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26/03/2019 | FRANCE | N°18NT00838

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 26 mars 2019, 18NT00838


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 17 août 2015 par laquelle le préfet de Haute Savoie a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1602263 du 13 février 2018, le tribunal administratif de Nantes, après avoir requalifié la requête en une demande d'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre chargé des naturalisations a rejeté le recours préalable formé contre la décision du 17 août 2015, a fait droit à cet

te demande en annulant la décision du ministre.

Procédure devant la cour :

Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 17 août 2015 par laquelle le préfet de Haute Savoie a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.

Par un jugement n° 1602263 du 13 février 2018, le tribunal administratif de Nantes, après avoir requalifié la requête en une demande d'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre chargé des naturalisations a rejeté le recours préalable formé contre la décision du 17 août 2015, a fait droit à cette demande en annulant la décision du ministre.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 février 2018 et le 7 juin 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, demande à la cour d'annuler ce jugement du 13 février 2018.

Le ministre soutient que :

- le tribunal administratif s'est mépris dans son appréciation des faits l'ayant conduit à juger que sa décision était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le défaut de loyalisme fiscal constitue un motif de rejet d'une demande de naturalisation traditionnellement admis par la jurisprudence ;

- M. A...ne conteste pas avoir effectué une déclaration incomplète au titre de ses revenus 2013 ;

- l'absence d'intention frauduleuse de sa part n'a pas à entrer en ligne de compte ;

- s'agissant d'une déclaration personnelle signée de la main de son auteur, il ne peut être sérieusement soutenu que l'insuffisance de déclaration est imputable à l'expert-comptable de M.A... ;

- l'importance de la somme non déclarée a entraîné une imposition de M. A...à hauteur de 3 830 euros et a eu un impact sur ses prestations sociales et sur les tarifs dont il a pu bénéficier dans certains services publics ;

- un motif supplémentaire de rejet peut être opposé à la demande de M. A...dès lors que ce dernier ne démontre pas une parfaite assimilation à la société française, notamment au travers d'une adhésion aux principes et valeurs de la République française, en particulier en ce qui concerne le respect du principe d'égalité entre les hommes et les femmes ;

- M. A...n'a par ailleurs jamais véritablement exposé les motifs particuliers pour lesquels il souhaitait intégrer la communauté nationale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2018, M. A..., représenté par Me Conrad, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au ministre de faire droit à sa demande de naturalisation dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Erat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A...fait valoir que les moyens d'annulation soulevés par le ministre ne sont pas fondés, que sa demande de substitution de motif est sans fondement dès lors que son épouse cherche activement à s'intégrer et en fournit la justification et que la décision de refus prise à son encontre est d'une sévérité injustifiée.

Un mémoire présenté pour M. A..., représenté par Me Conrad, avocat, a été enregistré le 24 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Mony a été entendu au cours de l'audience publique. :

- le rapport de M. Mony,

- et les observations de MeC..., représentant M.A....

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant pakistanais installé en France et qui gère aujourd'hui un restaurant pakistanais en Haute-Savoie, a sollicité l'acquisition de la nationalité française. Le préfet de Haute-Savoie a ajourné à deux ans cette demande le 17 août 2015. Saisi par M. A...d'un recours préalable contre cette décision, le ministre de l'intérieur a implicitement rejeté ce dernier le 12 février 2016. Suite au recours contentieux formé par l'intéressé contre cette décision, le tribunal administratif de Nantes l'a annulée par un jugement du 13 février 2018, dont le ministre relève appel.

Sur les conclusions en annulation :

2. En premier lieu, c'est au terme d'une exacte motivation, développée aux points 4 et 5 de sa décision, et qu'il y a par suite lieu d'adopter, que le tribunal administratif a jugé que la décision attaquée était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

3. En second lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision, sous réserve toutefois que la substitution de motifs ne prive pas la personne concernée par cette décision d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

4. Si le ministre demande à la cour que soit substitué au motif tiré du défaut de loyalisme fiscal de M.A..., unique motif ayant fondé sa décision implicite, un nouveau motif, tiré du défaut d'adhésion de ce dernier aux valeurs de la République, il ne ressort pas des pièces du dossier que tel soit le cas. Il ressort en effet du procès-verbal de l'entretien d'assimilation auquel M. A...avait été convié, que son comportement a été évalué par le fonctionnaire ayant mené cet entretien comme " satisfaisant " sur l'adhésion aux principes et valeurs essentiels de la République. De même, le faible niveau de compréhension du français de son épouse allégué par l'administration apparaît en contradiction manifeste avec les éléments produits par M.A..., plusieurs attestations fournies par des tiers établissant l'implication de l'intéressée, qui participe comme accompagnante à des sorties scolaires et à des manifestations associatives, dans la vie sociale locale. A supposer même que MmeA..., qui suit des cours de français, éprouverait des difficultés pour s'exprimer en français, aucun élément du dossier n'est de nature à établir qu'une telle circonstance serait imputable à son époux. Il ne ressort ainsi pas du dossier, comme le soutient désormais le ministre, que M. A...n'adhèrerait pas au principe fondamental d'égalité entre les hommes et les femmes. Dans de telles conditions, et même en prenant en compte le large pouvoir d'appréciation dont il dispose pour accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, la demande de substitution de motif du ministre ne peut qu'être rejetée.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision implicite du 12 février 2016.

Sur les conclusions en injonction :

6. Le présent arrêt, qui confirme le jugement du tribunal, lequel avait déjà enjoint à l'administration de procéder au réexamen de la demande de M.A..., n'implique pas que la cour prononce elle-même une telle injonction, à laquelle l'administration est tenue de procéder. Il n'y a pas davantage lieu de faire droit aux conclusions de M. A...tendant à enjoindre au ministre de faire droit à sa demande de naturalisation.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : Les conclusions en injonction présentées par M. A...sont rejetées.

Article 3 : L'Etat versera 1 000 euros à M. A...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 15 février 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Dussuet, président,

- M. Degommier, président assesseur,

- M. Mony, premier conseiller,

Lu en audience publique le 26 mars 2019.

Le rapporteur,

A. MONYLe président,

J-P. DUSSUET

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT00838


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00838
Date de la décision : 26/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUSSUET
Rapporteur ?: M. Arnaud MONY
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : CONRAD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-03-26;18nt00838 ?
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