Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 10 septembre 2015 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France (CRRV) a refusé de délivrer à sa fille alléguée Affoue Colombe Andrée A...un visa de long séjour.
Par un jugement n° 1508446 du 18 décembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 janvier et le 7 février 2018, Mme B..., représenté par Me Lemoine, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 décembre 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 10 septembre de la CRRV;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros, à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- elle est la mère de l'enfant Affoué Colombe AndréeA..., née en 2001 ; elle l'a élevée, et était présente auprès d'elle jusqu'à son départ de Côte d'Ivoire ;
- elle justifie de l'entretien et de l'éducation de son enfant ; le père lui a délégué l'autorité parentale ;
- il n'existe aucune incohérence dans les actes d'état civil contrairement à ce qu'estime le Consulat Général de France à Abidjan ;
- le lien de filiation avec sa fille alléguée est parfaitement établi ; elle justifie toujours du respect des conditions du regroupement familial ; elle assure pleinement l'éducation de sa fille et lui verse de l'argent ;
- elle justifie de l'existence d'une possession d'état.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2018, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête, qui ne comporte aucune conclusion dirigée contre le jugement du tribunal, est irrecevable ;
- les moyens soulevés par Mme B...ne sont pas fondés.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (25%) par une décision du 24 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Degommier,
- et les conclusions de M. Sacher, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... relève appel du jugement du 18 décembre 2017 du tribunal administratif de Nantes qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 septembre 2015 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France (CRRV) a refusé de délivrer à sa fille alléguée Affoue Colombe AndréeA..., née en 1997, un visa de long séjour.
2. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
3. Pour rejeter la demande de visa présentée pour Mme D...A..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur les circonstances que l'acte de naissance de MmeA..., établi par un jugement supplétif 16 ans après la naissance, n'avait pas de valeur probante, que l'identité de l'intéressée et sa filiation avec Mme B...n'étaient dès lors pas établies et que la regroupante n'établissait pas qu'elle contribuerait à l'entretien et à l'éducation de sa fille alléguée ni qu'elle lui apporterait un soutien affectif et communiquerait régulièrement avec elle. Il est constant qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, à l'appui de la demande de visa litigieuse, a été produit un acte de naissance dressé suivant jugement supplétif du tribunal d'Abidjan Plateau du 8 mars 2013, soit seize ans après la naissance de l'intéressée, alors que l'entrée en scolarité en Côte d'Ivoire nécessite en principe la présentation d'un acte de naissance et y est obligatoire, de sorte que le caractère tardif de l'acte d'état civil ainsi produit est avéré. Toutefois, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le document produit aurait un caractère frauduleux. Les seules circonstances invoquées par la commission ne suffisent pas à établir le caractère frauduleux de l'acte de naissance de Mme D...A.... L'administration ne fait état d'aucune autre circonstance de nature à remettre en cause la réalité du lien de filiation entre Affoue Colombe Andrée A...et MmeB.... En outre, Mme B...a mentionné l'existence de ses deux enfants, dont Affoue Colombe AndréeA..., dès le dépôt de sa demande de titre de séjour en préfecture en 2010 et n'a pas varié dans ses déclarations. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, la décision du 10 septembre 2015 de la CRRV rejetant la demande de visa présentée pour Affoue Colombe Andrée A...est entachée d'illégalité.
4. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
5. Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Lemoine, avocat de MmeB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Lemoine de la somme de 1000 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 18 décembre 2017 du tribunal administratif de Nantes et la décision du 10 septembre 2015 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Me Lemoine une somme de 1000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Lemoine renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 février 2019.
L'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau,
A. MONY
Le rapporteur,
S. DEGOMMIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00141