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28/01/2019 | FRANCE | N°17NT03535

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 28 janvier 2019, 17NT03535


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision de l'inspectrice du travail du 11 septembre 2014 autorisant son licenciement, ainsi que la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 30 avril 2015 confirmant la décision implicite de rejet de son recours administratif.

Par un jugement n°1502990 du 6 octobre 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

P

ar une requête et des mémoires, enregistrés le 28 novembre 2017 ainsi que les 17 et 24 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision de l'inspectrice du travail du 11 septembre 2014 autorisant son licenciement, ainsi que la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 30 avril 2015 confirmant la décision implicite de rejet de son recours administratif.

Par un jugement n°1502990 du 6 octobre 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 novembre 2017 ainsi que les 17 et 24 septembre 2018, M.B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 6 octobre 2017 ;

2°) d'annuler la décision de l'inspectrice du travail du 11 septembre 2014 autorisant son licenciement, ainsi que la décision du ministre chargé du travail du 30 avril 2015 confirmant la décision implicite de rejet de son recours administratif ;

3°) de condamner l'Etat et/ou l'association 3 Regards - Léo Lagrange à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions attaquées sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaissent l'article L. 1233-3 du code du travail en l'absence de motif économique sérieux de licenciement ; l'association avait les moyens de financer l'investissement nécessaire à la mise aux normes de l'atelier où il était affecté et les comptes de l'association ne sont pas déficitaires ;

- l'association 3 Regards - Léo Lagrange n'a pas réalisé les recherches en reclassement suffisantes, l'association 3 Regards - Léo Lagrange appartenant à un groupe disposant de 350 associations affiliées ;

- son licenciement est en lien avec ses mandats.

Par des mémoires en défense, enregistré le 6 février et le 2 octobre 2018, l'association 3 Regards - Léo Lagrange, représentée par Me Gouret, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. B...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- les observations de Me Gouret, avocat de l'association 3 Regards - Léo Lagrange.

Considérant ce qui suit :

1. L'association 3 Regards - Léo Lagrange a saisi l'inspecteur du travail d'Ille-et-Vilaine d'une demande d'autorisation de licenciement de M.B..., employé depuis le 1er octobre 1999 en qualité d'animateur technique menuiserie, plomberie et électricité, et de responsable de la maintenance du bâtiment, et exerçant le mandat de délégué syndical pour le Syndicat unitaire de l'éducation populaire, de l'action socioculturelle et sportive, depuis le 30 janvier 2008 ainsi que le mandat de délégué du personnel suppléant depuis le 28 mars 2012. Par décision du 11 septembre 2014, l'inspectrice du travail d'Ille-et-Vilaine a autorisé le licenciement de M.B.... Par une décision du 30 avril 2015, le ministre chargé du travail a confirmé sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique de M.B.... Par sa présente requête, M. B... relève appel du jugement du 6 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail du 11 septembre 2014 autorisant son licenciement, ainsi que la décision du ministre chargé du travail du 30 avril 2015 confirmant la décision implicite de rejet de son recours administratif.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. (...) ".

3. D'autre part, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'activité de l'atelier de menuiserie, dans lequel M. B...exerçait 80 % de son activité professionnelle, a été suspendue à titre conservatoire depuis le début de l'année 2014 en raison des risques d'incendie, d'explosion et d'exposition à des produits cancérigènes auxquels étaient exposés ses utilisateurs. La commune de Rennes, propriétaire des locaux, a décidé de réaliser les travaux de mise en conformité en 2016, entraînant la fermeture de l'atelier de menuiserie. Les comptes annuels de l'association font état d'une situation financière fragile, avec des résultats très légèrement positifs en 2012 et 2013 (excédents respectifs de 7 457 euros au 31 août 2012 et 6 343 euros au 31 août 2013) et un déficit d'exploitation de 4 776 euros au 31 août 2014. Dans ces conditions, bien que les risques liés au fonctionnement de l'atelier aient été connus depuis plusieurs années et que le coût de l'investissement de mise aux normes aurait été de moins de 20 000 euros, l'association 3 Regards - Léo Lagrange, qui employait à 80 % M. B...en qualité de responsable de cet atelier menuiserie, justifie d'un motif économique l'ayant amenée à supprimer cette partie de l'activité pour laquelle elle employait M.B.... La circonstance, au demeurant non établie, que l'association 3 Regards - Léo Lagrange aurait pu maintenir l'activité professionnelle de M. B... dans le cadre d'un projet de partenariat abandonné est sans incidence sur le caractère réel et sérieux du motif de son licenciement. Par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que son licenciement serait sans motif économique réel et que les décisions attaquées seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation ou de méconnaissance des dispositions citées du code du travail.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction applicable : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ". Pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu, à ce titre, comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

6. Il n'est pas contesté par M. B...qu'il n'existait aucun emploi disponible équivalent à celui qu'il occupait au sein de l'association 3 Regards - Léo Lagrange. Dans ces conditions, l'association n'a pas méconnu ses obligations de reclassement en interne en proposant à l'intéressé, soit le maintien de sa seule activité de responsable de maintenance du bâtiment pour 585,90 euros bruts par mois, soit le seul emploi disponible au sein de l'association, à savoir un poste d'entretien et de ménage, à raison de vingt-huit heures par semaine et de 1 172,08 euros bruts par mois.

7. En ce qui concerne le reclassement externe à l'association, il ne ressort pas des pièces du dossier, comme l'ont relevé les premiers juges, que l'adhésion de l'association à la fédération Léo Lagrange permettrait de la regarder comme appartenant à un groupe au sens des dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail. L'association n'était donc pas tenue d'étendre ses recherches de poste de reclassement à l'ensemble des associations adhérant à la fédération Léo Lagrange. Toutefois, l'employeur a néanmoins procédé à des recherches de reclassement au sein de la fédération et a soumis à l'intéressé trois propositions de reclassement, dont deux en Moselle, comprenant un poste d'agent polyvalent d'entretien de trente heures hebdomadaires pour une rémunération brute mensuelle de 1 255,80 euros. L'intéressé a décliné ces propositions par lettre du 1er juillet 2014. Dans ces conditions, M.B..., n'est pas fondé soutenir que l'association 3 Regards - Léo Lagrange aurait méconnu ses obligations de reclassement.

8. En troisième et dernier lieu, M. B...n'établit pas que son licenciement pour motif économique serait en réalité lié à ses mandats de délégué syndical et délégué du personnel. S'il fait valoir qu'il était en conflit avec un membre du conseil d'administration de l'association qui l'employait, adhérant de l'association et usager de l'atelier menuiserie, ainsi que l'engagement d'une procédure judiciaire pour harcèlement moral et la circonstance que l'association 3 Regards - Léo Lagrange avait contesté sa désignation comme délégué syndical, ces circonstances ne sont pas de nature à démontrer le lien allégué entre le licenciement et les mandats détenus par l'intéressé.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat ou de l'association 3 Regards - Léo Lagrange, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que M. B...demande au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...la somme réclamée par l'association 3 Regards - Léo Lagrange au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'association 3 Regards - Léo Lagrange sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. C...B..., à l'association 3 Regards - Léo Lagrange et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président,

- Mme Gélard, premier conseiller.

- M. Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 janvier 2019.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

J. FRANCFORT

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre du travail, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT03535


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03535
Date de la décision : 28/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELAS BARTHELEMY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-01-28;17nt03535 ?
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