Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2017 par lequel le préfet du Calvados a décidé sa remise aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et d'annuler l'arrêté du même jour portant assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
Par jugement n° 1702028 du 22 novembre 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 mars 2018, M.A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Caen du 22 novembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2017 par lequel le préfet du Calvados a décidé sa remise aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et d'annuler l'arrêté du même jour portant assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de réexaminer sa demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier, renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant remise aux autorités italiennes :
- l'arrêté de transfert méconnait le principe de l'unité familiale prévu par le règlement (UE) n° 604/2013 ; le préfet, en faisant application du dispositif de transfert vers l'Italie, a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de la maladie dont souffre son épouse Mme E...C...;
- le préfet devait faire application de la clause de souveraineté dès lors que l'Italie ne garantit pas le respect des conditions d'accueil des demandeurs d'asile exigées par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
S'agissant de la décision portant assignation à résidence :
- elle est illégale par exception d'illégalité de décision portant remise aux autorités italiennes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2018, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte à son mémoire de première instance et soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu le procès verbal du 22 janvier 2018 constatant la fuite de l'intéressé.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 15 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pons a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant de nationalité congolaise, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 8 juin 2017 selon ses déclarations. Le requérant a sollicité le 27 juin 2017 son admission au séjour au titre de l'asile auprès de la préfecture du Calvados. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que les empreintes digitales de l'intéressé avaient été relevées par les autorités italiennes le 9 mai 2017 dans le cadre d'une demande d'asile sur le sol italien. Les autorités italiennes, saisies le 5 juillet 2017 par les autorités françaises d'une demande de prise en charge de l'intéressé en application du 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013, ont accepté leur responsabilité par un accord implicite du 20 juillet 2017. Par des arrêtés du 17 novembre 2017, le préfet du Calvados a ordonné le transfert de M. A... aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile, et a assigné à résidence le requérant pour une durée de quarante-cinq jours. Saisi par M. A...d'une demande d'annulation de ces décisions, le magistrat désigné du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
S'agissant de la décision portant remise aux autorités italiennes :
2. Aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013: " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. "
3. En premier lieu, si MmeC..., conjointe du requérant, a nécessité une prise en charge médicale au cours de son accouchement et ses suites, en raison d'une cardiopathie du post-partum avec altération de la fonction VG, aucun élément ne permet d'établir que l'Italie, qui dispose d'infrastructures médicales comparables à la France, ne pourrait prendre en charge efficacement les problèmes de santé de MmeC.... Il ressort des pièces du dossier que cette dernière n'est plus hospitalisée et, même si elle souffre d'un certain degré d'insuffisance cardiaque, son état de santé est compatible avec la vie au domicile. Quant à l'enfant du couple, né le 9 octobre 2017 à Caen, il n'est ni soutenu ni même allégué qu'il serait atteint d'une quelconque pathologie. Enfin, aucune pièce versée au dossier ne s'oppose à ce que l'épouse du requérant soit reconduite en Italie par voie aérienne. Dans ces conditions, alors que le requérant fait également l'objet d'une mesure de réadmission en Italie du même jour, le préfet du Calvados n'a pas méconnu le principe de l'unité familiale ou commis d'erreur manifeste d'appréciation en prenant la décision de transfert contestée.
4. En second lieu, dans son arrêt n° C-578/16 PPU du 16 février 2017, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que " L'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être interprété en ce sens que : (...) - dans des circonstances dans lesquelles le transfert d'un demandeur d'asile, présentant une affection mentale ou physique particulièrement grave, entraînerait le risque réel et avéré d'une détérioration significative et irrémédiable de l'état de santé de l'intéressé, ce transfert constituerait un traitement inhumain et dégradant, au sens dudit article ; - il incombe aux autorités de l'Etat membre devant procéder au transfert et, le cas échéant, à ses juridictions, d'éliminer tout doute sérieux concernant l'impact du transfert sur l'état de santé de l'intéressé, en prenant les précautions nécessaires pour que son transfert ait lieu dans des conditions permettant de sauvegarder de manière appropriée et suffisante l'état de santé de cette personne. (...) - le cas échéant, s'il s'apercevait que l'état de santé du demandeur d'asile concerné ne devrait pas s'améliorer à court terme, ou que la suspension pendant une longue durée de la procédure risquerait d'aggraver l'état de l'intéressé, l'Etat membre requérant pourrait choisir d'examiner lui-même la demande de celui-ci en faisant usage de la " clause discrétionnaire " prévue à l'article 17, paragraphe 1, du règlement n° 604/2013. ".
5. M. A...soutient que l'Italie rencontre actuellement des défaillances systémiques dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile ainsi que dans la procédure d'asile. Toutefois, il n'établit pas que ces circonstances, à les supposer avérées, exposeraient sa demande d'asile à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il ne démontre pas davantage qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet du Calvados, qui a visé les dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013, a indiqué que la situation de M. A...ne relevait pas des dérogations prévues par cet article du règlement. Ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que le transfert de l'épouse de l'intéressé serait de nature à entraîner un risque réel et avéré d'une détérioration significative et irrémédiable de son état de santé. Dans ces conditions, M. A...n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions citées.
S'agissant de la décision portant assignation à résidence :
6. Les moyens dirigés contre la décision portant remise aux autorités italiennes ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. A...à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant assignation à résidence ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le magistrat désigné du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par le requérant ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A...demande au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 février 2019.
Le rapporteur,
F. PONS Le président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01081