Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...C...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 7 juin 2017 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 1703367 du 21 novembre 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 mars et des pièces produites le 15 mai 2018, MmeC..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 21 novembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Loiret du 7 juin 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer un récépissé valant autorisation de séjour jusqu'à la délivrance d'une carte de séjour temporaire, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative
Elle soutient que :
- l'arrêté a été pris par une autorité incompétente ;
- le préfet du Loiret a commis une erreur de droit en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant européen sur le fondement des dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : cette décision devra être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 novembre 2018, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme C...ne sont pas fondés et que la requête est tardive.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Giraud,
- les conclusions de M. Derlange, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante marocaine née le 7 janvier 1977, est entrée en France au mois de juillet 2016, selon ses déclarations. Le 19 septembre 2016, elle a demandé la délivrance d'une carte de séjour en qualité de conjoint d'un citoyen de l'Union européenne. Par l'arrêté du 7 juin 2017 contesté, le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 21 novembre 2017 par lequel celui-ci a rejeté sa demande.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Loiret :
2. Aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, applicable au contentieux des décisions relatives au séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée. ". Il résulte des dispositions de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique que lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle a été adressée au bureau d'aide juridictionnelle dans le délai imparti pour le dépôt d'une requête devant la cour administrative d'appel, ce délai est interrompu et " un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié à Mme C...par un courrier du 23 novembre 2017 qui mentionnait les voies et délais d'appel. Le bureau d'aide juridictionnelle a été saisi le 8 décembre 2017 d'une demande d'aide juridictionnelle qui a eu pour effet d'interrompre le délai de recours. Par décision du 27 février 2018, notifiée le 28 février 2018, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à Mme C...l'aide juridictionnelle totale. Ainsi, la requête de Mme C...enregistrée à la cour administrative de Nantes le 26 mars 2018 n'était pas tardive.
Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie (...) / 4° S'il est un descendant direct âgé de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendant direct à charge, conjoint, ascendant ou descendant direct à charge du conjoint, accompagnant ou rejoignant un ressortissant qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° (...) ". Aux termes de l'article L. 121-3 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le membre de famille visé aux 4° ou 5° de l'article L. 121-1 selon la situation de la personne qu'il accompagne ou rejoint, ressortissant d'un Etat tiers, a le droit de séjourner sur l'ensemble du territoire français pour une durée supérieure à trois mois. / S'il est âgé de plus de dix-huit ans ou d'au moins seize ans lorsqu'il veut exercer une activité professionnelle, il doit être muni d'une carte de séjour. Cette carte, dont la durée de validité correspond à la durée de séjour envisagée du citoyen de l'Union dans la limite de cinq années, porte la mention : " carte de séjour de membre de la famille d'un citoyen de l'Union ". Sauf application des mesures transitoires prévues par le traité d'adhésion à l'Union européenne de l'Etat dont il est ressortissant, cette carte donne à son titulaire le droit d'exercer une activité professionnelle ". Enfin aux termes de l'article R. 121-4 de ce code : " (...) Lorsqu'il est exigé, le caractère suffisant des ressources est apprécié en tenant compte de la situation personnelle de l'intéressé. En aucun cas, le montant exigé ne peut excéder le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné à l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles ou, si l'intéressé remplit les conditions d'âge pour l'obtenir, au montant de l'allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale. / La charge pour le système d'assistance sociale que peut constituer le ressortissant mentionné à l'article L. 121-1 est évaluée en prenant notamment en compte le montant des prestations sociales non contributives qui lui ont été accordées, la durée de ses difficultés et de son séjour (...) ".
5. Il résulte des dispositions précitées que le conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne résidant en France peut bénéficier d'une carte de séjour en qualité de membre de famille, à condition que ce ressortissant exerce une activité professionnelle ou dispose, pour lui et les membres de sa famille, de ressources suffisantes, ces deux conditions relatives à l'activité professionnelle et aux ressources étant alternatives et non cumulatives.
6. Il ressort des pièces du dossier que le conjoint de Mme C..., de nationalité italienne, a travaillé dans le cadre de missions intérimaires entre mars 2016 et juin 2017 avec des durées d'emploi au cours des mois de mai et de juin 2017 qui s'élevaient à 166,75 puis 168,75 heures. Ainsi, l'activité exercée par M. C... ne pouvait être regardée comme purement accessoire. Ainsi, le préfet du Loiret a fait une inexacte application des dispositions précitées du 1° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'arrêté contesté refusant à Mme C...le titre de séjour sollicité doit être annulé.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Le présent arrêt implique, pour son exécution, qu'il soit enjoint au préfet du Loiret de délivrer à Mme C...une carte de séjour temporaire dans un délai de deux mois à compter de sa notification sous réserve d'une évolution dans les circonstances de fait ou de droit. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Mme C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Son avocat peut, par suite, se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me B...dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1703367 du tribunal administratif d'Orléans du 21 novembre 2017 et l'arrêté du préfet du Loiret du 7 juin 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Loiret de délivrer à Mme C...une carte de séjour temporaire dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sous réserve d'une évolution dans les circonstances de fait ou de droit.
Article 3 : Le versement de la somme de 1 200 euros à Me B...est mis à la charge de l'Etat dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera adressée au préfet du Loiret
Délibéré après l'audience du 15 janvier 2018, où siégeaient :
- M. Perez, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. Giraud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er février 2019.
Le rapporteur,
T. GIRAUDLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18NT01290