10 700 euros, déduction faite de la somme provisionnelle de 2 000 euros déjà versée en réparation de ses préjudices, d'autre part, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe la somme de 19 022 euros en remboursement de ses débours.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée et régularisée les 17 et 18 juillet 2017 et un mémoire enregistré le 12 novembre 2018 M. B... E..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 14 juin 2017 en tant qu'il a limité à 12 700 euros la réparation de son préjudice ;
2°) de condamner le centre hospitalier du Mans à lui verser la somme totale de 671 377,92 euros en réparation de ses différents préjudices ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier du Mans une somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ainsi que les frais d'expertise.
Il soutient que :
- les soins qui lui ont été apportés n'ont pas été conformes aux données acquises de la science ; le centre hospitalier ne conteste d'ailleurs pas les fautes commises qui engagent sa responsabilité sur le fondement de l'article L. 1142-1-I du code de la santé publique ;
- ces fautes sont à l'origine d'une perte de chance pour lui d'échapper à toute séquelle de son accident ou d'avoir des séquelles moindres ; l'expert a retenu une perte de chance qui ne pouvait être inférieure à 50%, et son médecin-conseil a estimé que le taux de réussite du traitement chirurgical d'une section du tendon fléchisseur était de 80%, c'est à ce niveau que doit être fixé son taux de perte de chance ;
- au titre des dépenses de santé, il a conservé à sa charge, après intervention des tiers payeurs, une somme de 307,33 euros qui doit lui être remboursée ;
- au titre des frais divers restés à sa charge, il a exposé des sommes justifiées à hauteur 3 040 euros correspondant respectivement aux honoraires du médecin-conseil et aux frais de déplacement pour assurer son suivi médical ;
- au titre de l'assistance tierce personne, son besoin en aide humaine est manifeste même s'il est limité aux activités nécessitant le port de charges lourdes ; il convient de retenir un besoin de 4 heures par semaine soit, pour la période de 158 semaines courant de l'accident médical à la date de consolidation, la somme de 8 089,60 euros et, à compter de la date de consolidation, soit le 16 mai 2013, jusqu'au 17 mai 2018, une somme de 13 363,20 euros. Enfin, à compter de la date de l'arrêt à intervenir, une somme de 124 656,99 euros doit lui être allouée ;
- au titre des pertes de gains professionnels actuels et futurs et de l'incidence professionnelle, il peut prétendre à recevoir les sommes de 60 000 euros jusqu'à la date de l'arrêt et 317 304 euros ensuite ; au titre de l'incidence professionnelle, c'est une somme de 150 000 euros qui doit en outre lui être allouée ; en effet il s'apprêtait à reprendre une boulangerie au moment où l'accident s'est produit, et il ne peut plus exercer son métier en raison de ses douleurs neuropathiques et de l'amputation du 5ème rayon ;
- au titre du déficit fonctionnel temporaire une somme de 4 000 euros doit être retenue ;
- au titre des souffrances endurées évaluées par l'expert à 5 sur une échelle de 1 à 7, il peut prétendre à obtenir une somme de 20 000 euros ;
- au titre du déficit fonctionnel permanent, sur la base d'un taux de 20% et non de 8% comme retenu par l'expert et d'une valeur de point de 2 500 euros pour un homme âgé de 30 ans à la date de consolidation, il y a lieu de retenir après application du coefficient de 80% la somme de 40 000 euros ;
- le préjudice esthétique qui doit être réévalué à 3 sur une échelle de 1 à 7 sera fixé à 4 000 euros.
Par des mémoires enregistrés les 29 août 2017 et 5 septembre 2018, la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire Atlantique, agissant par délégation pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement attaqué en condamnant le centre hospitalier du Mans en ce qu'il n'a retenu qu'un taux de perte de chance de 50% ;
2°) de condamner le CH du Mans à lui verser la somme totale de 140 948,68 euros, laquelle portera intérêts à compter du 28 janvier 2015 ;
3°) de porter à 1 066 euros la somme à laquelle le tribunal a condamné le centre hospitalier du Mans à lui verser au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier du Mans une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- s'il y a lieu de confirmer la faute commise dans la prise en charge de M. E...par le centre hospitalier du Mans, l'évaluation de la perte de chance pour l'intéressé de récupérer l'usage du 5ème doigt de sa main droite a été insuffisante ;
- le montant de sa créance correspondant aux débours exposés en lien direct avec l'accident fautif du 4 mai 2010 s'élève à la somme de 176 185,85 euros avant application du taux de perte de chance.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 octobre 2018 le centre hospitalier du Mans, représenté par MeF..., conclut au rejet de la requête de M. E...et des conclusions présentées par la CPAM de la Loire-Atlantique pour le compte de la CPAM de la Sarthe.
Il fait valoir que :
- les conclusions présentées par la CPAM de la Loire-Atlantique ne sont pas recevables ;
- les moyens présentés par le requérant et par la caisse ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet,
- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 4 mai 2010, M. B...E..., né le 3 décembre 1982, a, à la suite d'une chute sur du verre brisé, été admis au service des urgences du centre hospitalier du Mans pour une plaie à la main droite avec un large décollement cutané justifiant la réalisation de points de suture. Il a quitté le service, le jour même, avec la prescription d'antalgiques et des consignes pour la réalisation de pansements. Si la première consultation de suivi, réalisée le 10 mai 2010 au centre hospitalier, a permis de constater une bonne évolution de l'état de sa main, l'équipe médicale a toutefois constaté, les 20 et 30 mai 2010, un début d'une nécrose et une raideur du 5ème doigt. Devant la persistance des symptômes, M. E...été adressé par son médecin traitant à un spécialiste qui, constatant un déficit de flexion au 5ème doigt de la main droite, a posé immédiatement une indication opératoire. Lors de l'intervention réalisée le 15 juin 2010, le chirurgien a constaté que le tendon fléchisseur était intégralement sectionné et a prescrit une anastomose terminale, puis une suture tendineuse accompagné de la mise en place d'une attelle immobilisant le poignet et le doigt en flexion. Les suites de cette intervention ont été marquées par la persistance d'un doigt raide avec une attitude " en crochet " en rapport avec des adhérences tendineuses. Les interventions réalisées, les 25 août 2010 et 3 novembre 2010, pour assurer la libération des tendons des muscles fléchisseurs de l'auriculaire n'ayant pas abouti, il a été procédé le 13 janvier 2011 à une amputation transcarpienne du 5ème doigt de la main droite. En raison de la persistance de douleurs, une nouvelle intervention a été réalisée le 14 juin 2011, visant l'exérèse d'un névrome hyperalgique à la paume de la main droite. Malgré cette intervention, M. E...présente encore des douleurs séquellaires. Il a été reconnu travailleur handicapé par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et s'est vu octroyer une pension d'invalidité de 2ème catégorie par la CPAM de la Sarthe. Estimant que sa prise en charge par le centre hospitalier du Mans n'avait pas été conforme aux règles de l'art médical et aux données acquises de la science, M. E...a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nantes afin qu'il désigne un expert médical. L'expert désigné par une ordonnance du 13 octobre 2011 a présenté un premier rapport le 14 décembre 2011 puis un second, après complément d'expertise, le 26 mai 2014. Sur la base de ces expertises, M.E..., dont la date de consolidation de son état de santé a été fixée au 16 mai 2013, a demandé à cette juridiction de condamner le centre hospitalier du Mans à lui verser la somme de 598 720 euros en réparation de son entier préjudice. De son côté, la CPAM de la Sarthe a sollicité la condamnation de l'établissement à lui verser la somme de 140 948,68 euros correspondant à 80% des prestations servies à M.E....
2. Par un jugement du 14 juin 2017, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier du Mans à verser, d'une part, à M.E..., en réparation de ses préjudices, la somme de 10 700 euros, déduction faite de la somme provisionnelle de 2 000 euros déjà versée, d'autre part, à la CPAM de la Sarthe la somme de 19 022 euros en remboursement de ses débours, somme portant intérêt à compter du 28 janvier 2015 et celle de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Sur la responsabilité du centre hospitalier du Mans :
3. Les premiers juges ont, notamment sur la base du rapport d'expertise, retenu qu'en l'absence d'un examen médical portant tant sur la présence ou non d'un tendon fléchisseur actif que sur la sensibilité digitale, la prise en charge de M. E...le 4 mai 2010 était fautive et que la non réalisation d'un examen du tendon fléchisseur postérieurement, notamment le 30 mai 2010, caractérisait également un suivi médical fautif. Le centre hospitalier du Mans ne conteste pas l'existence de ces fautes et l'engagement de sa responsabilité, qui doit être ainsi confirmé.
4. Toutefois, si l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre les fautes relevées au point 3 et les séquelles affectant le 5ème doigt de la main droite de M. E...est avérée, ce dernier estime que les douleurs qu'il ressent au 4ème doigt de la main droite sont également imputables à ces fautes.
5. Il résulte de l'instruction que, s'agissant des douleurs dont M. E...se plaint au 4ème doigt de la main droite, l'expert a estimé qu'il n'y avait pas " eu de prise en charge défectueuse " au niveau de ce doigt et que " les phénomènes douloureux ressentis étaient en rapport avec des lésions névromateuses liées aux conséquences de l'accident (état cutané, lésions post traumatiques des parties molles...) ". Il en a conclu que ces douleurs ne pouvaient ainsi être reliées de façon directe et certaine au manquement constaté sur la réparation du tendon fléchisseur du 5ème rayon. Si M. E...critique cette appréciation, il n'apporte cependant aucun élément d'ordre médical permettant de la remettre sérieusement en cause. C'est, par suite, à bon droit que les premiers juges ont estimé que l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre les fautes commises par le centre hospitalier et la pathologie du 4ème doigt de la main droite ne pouvait être retenue.
Sur les préjudices indemnisables :
6. Dans le cas où la faute commise a compromis les chances d'un patient d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de cette faute et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté mais la perte de chance d'éviter la survenue de ce dommage. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.
7. Pour affirmer que le taux de perte de chance de 50% retenu par le tribunal doit être porté à 80%, M. E...se réfère à l'avis établi le 28 avril 2014 par un médecin-conseil, spécialisé en chirurgie viscérale qui, s'appuyant sur quelques publications, a indiqué que, " en cas de lésions en zone 2, isolées, le taux de réussite du traitement chirurgical d'une section du tendon fléchisseur était de 80% ". Il résulte cependant de l'instruction que l'expert a répondu de façon précise et circonstanciée à cette observation, qui avait fait l'objet d'un dire par M. E...à la suite du dépôt du pré-rapport, en s'appuyant sur l'état lésionnel initial de l'intéressé, en prenant en compte, outre la lésion du tendon fléchisseur, les lésions associées au niveau des tissus et en soulignant l'importance notable de ces lésions associées dans l'évaluation du pronostic et des séquelles. Il a également rappelé que l'état cutané initial, révélant des lésions associées, était un facteur péjoratif et que l'évolution du 5ème doigt aurait pu être identique même en l'absence de faute commise par le centre hospitalier. Dans un tel contexte, il a estimé que la perte de chance pour M. E...de récupérer l'usage de son 5ème doigt devait, de façon réaliste, être fixée entre 40 et 50%, ce dernier chiffre correspondant à une évaluation maximale. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il n'y a pas lieu, contrairement à ce que soutient M.E..., de remettre en cause le taux de perte de chance fixé par les premiers juges à 50%.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
S'agissant des dépenses de santé et frais divers restés à charge :
8. Si M. E...soutient qu'il a exposé des frais restés à sa charge à hauteur de 800 et 3 000 euros correspondant respectivement aux honoraires du médecin-conseil et aux frais de déplacement pour assurer son suivi médical, il admet lui-même expressément dans ses écritures n'être pas en mesure de produire des justificatifs. Dans ces conditions, faute d'établir la réalité de son préjudice, M. E...n'est pas fondé à demander une quelconque indemnisation à ce titre. En revanche, M. E...justifie par les pièces versées en appel avoir conservé à sa charge, après intervention de la CPAM, des dépenses de santé à hauteur de 307, 33 euros. Ce montant, arrondi à 307 euros, sera retenu, avant application du coefficient de perte de chance, dans le calcul du préjudice indemnisable du requérant.
S'agissant de l'assistance par une tierce personne :
9. Si, à ce titre, M. E...demande le bénéfice d'une aide à hauteur de quatre heures par semaine, soit une somme de 8 089,60 euros avant consolidation et une somme de 124 656,99 euros après consolidation, il ne résulte toutefois pas du rapport de l'expert que son état de santé, en particulier l'absence du 5ème doigt de sa main droite, nécessiterait l'assistance d'une tierce personne pour réaliser les actes de la vie courante, l'expert écartant au demeurant expressément cette éventualité. La demande présentée par M. E...qui n'est, par suite, pas justifiée ne peut qu'être rejetée.
S'agissant des pertes de gains professionnels actuels et futurs et de l'incidence professionnelle :
10. M. E...soutient qu'il peut prétendre au titre des pertes de gains professionnels à la somme totale de 317 304 euros et qu'au titre de l'incidence professionnelle, c'est une somme de 150 000 euros qui doit lui être allouée. Il résulte cependant de l'instruction que M. E... était à la date de son accident sans emploi, ce qui rend sans objet sa demande relative à la perte de gains professionnels actuels. Par ailleurs, et ainsi que l'ont estimé à juste titre les juges de première instance, aucun lien direct et certain n'est établi entre les fautes commises par l'hôpital et l'abandon par l'intéressé de son projet professionnel d'acquisition d'un fonds de commerce de boulangerie. Par suite, M. E...n'est pas davantage fondé à demander à être indemnisé d'un préjudice lié à des pertes de gains professionnels futurs. Enfin il ne résulte pas de l'instruction que les douleurs ressenties par l'intéressé au 5ème doigt le mettraient dans l'impossibilité d'exercer toute activité professionnelle dans l'avenir. Si l'amputation du 5ème doigt de la main droite réduit les chances de M.E..., droitier, d'exercer certaines activités professionnelles et fait naitre un préjudice susceptible d'être évalué à un montant de 20 000 euros, l'indemnisation de l'incidence professionnelle de son handicap est intégralement couverte par les sommes de 123 801, 82 euros en capital et de 10 208, 63 euros pour les arrérages échus que M. E...a perçues au titre de la pension d'invalidité de 2ème catégorie servie par la CPAM depuis le 10 mai 2013. Dans ces conditions, aucune réparation n'est due par le centre hospitalier du Mans à ce titre.
En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
11. Il résulte de l'instruction que M. E...a subi un déficit fonctionnel total de 10 jours dont 5 seulement sont imputables à la prise en charge fautive des blessures au 5ème doigt de sa main droite et, en lien avec l'amputation de ce doigt, un déficit fonctionnel temporaire partiel de 25% pendant 149 jours, du 4 mai 2010 au 13 janvier 2011, déduction faite des trois mois qui auraient été de toute façon nécessaires si la prise en charge n'avait pas été fautive, et enfin un déficit fonctionnel temporaire partiel de 12,5% pendant 866 jours, du 13 janvier 2011 au 16 mai 2013, date de consolidation. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation de chef de préjudice en l'évaluant à la somme totale de 2 400 euros pour ces différentes périodes, avant application du coefficient de perte de chance.
S'agissant des souffrances endurées :
12. L'expert a évalué les souffrances endurées par M. E...à 5 sur une échelle allant de 1 à 7, sans isoler toutefois ce qui relève de la pathologie du 4ème doigt pour laquelle, comme indiqué au point 4, il n'existe pas de lien de causalité direct et certain avec les fautes commises par le centre hospitalier. Il sera ainsi fait une plus juste appréciation de ce chef de préjudice, évalué à 8 000 euros par les premiers juges en le portant, avant abattement pour perte de chance, à un montant de 10 000 euros.
S'agissant du déficit fonctionnel permanent :
13. Pour demander que son déficit fonctionnel permanent soit évalué à un taux de 20%, M. E...évoque les douleurs neuropathiques qu'il ressent à la main droite. Toutefois, et ainsi qu'il a été rappelé plus haut, seule la prise en charge médicale du 5ème doigt a été jugée fautive, les douleurs concernant le 4ème doigt ne pouvant être prises en compte dans l'évaluation du déficit fonctionnel permanent. L'expert, qui a d'ailleurs répondu de façon très précise et étayée aux arguments avancés sur ce point par le médecin conseil de M. E...lors des opérations d'expertise, n'a, pour évaluer ce préjudice à un taux de 8%, précisément tenu compte que de l'amputation du 5ème doigt de la main droite. Il y a lieu de confirmer cette appréciation, ainsi que l'indemnisation de 12 000 euros retenue à ce titre par les premiers juges, avant application du coefficient de perte de chance.
S'agissant du préjudice esthétique :
14. Il résulte de l'instruction que le préjudice esthétique peut être évalué à 3 sur une échelle de 1 à 7. Il sera fait une plus juste indemnisation de ce préjudice en portant la somme de 3 000 euros retenue par les premiers juges à 3 500 euros, avant abattement pour perte de chance.
15. Il résulte de ce qui a été dit que l'indemnisation à laquelle peut prétendre M. E...au titre des préjudices subis en raison des fautes commises par le centre hospitalier du Mans s'élève en définitive à un total de 28 207 euros. En raison du taux de perte de chance de 50% confirmé au point 7, le préjudice indemnisable de M. E...doit être fixé à un montant de 14 103,50 euros, duquel il convient de déduire la provision de 2 000 euros versée à l'intéressé en application de l'ordonnance du président du tribunal administratif du 21 novembre 2013. C'est ainsi une indemnisation totale de 12 103,50 euros qui doit être mise à la charge du centre hospitalier du Mans. Le jugement attaqué sera réformé dans cette mesure.
Sur les conclusions de la CPAM de la Loire-Atlantique, pour le compte de la CPAM de la Sarthe :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ces conclusions ;
16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre./ (...) Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel./ (...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. " ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté susvisé du 20 décembre 2017 : " Les montants maximum et minimum de l'indemnité forfaitaire de gestion visés aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 1066 € et à 106 € à compter du 1er janvier 2017.".
En ce qui concerne les débours :
17. Compte tenu de ce qui a été indiqué au point 4, seules les prestations en lien avec les lésions du 5ème doigt de la main droite de M. E...peuvent être prises en compte. Il y a lieu, par suite, de confirmer la somme totale de 18 043,99 euros retenue, avant application du coefficient de perte de chance, à ce titre au bénéfice de l'organisme social par le tribunal.
18. Par ailleurs, eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du même code, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité. Dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une pension d'invalidité ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice. M.E..., ainsi qu'il a été dit au point 10, ne peut être regardé comme ayant subi une perte de gains professionnels. En revanche, il a subi un préjudice lié à l'incidence professionnelle de son incapacité au 5ème doigt de la main droite qui doit être évalué à hauteur de 20 000 euros. Par suite, la somme due à l'organisme social s'agissant de la part de la pension d'invalidité retenue au titre de l'incidence professionnelle subie par M. E...doit être fixée à cette somme de 20 000 euros.
19. Il résulte de ce qui précède, que compte tenu du taux de perte de chance de 50% confirmé au point 7, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné le centre hospitalier du Mans à verser à l'organisme social la somme de 19 022 euros (18 043,99 + 20 000, soit 38 043,99 euros x 0,50%).
En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :
20. Il n'y pas a lieu dans les circonstances de l'espèce, de porter à 1 066 euros la somme mise à la charge du centre hospitalier du Mans en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Sur les dépens :
21. Il y a lieu de maintenir à la charge définitive du centre hospitalier du Mans les frais et honoraires de l'expert, liquidés et taxés à la somme de 1 430 euros.
Sur les frais de l'instance :
22. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions présentées par la CPAM de la Loire-Atlantique, qui succombe dans la présente instance, ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du centre hospitalier du Mans le versement à M. E...d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 10 700 euros que le centre hospitalier du Mans a été condamné par le tribunal administratif de Nantes à verser à M. E...est portée à 12 103,50 euros.
Article 2 : Le jugement n° 1409710 du tribunal administratif de Nantes du 14 juin 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E...et les conclusions présentées par la CPAM de la Loire-Atlantique sont rejetés.
Article 4 : Le centre hospitalier du Mans versera à M. E...une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...E..., au centre hospitalier du Mans et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 mars 2019.
Le rapporteur
O. CoiffetLe président
I. Perrot
Le greffier
M. D...
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT02163