Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G...A...et la SCP PhilippeB..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de M.A..., ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à leur verser la somme de 1 087 718 euros à titre d'indemnisation des préjudices résultant de l'illégalité fautive de l'arrêté du 9 mars 2009 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a prononcé la fermeture administrative de la discothèque " Le moulin " pendant une durée de 45 jours.
Par un jugement n° 1508298 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 avril 2018, et un mémoire, enregistré le 19 novembre 2018, M. A...et la SCP PhilippeB..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de M. A..., représentés par Me F..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 octobre 2017 ;
2°) de condamner l'Etat à verser à M. A...une indemnité de 1 087 718 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité fautive de l'arrêté préfectoral du 9 mars 2009 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en première instance, et de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés dans le cadre de la requête d'appel.
M. A...et la SCP Philippe B...soutiennent que :
sur la régularité du jugement :
- le jugement est insuffisamment motivé en tant qu'il ne répond pas à l'ensemble des arguments invoqués par M.A... et au moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée au pénal qui s'attache au jugement du 24 avril 2012, devenu définitif, du tribunal correctionnel de Saint-Nazaire relaxant M. A...de l'infraction de vente ou d'offre de boissons alcoolisées à un mineur de 16 ans ;
sur le bien-fondé du jugement :
- la demande de première instance était parfaitement recevable, au regard des délais de recours et sans qu'y fasse obstacle l'exception de déchéance quadriennale opposée par la commune de Plessé ;
- en édictant l'arrêté 9 mars 2009 en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du 24 avril 2012 du tribunal correctionnel de Saint-Nazaire, sur le fondement de faits matériellement inexacts et au prix d'une erreur manifeste d'appréciation, le préfet de la Loire-Atlantique a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
- M. A...justifie de préjudices résultant directement de l'arrêté du 9 mars 2009, tirés de la perte de son fonds de commerce placé en redressement puis en liquidation judiciaire, de la perte d'investissements, de la perte des véhicules acquis dans le cadre de son activité, de la perte d'un bien immobilier en indivision, de la perte de valeur de l'établissement qu'il exploitait, de frais d'emprunt et de sommes qu'il a dû acquitter en qualité de caution, de perte de salaires depuis février 2010, et du préjudice moral subi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2018, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Le préfet soutient que :
- la requête est irrecevable, dès lors que le contentieux n'a pas été lié par une réclamation préalable formulée par la SCP PhilippeB..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de M. A... ;
- la créance est frappée par la prescription quadriennale ;
- aucun des moyens soulevés par M. A...n'est fondé.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Besse, rapporteur ;
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de Me C...pour M. A...et la SCP PhilippeB..., et de Mme D... représentant le préfet de la Loire-Atlantique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 9 mars 2009, le préfet de la Loire-Atlantique a prononcé la fermeture administrative pendant une durée de 45 jours de la discothèque dénommée " Le Moulin ", exploitée par M. A... sur le territoire de la commune de Plessé. Cet arrêté est intervenu à la suite d'un accident de la route survenu dans la nuit du samedi 21 au dimanche 22 février 2009, impliquant le véhicule navette de la discothèque qui est entré en collision avec deux jeunes mineurs circulant à scooter et qui sont décédés. Le 10 février 2010, le tribunal de commerce de Saint-Nazaire a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de M. A...et désigné Me E...B..., mandataire judiciaire, en qualité de liquidateur judiciaire. Par un jugement du 24 avril 2012, le tribunal correctionnel de Saint-Nazaire a relaxé M. A...des faits de vente ou d'offre de boisson alcoolique à un mineur de 16 ans les 21 et 22 février 2009 pour lesquels il était poursuivi. Par un jugement du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande présentée conjointement par M. A...et la SCP PhilippeB..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de M. A..., tendant à la condamnation de l'Etat à verser à M. A...la somme de 1 087 718 euros à titre d'indemnisation des préjudices résultant pour lui de l'arrêté du 9 mars 2009. M. A...et la SCP Philippe B...relèvent appel de ce jugement du 5 octobre 2017 et demandent la condamnation de l'Etat à verser à M. A... une indemnité de 1 087 718 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. A...et la SCP Philippe B...ne sauraient utilement soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité faute pour les premiers juges d'avoir répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée qui s'attacherait au jugement du 24 avril 2012 du tribunal correctionnel de Saint-Nazaire prononçant la relaxe de M.A..., dès lors qu'il ne ressort pas de leurs écrits de première instance qu'ils ont soulevé ce moyen de la manière dont il est ainsi présenté devant la cour. Au demeurant, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a retenu que les motifs retenus par le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire pour prononcer la relaxe ne sont ni contradictoires ni de nature à remettre en cause l'exactitude matérielle des faits sur lesquels le préfet a pu légalement se fonder, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, pour prononcer la fermeture administrative de l'établissement. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Sur la responsabilité de l'Etat :
3. Aux termes de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, dans sa version alors applicable : " 1. La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas six mois, à la suite d'infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements. (...) 2. En cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publique, la fermeture peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas deux mois. (...). ". Par ailleurs, l'article L. 3342-1 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose : " Dans les débits de boissons et tous commerces ou lieux publics, il est interdit de vendre ou d'offrir à titre gratuit à des mineurs de moins de seize ans des boissons alcooliques à consommer sur place ou à emporter ". Enfin, aux termes de l'article L. 3342-3 de ce code : " Il est interdit de recevoir dans les débits de boissons des mineurs de moins de seize ans qui ne sont pas accompagnés de leur père, mère, tuteur ou toute autre personne de plus de dix-huit ans en ayant la charge ou la surveillance. (...) ".
4. En premier lieu, si les faits constatés par le juge pénal saisi de poursuites pour infraction, et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée, s'imposent à l'administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tiré de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient dans ce cas à l'autorité administrative d'apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'édiction d'une mesure administrative.
5. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le jugement du 24 avril 2012 par lequel le tribunal correctionnel de Saint-Nazaire a prononcé la relaxe de M. A...des faits de vente ou d'offre de boisson alcoolique à un mineur de 16 ans les 21 et 22 février 2009 ne revêt pas, s'agissant tant de la matérialité des faits en cause que de leur qualification juridique, l'autorité de chose jugée. Au demeurant, il résulte de l'instruction que le préfet, dont l'arrêté du 9 mars 2009 vise les dispositions précitées du code de la santé publique, ne s'est pas fondé, pour prononcer la fermeture administrative de la discothèque " Le Moulin " pour une durée de quarante-cinq jours, sur les faits pour lesquels M. A...a été poursuivi puis relaxé, mais d'une part, sur les atteintes graves à l'ordre public, à la santé et à la tranquillité publiques caractérisées par la constatation que deux mineurs âgés de moins de seize ans avaient été admis à l'intérieur de la discothèque dans la soirée du 21 au 22 février 2009 sans être accompagnés d'une personne de plus de dix-huit ans et avaient pu consommer de la bière, en méconnaissance des dispositions des articles L. 3342-1 et L. 3342-3 du code de la santé publique, et d'autre part, sur le caractère réitéré de tels manquements déjà constatés en octobre 2007. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que l'arrêté préfectoral litigieux méconnaîtrait l'autorité de la chose jugée au pénal doit être écarté.
6. En second lieu, et pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 5, en se bornant à se prévaloir du jugement de relaxe de M.A..., les requérants ne démontrent pas que l'arrêté préfectoral du 9 mars 2009 serait fondé sur des faits matériellement inexacts ni qu'il procèderait, compte tenu de la nature et de la gravité des faits sur lesquels il est fondé, d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. Il résulte de ce qui précède qu'en prononçant la fermeture administrative de la discothèque " Le Moulin " pour une durée de quarante-cinq jours, le préfet de la Loire-Atlantique n'a commis aucune faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir opposée à la demande de première instance ni de statuer sur l'exception de prescription de la créance opposée par le préfet, M. A... et la SCP Philippe B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à verser à M. A...une indemnité de 1 087 718 euros.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent M. A...et la SCP Philippe B...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...et de la SCP Philippe B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...A..., à la SCP Philippe B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 janvier 2019.
Le rapporteur,
P. BesseLe président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01476