Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler la décision du 24 octobre 2014 par laquelle le maire de Saint-Malo l'a affecté à compter du 3 novembre 2014 à la direction du patrimoine de la commune et, d'autre part, de condamner la commune de Saint-Malo à lui verser une somme de 68 712 euros en réparation du préjudice que lui a causé cette décision.
Par un jugement n° 1501825 du 24 mai 2017, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 24 octobre 2014 et rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. A....
Procédure devant la cour :
I - Par une requête n° 17NT02142 et des mémoires, enregistrés les 13 juillet et 26 septembre 2017 ainsi que le 11 octobre 2018, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 24 mai 2017 en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
2°) de condamner la commune de Saint-Malo à lui verser la somme de 68 712 euros en réparation du préjudice que lui a causé le changement d'affectation du 24 octobre 2014 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Malo le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- à la suite de son affectation à un nouveau service par la décision en litige ses fonctions ont été réduites ; il est donc recevable à attaquer cette décision, laquelle ne constitue pas une mesure d'ordre intérieur ;
- l'appréciation du tribunal administratif de Rennes selon laquelle ce changement ne correspond pas à l'intérêt du service devra être confirmée ;
- cette évolution l'a atteint moralement ; il est tombé en dépression, ainsi d'ailleurs que l'a expressément relevé son supérieur hiérarchique ; il est donc bien-fondé à demander réparation de son préjudice moral ainsi que du trouble subi dans ses conditions d'existence à concurrence de 24 mois de traitement mensuel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2018, la commune de Saint-Malo, représentée par le cabinet Coudray, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à ce que le jugement du 24 mai 2017 du tribunal administratif de Rennes soit réformé en ce qu'il a annulé la décision du 24 octobre 2014 par laquelle le maire de Saint-Malo a affecté M. A...à la direction du patrimoine. Elle conclut en outre à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune soutient que
- la demande de première instance dossier M. A...n'était pas recevable, dès lors que le changement d'affectation d'un fonctionnaire territorial, sans perte de traitement ni de prime, constitue une simple mesure d'ordre intérieur ;
- ce changement ne constitue pas une sanction déguisée et n'avait donc pas à être précédé de la consultation de son dossier par l'intéressé ;
- il correspond bien à l'intérêt du service, compte tenu de la nécessité d'un renouvellement à la direction du port de plaisance, dont la gestion était marquée par de graves dysfonctionnements, comme l'ont relevé différents rapports, dont la teneur a été confirmée en dernier lieu par la chambre régionale des comptes de Bretagne ;
- M. A...ne justifie d'aucun préjudice moral ou de quelconques troubles dans ses conditions d'existence.
II - Par une requête n° 17NT02230 et des mémoires, enregistrés les 21 juillet 2017 et 5 octobre 2018, la commune de Saint-Malo, représentée par le cabinet Coudray, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 mai 2017 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a annulé la décision du 24 octobre 2014 par laquelle le maire de Saint-Malo a affecté M. A... à la direction du patrimoine de la commune à compter du 3 novembre 2014 ;
2°) de rejeter l'ensemble des conclusions de première instance de M. A...;
3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle invoque l'argumentation déjà développée, au soutien de son appel incident, dans les mémoires produits par elle dans l'instance n° 17NT02142.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 et 26 septembre 2017 et le 11 octobre 2018, M.A..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que la cour, réformant le jugement du tribunal administratif de Rennes, condamne la commune de Saint-Malo à lui verser la somme de 68 712 à titre de dommages et intérêts ; il conclut en outre à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Malo sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il invoque l'argumentation déjà développée, au soutien de son appel incident, dans les mémoires qu'il a produits dans l'instance n° 17NT02142.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Francfort, président-rapporteur,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant la commune de Saint-Malo.
Considérant ce qui suit
Les faits, la procédure :
1. M. A..., attaché territorial, employé depuis le 5 juin 1990 par la commune de Saint-Malo et exerçant les fonctions de directeur du port de plaisance au sein de la direction des sports de la commune, a, par décision du 24 octobre 2014 du maire de Saint-Malo, été affecté à compter du 3 novembre 2014 à la direction du patrimoine, où il s'est vu par la suite chargé de la gestion des énergies.
2. Par un courrier du 16 décembre 2014 adressé au maire de Saint-Malo, M. A... a contesté ce changement d'affectation et sollicité l'indemnisation du préjudice en résultant. Par correspondance du 13 janvier 2015, l'intéressé a sollicité le paiement par la commune de Saint-Malo d'une somme de 68 712 euros à titre de dommages-intérêts. En l'absence de réponse à ses demandes, M. A...a saisi le tribunal administratif de Rennes, lequel, par un jugement du 24 mai 2017, a annulé la décision du 24 octobre 2014 mais rejeté les conclusions indemnitaires de M.A....
3. Par deux requêtes distinctes, qu'il y a lieu de joindre dès lors qu'elles sont dirigées contre le même jugement et présentent les mêmes questions à juger, M. A...relève appel du jugement du 24 mai 2017 en tant que le tribunal administratif de Rennes n'a pas fait droit à ses conclusions indemnitaires, cependant que la commune de Saint-Malo demande la réformation de ce jugement en tant qu'il a annulé, à la demande de M.A..., la décision affectant ce dernier à la direction du Patrimoine à compter du 3 novembre 2014.
Sur la mesure d'affectation du 24 octobre 2014 :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
4. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination, est irrecevable.
5. Pour les motifs explicités au point 3 du jugement attaqué, et que la commune ne contredit pas en cause d'appel, le changement de service de M. A...s'est traduit par une modification de son positionnement hiérarchique et une diminution sensible des tâches qui lui ont été confiées, tâches que la commune de Saint-Malo n'a du reste formellement détaillées, à travers l'établissement d'une fiche de poste, que le 26 septembre 2018.
6. Dès lors la décision du 24 octobre 2014 constitue non une simple mesure d'ordre intérieur mais une décision qui fait grief M.A..., qui est bien recevable à en demander l'annulation.
En ce qui concerne la légalité du changement d'affectation en litige
7. La commune a versé en cause d'appel plusieurs pièces relatives au fonctionnement du service durant la période où M. A...était directeur du port de plaisance des Bas Sablons.
8. Du rapport daté du 29 novembre 2014 rédigé par le directeur des Sports, supérieur hiérarchique de M. A...avant la mutation interne en litige, il résulte notamment que M. A...a dans ses anciennes fonctions toléré l'occupation sans titre ni paiement d'une place de port par l'agent régisseur au bureau du port, à tout le moins pendant plusieurs semaines, au printemps 2014.
9. Le rapport rédigé le 22 juillet 2015 par le responsable des services techniques du port détaille de nombreux dysfonctionnements qui affectaient la gestion du port, relativement à la sous-exploitation de la zone technique et de la grue du port, en l'absence des réparations et des investissements nécessaires, à l'inadaptation de la cale de carénage, au manque de communication avec les usagers en ce qui concerne la collecte des déchets, à l'absence de renouvellement des permis de navigation des navires de servitude, à la sous-capacité des installations électriques, au caractère vétuste du poste de livraison de carburant. Il ne résulte pas des pièces du dossier que M. A...aurait, à l'époque où il dirigeait le service, tenté de remédier à ces problèmes ou alerté ses supérieurs hiérarchiques.
10. L'étendue de ces manquements a été confirmée en dernier lieu par un rapport de la chambre régionale des comptes de Bretagne portant sur gestion du port des Bas Sablons durant la période 2012/2017. Il en résulte qu'au jour du changement d'affectation de M. A...le mauvais fonctionnement des installations était préjudiciable au service rendu aux plaisanciers ainsi qu'aux finances de la commune et était susceptible, s'agissant de la sécurité aux abords de la zone technique, de mettre en jeu la responsabilité de la commune.
11. Compte-tenu de l'ensemble de ces dysfonctionnements dans la gestion du port de plaisance, la commune de Saint-Malo était fondée à changer le titulaire du poste de directeur de ce port, afin de favoriser un renouvellement des pratiques. La commune de Saint-Malo est dès lors fondée, au vu des pièces qu'elle produit devant la cour, à soutenir que, contrairement au motif d'annulation retenu par le tribunal administratif, la décision en litige doit être regardée comme se rattachant à l'intérêt du service.
12. Il y a lieu toutefois pour la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...
13. En premier lieu la mutation dans l'intérêt du service constitue une sanction déguisée dès lors qu'il est établi que l'auteur de l'acte a eu l'intention de sanctionner l'agent et que la décision a porté atteinte à la situation professionnelle de ce dernier.
14. D'une part il résulte de ce qui précède que cette décision était motivée par les nécessités du service. D'autre part les fonctions de chargé de la gestion des énergies auxquelles a été affecté M.A..., qui ne résultent d'ailleurs pas de la décision en litige, correspondent à celles que son cadre d'emploi lui donne vocation à exercer et non pas d'incidence sur la rémunération de l'intéressé. Par suite, et alors même que cette mutation a entrainé une diminution de ses responsabilités, M. A...n'est pas fondé à y voir une sanction déguisée, infligée sans que les règles applicables au contentieux disciplinaire, qu'il s'agisse de la consultation préalable de son dossier ou du respect d'une procédure contradictoire préalable, n'aient été respectées.
15. En second lieu les circonstances que le requérant n'ait pas disposé de la formation adaptée à ses nouvelles fonctions ou que la commune n'ait pas dans un premier temps établi de fiche de poste relative à ces nouvelles fonctions sont sans lien avec la décision du 24 octobre 2014, par laquelle le maire de Saint-Malo s'est limité à muter M. A...de la direction des Sports à celle du Patrimoine.
16. Il résulte de qui précède que la commune de Saint-Malo est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du maire du 24 octobre 2014.
Sur les conclusions indemnitaires présentées par M. A...:
17. D'une part il résulte ce qui vient d'être dit que M. A...n'est pas fondé à se prévaloir d'une faute de la commune à raison de son changement d'affectation
18. D'autre part le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence dont se plaint M. A...sont, le cas échéant, consécutifs à la carence de la commune à favoriser son adaptation à ses nouvelles fonctions. Par suite ces chefs de préjudice sont sans lien avec la décision en litige, par laquelle le maire s'est borné à l'affecter à la direction du Patrimoine.
19. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions indemnitaires.
Sur les frais liés au litige :
20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Malo, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande M. A...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
21. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...le versement à la commune de Saint-Malo d'une somme au même titre.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 24 mai 2017 est annulé en tant que, par son article 1er, il a annulé la décision du 24 octobre 2014 par laquelle le maire de Saint-Malo a affecté M. A...à la direction du patrimoine de la commune à compter du 3 novembre 2014
Article 2 : La demande de première instance de M. A...ainsi que ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Malo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et à la commune de Saint-Malo.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- M. Pons, conseiller.
Lu en audience publique, le 28 janvier 2019.
Le président-rapporteur,
J. FRANCFORTL'assesseur le plus ancien,
V. GELARD
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 17NT02142, 17NT02230