Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n°86-442 ;
- le décret n°2000-815 du 25 août 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Considérant ce qui suit
Les faits, la procédure :
1. M. A...était major pénitentiaire affecté au centre de détention de Châteaudun. Par un arrêté du 10 octobre 2012, il a été fait droit sur le fondement de l'article 4 de la loi du 18 août 1936, compte tenu du fait qu'il avait élevé trois enfants, à sa demande de maintien en activité pour une période de dix trimestres à compter du 8 janvier 2013. M. A...a ensuite formulé une demande de prolongation d'activité au titre de l'article 1-3 de la loi du 13 septembre 1984 visée ci-dessus. Par décision du 18 mai 2015, le directeur interrégional des services pénitentiaires a refusé d'accéder à cette demande, et lui a transmis un arrêté daté du 12 mai 2015 le radiant des cadres à compter du 8 juillet 2015. Par lettre du 18 juin 2015 M. A... a sollicité le retrait de ces deux décisions. Ce recours a été rejeté par décision du 27 juillet 2015.
2. Par ailleurs M. A...a été reçu à sa demande le 30 janvier 2015 par le directeur du centre pénitentiaire, pour solliciter le règlement d'heures supplémentaires. Confronté à de vifs reproches sur sa manière de servir, le requérant a cependant interrompu cet entretien. Le lendemain il a été victime d'un infarctus, à la suite duquel il a été placé en congé de maladie du 31 janvier au 15 février 2015, avec prolongation jusqu'au 27 février suivant. Par décision datée du 23 février 2015, l'imputabilité au service des arrêts de travail correspondants lui a été refusée. Par lettre du 18 mars 2015, M. A...a formé un recours hiérarchique à l'encontre de cette décision. En l'absence de réponse, il a demandé la saisine de la commission de réforme par une correspondance du 21 mai 2015 qui est restée sans réponse. Par lettre du 2 juin 2015, M. A...a sollicité le paiement de ses heures supplémentaires, puis a adressé le 3 septembre 2015 une réclamation préalable, à laquelle il n'a pas été répondu, tendant au paiement de ces heures et à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis.
3. Par la suite, M. A...a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant d'une part à l'annulation de la décision du 23 février 2015 de refus d'imputabilité au service de ses arrêts de travail, de la décision implicite de refus de paiement de ses heures supplémentaires, du refus implicite de saisir la commission de réforme, de la décision du 18 mai 2015 refusant sa demande de prolongation d'activité et d'autre part à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 17 347 euros en réparation des différents préjudices qu'il estimait avoir subis.
4. Par une requête qui est suffisamment motivée, contrairement à ce que fait valoir la ministre de la justice, M. A...relève appel du jugement du 21 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté l'ensemble de ses demandes, lesquelles présentaient entre elles un lien suffisant pour faire l'objet d'une unique demande contrairement à ce qu'a également soutenu la ministre en première instance. M. A...limite cependant son appel au seul rejet de ses conclusions indemnitaires qu'il réduit devant la cour à la somme de 17 322 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
5. M. A...produit en appel l'accusé de réception attestant du dépôt le 7 octobre 2015 de sa demande indemnitaire préalable. Alors même que cette demande était postérieure à l'enregistrement le 5 octobre 2015 de sa demande introductive d'instance au tribunal administratif d'Orléans, ce courrier a eu pour effet de rendre recevables les conclusions indemnitaires en cause, selon le principe issu de la décision du Conseil d'Etat n°281374 du 11 avril 2008, resté en vigueur jusqu'au 1er janvier 2017, date à laquelle l'article R. 421-1 du code de justice administrative a été modifié pour prévoir que " Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ".
6. Il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir, par ses productions d'appel, que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions indemnitaires au motif de leur irrecevabilité en l'absence de demande préalable. Le jugement attaqué, dès lors irrégulier sur ce point, ne peut qu'être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de M. A...au motif de leur irrecevabilité.
7. Dans les circonstances de l'espèce il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions indemnitaires présentées par M. A...devant le tribunal administratif de Rennes.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne le droit de M. A...au paiement d'heures supplémentaires :
8. A la suite d'une période de congé maladie puis d'une reprise à mi-temps thérapeutique, M. A...était en dernier lieu chargé des transferts de détenus au centre de Châteaudun.
9. Reçu à sa demande le 30 janvier 2015 par le directeur du centre de détention, il a fait valoir en vain un quota d'heures supplémentaire restées impayées, effectuées entre janvier 2011 et janvier 2015. Selon le compte rendu non contesté fait par le requérant de cet entretien à l'occasion de son recours hiérarchique du 18 mars 2015, il lui a alors été vivement reproché des abus commis dans le but d'augmenter artificiellement son temps de travail, tels que sa présentation trente minutes avant le départ en mission, un temps de parcours anormalement élevé en l'absence, notamment, d'utilisation du gyrophare et de la sirène deux tons lors des missions, enfin une attente non nécessaire " afin que l'heure tourne " lors de conduites de détenus à l'hôpital de La Salpêtrière à Paris.
10. Toutefois l'administration se borne devant la cour à renvoyer à son mémoire en défense de première instance, sans pour autant annexer ce mémoire à ses écritures d'appel, et alors que ces écritures de première instance, qui ne comportaient aucune contestation du récit fait par M. A...de cet entretien, ne justifient aucunement du bien-fondé des reproches faits à l'intéressé. Elle n'a pas davantage contesté qu'avait été mis en place, à l'initiative du précédent directeur du centre de détention, ainsi que l'affirme le requérant, un système de fiches hebdomadaires de service, à faire signer par le supérieur hiérarchique de l'agent, permettant le décompte des horaires de travail.
11. M. A...a produit ces fiches hebdomadaires, mentionnant ses horaires de travail, pour la période allant du 3 janvier 2011 au 30 janvier 2015. Il doit être regardé comme justifiant des horaires qui y sont reportés et par suite de la réalité du service fait, s'agissant de celles de ses fiches qui comportent le visa de ses supérieurs hiérarchiques, Ainsi sont à prendre en compte la semaine du 7 au 11 février 2011 puis la période allant du 28 février 2011 au 12 septembre 2014, au titre desquelles ces fiches sont signées du commandant Chouli responsable des infrastructures, ainsi que la période allant du 15 septembre 2014 au 30 janvier 2015, les fiches étant signées du capitaine Vasnier, adjoint au chef de détention.
12. M. A...justifie, pour celles des périodes indiquées ci-dessus, pour lesquelles ses horaires de travail ont été validés par ses supérieurs hiérarchiques, de la réalité du service fait et par suite de l'exigibilité du paiement des heures supplémentaires résultant du dépassement de l'horaire de service, dans les conditions résultant tant du décret n°2000-815 du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat que des textes réglementaires applicables à l'administration dont il relevait.
13. Il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé, dans la limite de la somme de 10 347 euros qui constitue le montant de sa demande devant la cour au titre de ce préjudice spécifique, à voir condamner l'administration pénitentiaire à lui verser une somme correspondant aux heures supplémentaires accomplies par lui, telles qu'elles résultent des fiches hebdomadaires de service produites à l'instruction pour les périodes précisées au point 13 du présent arrêt.
14. Les pièces du dossier ne permettant pas de déterminer le montant de l'indemnité due à M. A...à ce titre, il y a lieu de renvoyer le requérant devant l'administration pénitentiaire en vue de la liquidation de sa créance.
En ce qui concerne les autres chefs de préjudice invoqués en appel par M. A... :
15. En premier lieu, à défaut pour M. A...de justifier d'un lien suffisamment certain et direct entre l'entretien du 30 janvier 2015, décrit comme particulièrement tendu, et les ennuis de santé qui ont entraîné l'arrêt de travail du requérant à compter du 1er février suivant, les conclusions du requérant relatives à l'indemnisation de son préjudice physique ne peuvent qu'être rejetées.
16. En second lieu il est constant que l'administration, si elle entendait refuser de reconnaître comme imputables au service les arrêts de travail prescrits au requérant à compter du 31 janvier 2015, était tenue par les dispositions combinées de l'article 13 du décret n°86-442 du 14 mars 1986 et du 2° de l'article 34 de la loi n°84-16 de saisir la commission départementale de réforme de la demande de M.A.... Ce dernier est donc fondé à invoquer l'irrégularité commise par son administration en refusant de transmettre son dossier à cette commission. Le préjudice moral qui en résulte sera réparé par l'allocation d'une somme de 1 000 euros.
Sur les frais liés au litige :
17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 21 novembre 2017 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de M.A....
Article 2 : L'Etat versera à M.A..., dans la limite de la somme de 10 347 euros, une somme correspondant au paiement des heures supplémentaires effectuées par lui, telles que ces heures résultent des fiches hebdomadaires validées par ses supérieurs, ainsi que mentionnées au point 13 du présent arrêt.
Article 3 : M. A...est renvoyé devant l'administration pénitentiaire pour la liquidation de sa créance résultant de l'article 2.
Article 4 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 000 euros au titre de son préjudice moral
Article 5 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 mars 2019.
Le rapporteur,
J. FRANCFORTLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne à la garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00312 2
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