Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Missenard-Quint B a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier mémorial France Etats-Unis de Saint-Lô à lui verser la somme de 135 773,75 euros, déduction faite des acomptes d'ores et déjà versés par le maître d'ouvrage, assortie des intérêts au taux légal, au titre du règlement du marché dont elle était titulaire.
Par un jugement n° 1601171 du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande et a mis à la charge de la société Missenard-Quint B la somme de 22 479,06 euros TTC en règlement des frais et honoraires de l'expertise.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2017, la société Missenard-Quint B, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 8 juin 2017 ;
2°) d'arrêter le décompte général des travaux à la somme de 974 937,32 euros TTC et en conséquence de condamner le centre hospitalier mémorial France Etats-Unis de Saint-Lô à lui verser la somme de 135 773,75 euros TTC, déduction faite des acomptes d'ores et déjà versés par le maître d'ouvrage, assortie des intérêts au taux légal ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier mémorial France Etats-Unis de Saint-Lô une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges se sont mépris sur la portée des conclusions dont ils étaient saisis ;
- le centre hospitalier ne pouvait pas lui-même décider de lui attribuer une part de responsabilité et de lui imputer le coût des travaux de réparation des travaux de réfection du système d'eau chaude sanitaire lors de l'établissement du projet de décompte général et définitif ;
- si elle a accepté en cours d'expertise de réaliser des travaux de réfection du système d'eau chaude, elle ne reconnaît pas l'imputabilité de 60% retenue par l'expert sur l'ensemble des travaux réalisés ; elle n'est pas responsable des désordres affectant le réseau d'eau chaude ;
- le montant des travaux de reprise est injustifié pour partie ;
- les pénalités de retard ne sont pas fondées ;
- les premiers juges ont statué ultra petita en ce qui concerne les dépens ; ils n'avaient pas été saisis d'une demande tendant à ce que les frais d'expertise liquidés par une ordonnance du 12 juin 2014 à la somme de 22 479,06 euros TTC et mis à la charge du centre hospitalier Mémorial de Saint-Lô soient mis à sa charge.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2018, le centre hospitalier universitaire Mémorial France Etats-Unis de Saint-Lô, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande en outre qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Missenard Quint B en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la société Missenard Quint B ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Allio-Rousseau,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la société Missenard Quint B.
Considérant ce qui suit :
1. Au mois de novembre 2004, le centre hospitalier Mémorial de Saint-Lô a lancé un appel d'offre ouvert pour la construction d'un pôle " mère-enfant ". Les marchés ont été attribués en lots séparés. Ainsi, la société Missenard Quint B a été désignée attributaire du lot n°13 " plomberie sanitaire " suivant un acte d'engagement du 11 avril 2005 prévoyant une tranche ferme d'un montant de 457 590,06 euros HT (547 277,71 euros TTC) outre plusieurs options et variantes, lesquelles ont été retenues pour un montant de 37 523,70 euros HT (44 878,35 euros TTC). La société Missenard Quint B a reçu notification de démarrer les travaux par ordres de service des 20 et 30 mai 2005. Les travaux ont été réceptionnés le 5 juillet 2007 avec réserves portant notamment sur le réseau d'eau chaude sanitaire. Le centre hospitalier a prorogé d'un an le délai de garantie de parfait achèvement par une décision du 4 novembre 2009. Saisi à la demande du centre hospitalier, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a, par une ordonnance du 14 décembre 2010, ordonné une expertise portant sur les dysfonctionnements et/ou désordres affectant le pôle mère-enfant du centre hospitalier. L'expert ainsi désigné a rendu son rapport le 19 mai 2014. Le centre hospitalier Mémorial de Saint-Lô a mis en demeure la société Missenard Quint B de lui transmettre son projet de décompte final. Suite à sa réception, le centre hospitalier Mémorial de Saint-Lô a notifié à la société le projet de décompte général, qui incluait un montant des travaux de reprises des désordres s'élevant à la somme de 183 828,55 euros. Le 16 septembre 2015, la société a contesté l'imputabilité des travaux de reprise des désordres et 1'application des pénalités de retard dans le cadre de l'établissement du décompte. Le centre hospitalier a implicitement rejeté cette demande. La société Missenard Quint B relève appel du jugement du 8 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier Mémorial France Etats-Unis de Saint-Lô soit condamné à lui verser la somme de 135 773,75 euros, déduction faite des acomptes d'ores et déjà versés, assortie des intérêts au taux légal et a mis à sa charge la somme de 22 479,06 euros TTC en règlement des frais et honoraires de l'expertise.
Sur le décompte :
2. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. L'ensemble des conséquences financières de l'exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu'elles ne correspondent pas aux prévisions initiales. Il revient notamment aux parties d'y mentionner les conséquences financières de retards dans l'exécution du marché ou le coût de réparations imputables à des malfaçons dont est responsable le titulaire.
3. Il résulte de l'instruction que s'agissant du lot n°13 - Plomberie sanitaire attribué à la société Missenard Quint B, le centre hospitalier Mémorial de Saint-Lô a constaté des problèmes sur le réseau d'eau chaude dont la température variait de 25 à 45 degrés en moyenne, alors que le CCTP fixait une température de 60 degrés jusqu'à la robinetterie des appareils sanitaires. L'expert a constaté que les désordres résultaient de la conception initiale du réseau, phase au cours de laquelle la société Missenard Quint B a réalisé des documents d'exécution, et de la réalisation des ouvrages entièrement confiée à la société Missenard Quint B. Il a attribué à cette dernière une part de responsabilité de 60 % et a fixé le coût des réparations et travaux nécessaires du réseau d'eau chaude à la somme totale de 262 499,36 euros TTC. Pour l'établissement du décompte général et définitif du lot n°13, le centre hospitalier Mémorial de Saint-Lô a imputé sur le montant des travaux dus une somme de 183 828,55 euros correspondant à 60 % des dépenses induites par les désordres sur les réseaux d'eau chaude, estimées à un montant total de 306 380,92 euros.
4. En premier lieu, et contrairement à ce qu'indique la société requérante, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise complet sur ce point, que les dépenses liées à la reprise des désordres du réseau d'eau chaude du pôle mère-enfant ont un lien direct avec les travaux réalisés par la société requérante et sont dus à des malfaçons dont la société Missenard Quint B, qui a participé à la conception du réseau d'eau chaude sanitaire et à son installation, est à 1'origine et en partie responsable. En se bornant à citer comme en première instance un dire adressé le 19 février 2014 pour contester sa responsabilité dans la survenance des désordres, la société Missenard Quint B ne remet pas en cause sa part de responsabilité.
5. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été énoncé au point 2 qu'il appartenait au centre hospitalier Mémorial de Saint-Lô de mentionner dans le projet de décompte les conséquences financières destinées à réparer les malfaçons sur le réseau d'eau chaude dans la limite de la part de responsabilité de la société Missenard Quint B dans la survenance du dommage. Le montant des dépenses retenues par l'expert pour une somme totale de 262 499,36 euros TTC, qu'a repris le centre hospitalier Mémorial de Saint-Lô pour établir le décompte, n'est pas contesté par la société requérante. Contrairement à ce que soutient celle-ci, le centre hospitalier Mémorial de Saint-Lô n'a pas inclus dans le montant des dépenses la somme de 7 315,53 euros correspondant aux frais de gestion du litige. Toutefois, il résulte de l'instruction que les postes supplémentaires de dépenses relatifs à la fourniture des filtres pour éviter la présence de légionellose de septembre 2013 à juin 2014, au contrôle bactériologique au titre des années 2008 à 2010, au traitement chloré de l'eau et au suivi de travaux réalisés par le bureau technique Aquafluence au titre de l'année 2014 ne sont pas justifiés et sont contestés par la société Missenard Quint B qui a effectué des travaux de reprise en cours d'expertise. Il y a donc lieu de déduire la somme de 30 259,35 euros du montant des dépenses mises à la charge de la société Missenard Quint B pour remédier aux désordres sur le réseau d'eau chaude. Il en résulte que la part des dépenses mises à la charge de la société Missenard Quint B doit être fixée à la somme de 153 569,20 euros TTC, laquelle demeure supérieure à la somme dont la requérante conteste la prise en compte dans le décompte général du marché dont elle était titulaire. Dans ces conditions, la demande de la société Missenard Quint B tendant à ce que le décompte général des travaux soit arrêté à la somme de 974 937,32 euros TTC et en conséquence que le centre hospitalier Mémorial France Etats-Unis de Saint-Lô soit condamné à lui verser la somme de 135 773,75 euros TTC doit être rejetée.
6. En troisième lieu, si le projet de décompte adressé à la société Missenard Quint B fait mention d'une pénalité de 5 000 euros pour remise tardive de documents, il résulte de l'instruction que, pour calculer le denier solde mensuel de - 49 066,67 euros, a été soustrait du montant TTC des travaux exécutés, soit 129 761,88 euros, le montant des frais afférents aux défauts du réseau d'eau déterminés en annexe 1 à la somme de 183 828,55 euros. Il s'en déduit que le montant de la pénalité a fait l'objet d'une remise gracieuse pour la société Missenard Quint B. Par suite, elle n'est pas fondée à en demander la décharge.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Missenard Quint B n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les frais d'expertise :
8. Il résulte de ce qui précède qu'il convient de laisser les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 18 732,55 euros, à la charge de la société Missenard Quint B.
Sur les frais d'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier Mémorial de Saint-Lô la somme que demande la société Missenard Quint B au titre de ses frais d'instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée par le centre hospitalier Mémorial de Saint-Lô sur le même fondement et de mettre à la charge de la société Missenard Quint B une somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Missenard Quint B est rejetée.
Article 2 : La société Missenard Quint B versera au centre hospitalier Mémorial de Saint-Lô une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Missenard Quint B et au centre hospitalier Mémorial de Saint-Lô.
Délibéré après l'audience du 5 février 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,
- M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er mars 2019.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLe président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au préfet de la Manche en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02299