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18/02/2019 | FRANCE | N°17NT01873

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 18 février 2019, 17NT01873


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) AJC a demandé au tribunal administratif de Caen, d'une part, la réduction en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, d'autre part, la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012, enfin, la décharge de l'amende qui lui

a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) AJC a demandé au tribunal administratif de Caen, d'une part, la réduction en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, d'autre part, la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012, enfin, la décharge de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement no 1600353 et 1600354 du 26 avril 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juin 2017, la SARL AJC, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer ces réductions et cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a porté atteinte aux droits et garanties du contribuable vérifié, et notamment a méconnu les articles L. 57 et L. 59 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elle a estimé que sa comptabilité était non régulière et non probante mais a retenu les résultats déclarés sans procéder à une reconstitution de son chiffre d'affaires ; en rejetant sa comptabilité, l'administration devait notifier toutes ses rectifications selon la procédure de rectification contradictoire ainsi que le prévoit le paragraphe 190 du BOI-CF-IOR-10-20 du 12 septembre 2012 ; l'administration a porté atteinte aux droits de la défense ;

- même lorsque la procédure de rectification contradictoire est mentionnée comme étant appliquée par le vérificateur, l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales en ne lui permettant pas de débattre du caractère régulier et probant de sa comptabilité ; elle se prévaut du paragraphe 40 du BOI-CF-IOR-40 ;

- les sommes taxées par l'administration correspondent à des apports en compte-courant faits par les associés et non à des revenus distribués ; il y a triple taxation de ces sommes ;

- l'application de la pénalité de 100% en application de l'article 1759 du code général des impôts n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par la SARL AJC ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet,

- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) AJC relève appel du jugement du 26 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant d'une part, à la réduction en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, d'autre part, à la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012 enfin, à la décharge de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er septembre 2011 au 31 janvier 2012 ainsi que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés dues au titre de l'exercice clos en 2010 :

2. Aux termes de l'article 13 du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. / (...) ". Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : / (...) / 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ; / 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ; / (...) ".

3. En premier lieu, d'une part, la circonstance que la comptabilité de la SARL AJC ait été regardée comme non régulière et non probante ne fait pas obstacle à ce que l'administration utilise des éléments tirés de celle-ci pour opérer des redressements, contrairement à ce qu'elle soutient. Il ne résulte en outre d'aucun texte législatif ou réglementaire que l'administration soit obligée de procéder à une reconstitution d'un chiffre d'affaires si elle estime que la comptabilité du contribuable n'est pas régulière et probante.

4. D'autre part, il est constant que la SARL AJC, qui a opté, le 12 juillet 2006, pour le régime réel d'imposition, n'a pas déposé, conformément à l'article 287 du code général des impôts, au plus tard le 21 de chaque mois, une déclaration de taxe sur la valeur ajoutée CA3 pour la période du 1er septembre 2011 au 31 janvier 2012. Par suite, c'est à bon droit que l'administration l'a imposée à des rappels de taxe pour cette période selon la procédure de taxation d'office en application du 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales. Par ailleurs, il est constant que la SARL AJC n'a pas déposé de déclaration de résultat en matière d'impôt sur les sociétés dans les délais légaux ni dans le délai de trente jours suivant la notification d'une mise en demeure du 22 juin 2011. Par suite, c'est à bon droit que l'administration l'a imposée à l'impôt sur les sociétés de l'année 2010 selon la procédure de taxation d'office en application du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales.

5. Il résulte des points 3 et 4 du présent arrêt que la SARL AJC n'est pas fondée à soutenir que l'administration a porté atteinte aux droits et garanties du contribuable vérifié en ce qu'elle aurait dû procéder à la reconstitution de son chiffre d'affaires et l'imposer pour ce faire selon la procédure de rectification contradictoire, qu'elle a été privée de débat oral et contradictoire avec le vérificateur et que l'administration a porté atteinte aux droits de la défense. Elle n'est pas fondée non plus à soutenir que l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales qui n'est applicable qu'aux procédures de rectification contradictoire.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (...) ". Il résulte de l'instruction que la réponse aux observations du contribuable du 27 février 2014, qui est au demeurant suffisamment motivée, mentionne la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, ce que la SARL AJC a fait pour les redressements pour laquelle cette commission était compétente. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales doit par suite être écarté.

7. Enfin, la SARL AJC ne saurait utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article

L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 190 du BOI-CF-IOR-10-20 du 12 septembre 2012 qui est relatif à la procédure d'imposition.

En ce qui concerne les autres rectifications :

8. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ".

9. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 28 novembre 2013 énonce les impôts sur lesquels elle porte, les périodes d'imposition, indique les motifs de droit et de fait des rehaussements, ce qui a permis à la SARL AJC de formuler des observations. L'intéressée ne saurait utilement, s'agissant de la régularité formelle de la proposition de rectification, critiquer le bien-fondé des motifs sur lesquels elle repose, et notamment faire valoir que l'administration aurait dû rejeter sa comptabilité, le mentionner dans la proposition de rectification et procéder à une reconstitution de son chiffre d'affaires. Par suite, la proposition de rectification est suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

10. La SARL AJC ne saurait utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article

L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 40 du BOI-CF-IOR-40 du 12 septembre 2012 qui est relatif à la procédure d'imposition.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

11. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...). L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ".

12. En premier lieu, il résulte de la proposition de rectification du 28 novembre 2013 que l'administration a relevé une discordance entre le montant déclaré des apports au passif du bilan de la société et le solde des comptes courants, d'associés et non associés. Ainsi, au titre de l'exercice clos en 2010, la SARL AJC a déclaré des apports d'un montant de 36 458 euros. Or les documents comptables qu'elle a présentés mentionnent des apports pour un montant de 21 108 euros, soit une discordance de 15 350 euros. Au titre de l'exercice clos en 2011, la SARL AJC a déclaré des apports pour un montant de 17 810 euros alors que les documents comptables présentés mentionnent des apports pour un montant 12 512 euros, soit une différence de 5 298 euros. Il en va de même pour l'exercice clos en 2012 dès lors que la SARL a déclaré des apports pour un montant de 13 950 euros mais que les documents comptables présentés font état de soldes des comptes courants qui sont débiteurs pour un montant de 3 806 euros, soit une différence de 17 756 euros. Tenant compte des difficultés financières de la SARL AJC, l'administration a pris en compte toutes les sommes apportées par M. et MmeA..., correspondant à des frais et charges engagés pour la société, même non justifiés, dès lors que ces apports étaient comptabilisés. Ainsi, seules les sommes déclarées sur les déclarations de résultats déposées au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 et non corroborées par des écritures comptables ont été considérées comme non justifiées. Par ailleurs, l'administration n'a pas considéré les apports réalisés par l'association Agence 22, qui n'était pas associée de la SARL AJC, comme des charges engagées dans l'intérêt et pour le compte de la SARL AJC.

13. La SARL AJC soutient que les sommes qualifiées de passif injustifié constituent des apports en compte courant effectués par les associés et que seuls les associés pouvaient payer les fournisseurs de la société afin d'éviter un état de cessation de paiement qui aurait entraîné sa liquidation et la perte de ses actifs au regard de ses difficultés financières et de l'absence de compte bancaire pour la société. Toutefois, ces difficultés financières ont déjà été prises en compte par l'administration ainsi qu'il a été dit au point 12 du présent arrêt. La SARL AJC ne justifie pas par d'autres éléments l'existence de dettes envers M.A..., Mme A...-C..., Mlle A...et l'association Agence 22. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a regardé ces sommes comme étant des passifs injustifiés des bilans de clôture et a rapporté leur montant au bénéfice imposable au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012.

14. En second lieu, la SARL AJC n'est pas fondée à soutenir qu'il y a eu triple imposition des sommes en litige en ce que, d'une part, M. et Mme A...sont également imposés à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers pour les sommes de 15 350 euros, 5 298 euros et 17 756 euros dès lors qu'il s'agit d'impositions distinctes et assignées à des personnes juridiques différentes, d'autre part, en ce que l'administration lui a infligée l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts dès lors, ainsi qu'il sera dit au point 15 du présent arrêt, que cette pénalité est distincte de l'impôt sur les sociétés et ne peut être regardée comme une pénalité afférente à cet impôt.

Sur l'amende :

15. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759. " ; Aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés (...) qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées (...) ". Ces dispositions instaurent une pénalité fiscale sanctionnant le refus par une personne morale de révéler l'identité des bénéficiaires d'une distribution de revenus. Cette pénalité est distincte de l'impôt sur les sociétés et ne peut être regardée comme une pénalité afférente à cet impôt. La personne sanctionnée par cette pénalité ne peut contester que son principe, son montant et la procédure propre à la pénalité.

16. Le fait générateur de la pénalité prévue à l'article 1759 du code général des impôts est l'expiration du délai imparti à la société distributrice, en vertu de l'article 117 du même code, pour indiquer les bénéficiaires de la distribution. La SARL AJC a été invitée à faire connaître les bénéficiaires de distributions par le service par une proposition de rectification du 28 novembre 2013. Il n'est pas contesté que la SARL AJC n'a pas répondu à cette demande. Ainsi, à défaut de réponse avant l'expiration du délai légal de trente jours, cette dernière a à bon droit été assujettie à cette pénalité pour les exercices en litige.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL AJC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL AJC est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée AJC et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- Mme Chollet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 février 2019.

Le rapporteur,

L. CholletLe président,

F. Bataille

Le greffier,

A. Rivoal

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No17NT01873


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : CABINET FIDAL (CAEN)

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 18/02/2019
Date de l'import : 26/02/2019

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17NT01873
Numéro NOR : CETATEXT000038141275 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-02-18;17nt01873 ?
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