Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 10 septembre 2015 par laquelle la ministre de l'éducation nationale a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle, ainsi que la décision de la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat du 24 mars 2016.
Par un jugement n° 1601145 du 21 juin 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 août 2017 et 19 septembre 2018, M. C..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 21 juin 2017 en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 10 septembre 2015 ;
2°) d'annuler cette décision du 10 septembre 2015 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de prononcer sa réintégration dans les effectifs du ministère, avec toutes conséquences de droit ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué, en ce qu'il ne procède que sommairement à l'analyse des moyens des parties, méconnaît les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
- le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de ce que la décision contestée constituait une sanction déguisée ;
- la circonstance qu'il n'a pas eu préalablement connaissance des rapports versés à son dossier individuel démontre un défaut de loyauté de l'administration à son égard ainsi qu'une méconnaissance du principe du contradictoire ;
- la décision contestée, qui est entachée d'une erreur de fait, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit en ce qu'elle constitue une sanction déguisée, ne peut être regardée comme reposant sur des éléments objectifs, dès lors qu'il n'a été tenu compte ni de ses efforts pour modifier sa méthode pédagogique, ni de l'attitude hostile de ses collègues et de sa hiérarchie ; si sa méthode ne répondait pas parfaitement aux directives de l'éducation nationale en matière de pédagogie, elle poursuivait une finalité qui, elle, était conforme à ces objectifs ;
- la décision contestée atteste du harcèlement moral dont il a fait l'objet.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et notamment son article 6 quinquies ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret 82-451 du 28 mai 1982 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., professeur certifié de mathématiques, a effectué son stage dans l'académie de Caen en 2010-2011. Après avoir été titularisé, il a été nommé à Mayotte pour deux ans, avant d'être placé, à compter du mois de septembre 2013, en disponibilité pour convenances personnelles. En septembre 2014, il a été affecté au collège Emile Charrier de Mortagne-au-Perche dans l'Orne (académie de Caen). Par un arrêté du 10 septembre 2015, M. C... a fait l'objet d'un licenciement pour insuffisance professionnelle. L'intéressé a saisi la commission de recours du conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat qui, lors de sa séance du 24 mars 2016, a confirmé la décision du ministre. M. C...relève appel du jugement du 21 juin 2017 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 septembre 2015.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...)". Contrairement à ce que soutient M.C..., il ressort des pièces du dossier de première instance et notamment de la minute du jugement attaqué, que les premiers juges ont visé et analysé l'ensemble des conclusions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative.
3. En second lieu, dans sa demande introductive devant le tribunal administratif, M. C... a soulevé le moyen tiré de ce que les décisions contestées avaient été édictées " au terme d'une procédure irrégulière faute d'avoir respecté l'intégralité des garanties accordées aux agents qui font l'objet de poursuites disciplinaires ". Dans son mémoire ampliatif enregistré le 24 juin 2016, il a précisé ce moyen, en indiquant que ces décisions contestées étaient intervenues au terme d'une procédure irrégulière en tant qu'elles avaient été engagées " sur le terrain disciplinaire " alors que le licenciement pour insuffisance professionnelle ne justifiait pas l'engagement d'une telle procédure et qu'en conséquence, la commission administrative paritaire n'avait pas été régulièrement consultée. Le tribunal administratif, qui a visé ce moyen, y a répondu au point 4 du jugement attaqué en rappelant notamment les dispositions de l'article 70 de la loi du 11 janvier 1984 qui précise que " le licenciement pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire ". Il en a déduit que dès lors que la commission administrative paritaire, siégeant en formation disciplinaire, avait été consultée, le moyen tiré du vice de procédure devait être écarté. Par suite, le tribunal administratif a répondu de manière suffisante au moyen de procédure soulevé devant lui. M. C... n'est dès lors pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé sur ce point et par suite entaché d'irrégularité.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article 70 de la loi du 11 janvier 1984 que le licenciement pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure applicable en matière disciplinaire. Aux termes de l'article 34 du décret susvisé du 28 mai 1982 : " Les commissions administratives siègent en formation restreinte lorsqu'elles sont saisies de questions résultant de l'application des articles (...) 70 (...) de la loi du 11 janvier 1984. Dans les autres cas, elles siègent en assemblée plénière. ". Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 26 mai 2015 du recteur de l'académie de Caen, M. C... a été informé de l'engagement d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle à son encontre et a été invité à consulter son dossier, ce qu'il a fait le 3 juin 2015. La circonstance que de nouvelles pièces auraient été ajoutées à son dossier, à sa demande, sans qu'elles aient été portées préalablement à sa connaissance, ne suffit pas à établir un défaut de loyauté de l'administration à son égard ou une méconnaissance du principe du contradictoire. Par suite, ces moyens ne peuvent qu'être écartés.
5. En second lieu si M. C...se prévaut de sa titularisation en 2011 prononcée à la suite d'un rapport de stage favorable, il ressort des pièces du dossier que, l'intéressé a connu des difficultés dans l'exercice de son métier de professeur dès son affectation à Mayotte en septembre 2011. Dans un rapport du 13 décembre 2011, le principal du collège Passamainty de Mayotte a ainsi souligné le comportement inadapté de M.C..., " qui panique au moment de prendre les élèves ", " quitte l'établissement sans prévenir personne ", " filme et enregistre les élèves en classe " en les laissant sans activité pendant une grande partie du cours. Le rapport d'inspection du 18 janvier 2012 a confirmé les difficultés de M. C... tant au niveau de ses méthodes pédagogiques que de son comportement en classe face aux élèves, auprès desquels il avait du mal à installer son autorité. Il est souligné qu'il a bénéficié d'un tutorat et de la visite d'un conseiller pédagogique mais que ces mesures se sont révélées infructueuses. Le compte rendu d'entretien du 14 février 2012, établi par le principal du collège de Passamainty, a confirmé l'inquiétude des élèves qui craignaient de ne pas avoir le niveau pour la seconde. Un rapport établi le 15 février 2012 par la conseillère principale du même collège a souligné l'impossibilité de M. C...à ramener sa classe au calme. Sa notation de 2011/2012 a été rabaissée et sa reconversion professionnelle a été évoquée. Dès le 15 septembre 2014, alors que M. C...venait d'être affecté au collège Emile Chartier de Mortagne-au-Perche dans l'Orne, le principal de cet établissement a adressé une note au directeur académique dans laquelle il indiquait que M. C...lui avait confirmé son désarroi face à la complexité du métier d'enseignant. Compte tenu de la réaction des parents d'élèves un tutorat a été mis en place pendant toute l'année par une collègue plus expérimentée et M. C...a participé à des actions de formation. Dans le cadre de son appréciation du 5 décembre 2014, le principal du collège a souligné l'obstination de cet enseignant à utiliser " une méthode incomprise des élèves et des familles [qui] porte préjudice à l'image de sa discipline dans l'établissement ". Sa notation n'a pas été augmentée. Le rapport d'inspection du 12 mai 2015 établi par M.B..., inspecteur d'académie, inspecteur pédagogique régional, a souligné la dégradation de la situation ainsi que l'image désastreuse de l'autorité d'un adulte donnée par M. C...à ses élèves. Il préconisait de ne plus placer l'intéressé devant des élèves. Le bilan de tutorat établi le 28 mai 2015 a confirmé les difficultés de M. C...à s'approprier les conseils de sa tutrice et le fait qu'il n'avait pas conscience de travailler avec des collégiens qui manquaient d'autonomie et de maturité pour travailler seuls. Ce bilan ajoutait que les problèmes d'attention en classe avaient conduit à un grand retard dans le suivi des progressions scolaires.
6. Ainsi les différents rapports mentionnés ci-dessus attestent des difficultés réelles de M. C... à exercer le métier de professeur et de l'absence de résultat de la méthode dite " active " qu'il souhaitait appliquer. Si l'intéressé indique que son inexpérience " relative " aurait dû faire l'objet d'une simple adaptation, il est constant qu'il a bénéficié d'un accompagnement personnalisé comportant notamment des actions de tutorat assurées tant à Mayotte que dans l'Orne mais que ces mesures se sont révélées sans effet.
7. Enfin il ne ressort pas des pièces du dossier que le licenciement de M. C...serait la conséquence des faits de harcèlement moral qu'il aurait dénoncés, ou révèlerait une sanction déguisée, mais dénote bien au contraire d'une attitude compréhensive de l'administration qui a tenté d'aider cet agent durant plusieurs années avant de le licencier pour insuffisance professionnelle, face à son incapacité à exercer ses fonctions et à s'adapter aux conseils prodigués par ses collègues. Il s'ensuit que les moyens tirés de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur de fait, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit ne peuvent qu'être écartés.
8. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions présentées en appel par M. C...tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre chargé de l'éducation nationale de prononcer sa réintégration dans les effectifs du ministère, avec toutes conséquences de droit, doivent également être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. C... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 janvier 2019.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
J. FRANCFORT
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02583