Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Victoria ACR a demandé, par une requête n°1410121, au tribunal administratif de Nantes de prononcer le remboursement, assorti des intérêts moratoires, des droits de taxe sur la valeur ajoutée dont elle s'est acquittée pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014.
Le directeur départemental des finances publiques de la Vendée a, par une requête enregistrée sous le n°1606236, soumis d'office au tribunal administratif de Nantes la réclamation de la SARL Victoria ACR du 29 décembre 2014 par laquelle elle demande le remboursement des droits de taxe sur la valeur ajoutée dont elle s'est acquittée pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014.
Par un jugement n° 1410121-1606236 du 29 septembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 28 novembre 2017, 12 septembre 2018 et 17 octobre 2018, la SARL ACR, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de faire droit à ses demandes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'opération de rachat, lequel est considéré comme l'accomplissement d'une condition résolutoire, est indissociable de la vente elle-même et n'entre pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ; il n'y a aucune prestation de service entre elle et le vendeur entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 256 du code général des impôts ; c'est à tort qu'elle a assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, selon les règles de la taxe sur la valeur ajoutée immobilière, la différence entre la somme versée par le vendeur lors de l'exercice de la faculté de rachat et le prix d'achat de l'immeuble ;
- à titre subsidiaire, l'opération de vente avec faculté de rachat est une opération de crédit exonérée de taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement du 1° de l'article 261 du code général des impôts.
Par deux mémoires, enregistrés les 6 avril 2018 et 8 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Malingue,
- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Victoria ACR, qui acquiert des biens immobiliers à usage d'habitation auprès de particuliers par contrat de vente avec faculté de rachat, a, pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, pour chaque vente d'immeubles ayant donné lieu à mise en oeuvre de la faculté de rachat, la différence entre le prix de rachat du bien par le vendeur initial et le prix d'achat dont elle s'était acquittée. Par courrier du 21 mai 2014, elle a sollicité le remboursement d'un montant de 25 144 euros, ramené à 23 296 euros par courrier du 7 juillet 2014, de taxe sur la valeur ajoutée déclarée au titre de ces opérations. Après le rejet, par décision du 1er octobre 2014, de cette réclamation, la société a sollicité le 1er décembre 2014 du tribunal administratif de Nantes ce remboursement. La société a également, par courrier du 29 décembre 2014, réitéré sa réclamation auprès de l'administration fiscale, laquelle l'a soumise d'office au tribunal administratif de Nantes. Ce tribunal a, après avoir joint ces deux requêtes, rejeté les demandes de la société par un jugement du 29 septembre 2017, dont elle relève appel.
2. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée, la notion de livraison d'un bien, qui ne se réfère pas au transfert de propriété dans les formes prévues par le droit national, inclut toute opération de transfert d'un bien corporel par une partie qui habilite l'autre partie à en disposer en fait comme si elle était le propriétaire de ce bien. Par ailleurs, en vertu des dispositions du 2° du 5° de l'article 261 du code général des impôts, les livraisons d'immeubles achevés depuis plus de cinq ans sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée.
3. Le contrat de vente avec faculté de rachat est prévu par les articles 1659 et suivants du code civil. L'article 1659 de ce code dispose que : " La faculté de rachat est un pacte par lequel le vendeur se réserve de reprendre la chose vendue, moyennant la restitution du prix principal et le remboursement dont il est parlé à l'article 1673. ". L'article 1673 de ce code prévoit que : " Le vendeur qui use du pacte de rachat doit rembourser non seulement le prix principal, mais encore les frais et loyaux coûts de la vente, les réparations nécessaires, et celles qui ont augmenté la valeur du fonds, jusqu'à concurrence de cette augmentation. Il ne peut entrer en possession qu'après avoir satisfait à toutes ces obligations. (...) ". L'acquéreur à pacte de rachat exerce, en vertu de l'article 1665 du code civil, tous les droits de son vendeur et, aux termes de l'article 1662 de ce code, demeure propriétaire irrévocable si le vendeur n'a pas exercé son action en rachat dans le terme prescrit.
4. Si l'exercice de la faculté de rachat constitue l'accomplissement d'une condition résolutoire replaçant les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la vente, sans opérer une nouvelle mutation au sens du droit national, sa mise en oeuvre implique toutefois une nouvelle opération de transfert, de l'acquéreur initial vers le vendeur initial, du pouvoir de disposer du bien immobilier comme un propriétaire. Ce transfert est constitutif d'une livraison de bien au sens et pour l'application des dispositions applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée.
5. Il est constant que les opérations de vente avec faculté de rachat, à l'origine de la demande de remboursement de taxe sur la valeur ajoutée en litige, ont porté sur des immeubles achevés depuis plus de cinq ans. Par suite, les livraisons d'immeubles opérées à l'occasion de l'exercice de la faculté de rachat sont exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en vertu des dispositions du 2° du 5° de l'article 261 du code général des impôts. Il en va de même, en admettant même qu'elle puisse être identifiée, et compte tenu de son caractère indissociable de la livraison de bien, d'une prestation de service supposée distincte du pacte de rachat, laquelle ne peut, contrairement à ce que soutient l'administration fiscale, consister en une obligation de ne pas procéder à la vente tant que le délai d'exercice de la faculté de rachat n'est pas écoulé et de restituer le bien en nature au vendeur, dès lors que cette obligation ne résulte ni des dispositions du code civil ni des termes du contrat.
6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la SARL ACR est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant au remboursement des droits de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 à hauteur de 23 296 euros.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la SARL ACR au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1410121-1606236 du 29 septembre 2017 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : Il est accordé à la SARL ACR le remboursement d'un montant de 23 296 euros de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014.
Article 3 : L'Etat versera, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros à la SARL ACR.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée ACR et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 14 février 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 février 2019.
Le rapporteur,
F. MalingueLe président,
F. BatailleLe greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 17NT035372