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28/02/2019 | FRANCE | N°18NT02620

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 28 février 2019, 18NT02620


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 à 2010.

Par un jugement no 1203621 du 19 novembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n°15NT00099 du 19 mai 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. D...contre ce jugement.

Par une décision n°401627 du 5 juillet 2018,

le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, saisi d'un pourvoi présenté par M.D..., annulé l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 à 2010.

Par un jugement no 1203621 du 19 novembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n°15NT00099 du 19 mai 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. D...contre ce jugement.

Par une décision n°401627 du 5 juillet 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, saisi d'un pourvoi présenté par M.D..., annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes et a renvoyé l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 15 janvier 2015, le 4 août 2015 et le 26 juillet 2018, M.D..., représenté par MeB..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du 19 novembre 2014 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 à 2010 ;

3°) de prononcer le dégrèvement d'une somme de 419 euros représentant des intérêts moratoires ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

Il soutient que :

- il peut bénéficier d'un quotient familial majoré, en application de l'article 196 A bis du code général des impôts, dès lors qu'il vit sous le même toit que sa tante, titulaire d'une carte d'invalidité lui reconnaissant un taux d'incapacité de 100% ;

- il peut bénéficier d'une réduction d'impôt en application de l'article 199 sexdecies du code général des impôts pour les dépenses effectuées par sa tante pour l'emploi d'un salarié à domicile ;

- il se prévaut de la réponse ministérielle à M. E...n° 59598 publiée au Journal officiel de l'Assemblée nationale du 28 septembre 1992 p 4481 ainsi que du paragraphe 4 de la doctrine 5 B-3314.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 juin et 31 août 2015, le ministre chargé des finances conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par M. D...ne sont pas fondés.

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées, par courrier du 18 janvier 2019, de ce que la décision était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions relatives aux intérêts moratoires en l'absence de litige né et actuel avec le comptable.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet,

- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a remis en cause, au titre des années 2008 à 2010, notamment, d'une part, le nombre de parts de quotient familial dont M. D... a bénéficié du fait du rattachement à son foyer fiscal de sa tante, MmeA..., titulaire d'une carte d'invalidité lui reconnaissant un taux d'incapacité de 100%, ainsi que, d'autre part, la réduction d'impôt pour emploi d'un salarié à domicile. Par un jugement du 19 novembre 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. D...tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 à 2010. Par un arrêt du 19 mai 2016, la présente cour a rejeté l'appel formé par M. D...contre ce jugement. Par une décision n° 401627 du 5 juillet 2018, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour pour y être jugée.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne le quotient familial :

2. Aux termes du I de l'article 194 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " Le nombre de parts à prendre en considération pour la division du revenu imposable prévue à l'article 193 est fixé comme suit : / (...) / Célibataire ou divorcé ayant un enfant à charge = 1,5 (...) ; / (...) / Pour l'application des dispositions du premier alinéa, sont assimilées à des enfants à charge les personnes considérées comme étant à la charge du contribuable en vertu de l'article 196 A bis. / (...) ". Aux termes de l'article 196 A bis du même code : " Tout contribuable peut considérer comme étant à sa charge, au sens de l'article 196, à la condition qu'elles vivent sous son toit, les personnes titulaires de la carte d'invalidité prévue à l'article L. 241-3 du code de l'action sociale et des familles ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé leur adoption, que la condition de vie sous le même toit à laquelle est subordonné le bénéfice d'une majoration du quotient familial pour prise à sa charge d'une personne invalide doit uniquement s'apprécier sur la base d'éléments matériels tenant à l'accueil à domicile d'une personne invalide ou aux conditions dans lesquelles, dans l'hypothèse d'une occupation partagée d'un immeuble avec le contribuable, celle-ci peut être regardée, compte tenu notamment de l'agencement de cet immeuble, comme habitant sous le toit de celui-ci. Lorsqu'un contribuable déclare une personne invalide à sa charge en application de ces dispositions, il appartient à l'administration, si elle entend remettre en cause cette déclaration, de produire tous éléments pertinents pour justifier une telle remise en cause. Il incombe alors au contribuable d'apporter en réponse tous éléments de nature à justifier ses prétentions. Le juge doit apprécier la valeur des éléments qui lui sont ainsi fournis par l'administration et par le contribuable.

3. Il résulte de l'instruction que les lots appartenant à MmeA..., d'une superficie de 110 mètres carrés, se situaient sur différents niveaux de l'immeuble qu'elle occupait avec M.D..., propriétaire du reste de l'immeuble, que les pièces occupées par M. D...et sa tante communiquaient entre elles, qu'un ascenseur avait été installé pour qu'elle puisse accéder, malgré son handicap, à une cuisine installée au sous-sol qui était incluse dans les lots appartenant à M. D...et qu'elle partageait avec lui. Dans ces conditions, Mme A...vivait sous le même toit que M. D...au sens des dispositions de l'article 196 A bis du code général des impôts. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que M. D...ne pouvait pas bénéficier d'un quotient familial majoré au titre des années 2008 à 2010.

En ce qui concerne les dépenses liées à l'emploi d'un salarié à domicile :

4. Les sommes versées par le contribuable ouvrant droit à l'aide prévue par les dispositions de l'article 199 sexdecies du code général des impôts doivent, en vertu des dispositions du 2 de ce même article, rémunérer un emploi d'un salarié exercé à la résidence, située en France, du contribuable ou d'un de ses ascendants remplissant les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 232-2 du code de l'action sociale et des familles. En vertu du 3 de ce même article, les dépenses sont retenues, pour leur montant effectivement supporté, dans la limite de 20 000 euros pour les contribuables mentionnés au 3° de l'article L. 341-4 du code de la sécurité sociale, ainsi que pour les contribuables ayant à leur charge une personne, vivant sous leur toit, mentionnée au même 3°, à savoir pour les invalides qui, étant absolument incapables d'exercer une profession, sont, en outre, dans l'obligation d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie. En vertu du 4 de ce même article, cette aide prend la forme d'un crédit d'impôt sur le revenu égal à 50% de ces dépenses par le contribuable célibataire, veuf ou divorcé qui exerce une activité professionnelle. En vertu du 5 de ce même article, cette aide prend la forme d'une réduction d'impôt sur le revenu égale à 50% de ces dépenses pour les personnes mentionnées au 4 qui ont supporté ces dépenses à la résidence d'un ascendant. Il résulte de ces dispositions que ne peut ouvrir droit à la réduction d'impôt les dépenses effectuées à la résidence d'une tante qui n'est pas un parent en ligne directe.

5. M. D...soutient qu'il est en droit de bénéficier de l'avantage fiscal prévu à l'article 196 A bis du code général des impôts à raison de dépenses exposées par un membre de son foyer fiscal, à savoir MmeA..., sa tante qui vit sous le même toit que lui, qui sont afférentes à l'emploi d'un salarié à domicile, à hauteur de 17 713 euros pour 2008, 14 545 euros pour 2009 et 12 467 euros pour 2010. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 du présent arrêt que MmeA..., titulaire d'une carte d'invalidité lui reconnaissant un taux d'incapacité de 100%, et dont il est constant qu'elle est dans l'obligation d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie, vit sous le même toit que M.D.... Ainsi le lieu de la prestation du salarié employé par Mme A...est la résidence de M.D.... Par ailleurs, il est constant que les dépenses dont il s'agit, dont le montant n'est pas contesté par l'administration, ont été payées par Mme A...par le biais de chèques emploi service universel. Dès lors, ces dépenses, qui doivent être rattachées aux charges du foyer fiscal constitué par M. D...et MmeA..., ouvrent droit à l'aide prévue à l'article 199 sexdecies du code général des impôts. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M.D..., dont il est constant qu'il est célibataire et exerce une activité professionnelle, peut bénéficier d'un crédit d'impôt sur le revenu égal à 50% du montant des dépenses engagées par Mme A...au titre des années 2008, 2009 et 2010.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions relatives aux intérêts moratoires :

7. Aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'État est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés (...) ". Il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable et le requérant au sujet de ces intérêts. Dès lors, les conclusions tendant au versement par l'État d'intérêts moratoires ne sont pas recevables.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. D...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 novembre 2014 est annulé.

Article 2 : Les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu de M.D..., au titre des années 2008 à 2010, sont réduites en tenant compte du rattachement à son foyer fiscal de sa tante, MmeA....

Article 3 : M. D...est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquel il a été assujetti au titre des années 2008 à 2010 en tenant compte de la réduction des bases d'imposition définie à l'article 2 du présent arrêt et du crédit d'impôt sur le revenu égal à 50% du montant des dépenses engagées par Mme A...pour l'emploi d'un salarié à domicile, dans la limite du montant de la demande initiale.

Article 4 : L'Etat versera à M. D...une somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. D...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 14 février 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- Mme Chollet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 février 2019.

Le rapporteur,

L. CholletLe président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No18NT02620


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02620
Date de la décision : 28/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : CABINET FIDAL (QUIMPER)

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-02-28;18nt02620 ?
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