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11/01/2019 | FRANCE | N°18NT02586

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 11 janvier 2019, 18NT02586


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...F...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 20 février 2018 du préfet du Finistère portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant son pays de renvoi.

Par un jugement n° 1801054 du 8 juin 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 juillet et 4 décembre 2018, Mme G...C...et M. A...F..

., en leur qualité de tuteurs de Mme D...F..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...F...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 20 février 2018 du préfet du Finistère portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant son pays de renvoi.

Par un jugement n° 1801054 du 8 juin 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 juillet et 4 décembre 2018, Mme G...C...et M. A...F..., en leur qualité de tuteurs de Mme D...F..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 8 juin 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 février 2018 du préfet du Finistère ;

3°) d'enjoindre à l'administration de procéder au réexamen de la situation de Mme D...F... ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'avis rendus par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a pas été communiqué, pas plus que ses fondements scientifiques, ce qui constitue une méconnaissance du droit à un procès équitable protégé par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision litigieuse méconnaît les articles L. 1110-1 et suivants du code de la santé publique ;

- cette décision méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car elle ne tient pas compte des possibilités réelles d'accès au soin dans la région du Kosovo où réside l'intéressée, ni de l'impact qu'aurait sur sa santé une mesure d'éloignement qui l'isolerait alors qu'elle ne peut pas se prendre en charge ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car ses enfants, qui assurent sa tutelle, résident régulièrement en France ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car elle ne pourra pas bénéficier de soins suffisant dans son pays d'origine.

Par un mémoire enregistré le 24 juillet 2018 le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme F...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Le Bris a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeF..., ressortissante serbe née en 1941, est entrée en France le 13 novembre 2016 avec sa fille née en 1970 et atteinte de handicap pour rejoindre ses deux autres enfants qui séjournent régulièrement sur le territoire. Elle a déposé le 21 mars 2017 une demande de titre de séjour fondée sur son état de santé. Par un avis du 23 novembre 2017, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que le défaut de prise en charge médicale pouvait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et qu'elle pouvait voyager sans risque. Mme F..., représentée par deux de ses enfants devenus ses tuteurs légaux, Mme C...et M.F..., relève appel du jugement du 8 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 février 2018 du préfet du Finistère qui a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination.

2. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que si Mme F...est entrée récemment sur le territoire français, elle y a rejoint son fils, qui a acquis la nationalité française et sa fille, qui y séjourne régulièrement, accompagnée de son autre fille née en 1970 qui est atteinte de handicap et qui, elle-même, a obtenu au titre de son état de santé un titre de séjour dont elle avait demandé le renouvellement à la date de la décision contestée. Il ressort d'une attestation du centre communal d'action sociale de la commune de Penmarc'h que Mme F...s'occupe au quotidien de sa fille handicapée, qui est hébergée avec elle chez MmeC.... Enfin, rien ne permet d'établir que l'intéressée, qui était âgée de 76 ans à la date de la décision contestée, qui souffre d'une pathologie cardiaque et dont l'état de dépendance a justifié un placement sous la tutelle de deux de ses enfants, conserverait dans son pays d'origine des liens privés ou familiaux susceptibles de la préserver d'une situation d'isolement, alors qu'il n'est pas contesté qu'elle y serait séparée de tous ses enfants et petits enfants, et notamment de sa fille handicapée avec laquelle elle a toujours vécu. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, les requérants sont fondés à soutenir qu'en prenant l'arrêté contesté le préfet du Finistère a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, la décision portant refus de titre de séjour doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, celles portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme G...C...et M. A...F..., tuteurs légaux de MmeF..., sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. L'exécution du présent arrêt implique, ainsi que le demandent les requérants, qu'il soit enjoint au préfet du Finistère de statuer à nouveau sur la situation de Mme F...dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

Sur les frais de l'instance :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Mme G...C...et M. A...F..., tuteurs légaux de MmeF..., de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1 : Le jugement n° 1801054 du tribunal administratif de Rennes du 8 juin 2018 et l'arrêté du préfet du Finistère du 20 février 2018 pris à l'encontre de Mme F...sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Finistère de statuer à nouveau sur la situation de Mme F... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme G...C...et M. A...F..., tuteurs légaux de Mme F..., la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...C...et M. A...F..., tuteurs légaux de Mme D...F..., et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera transmise au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 20 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 janvier 2019

Le rapporteur,

I. Le BrisLe président,

I. Perrot Le greffier,

M. E...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°18NT02586


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02586
Date de la décision : 11/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Isabelle LE BRIS
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : GARET

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-01-11;18nt02586 ?
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