Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 décembre 2017 et le 31 juillet 2018, la communauté d'agglomération Chartres Métropole, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2017 par lequel le maire de la commune de Luisant a délivré à la SNC Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Luisant une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Chartres Métropole soutient que :
- l'autorisation d'exploitation commerciale a été délivrée en méconnaissance des orientations n° 2 et 4 du DAC du schéma de cohérence territoriale relatives au développement du " grand commerce ", en ce que le magasin Lidl ne serait pas situé dans une localisation préférentielle définies par le DAC et que ce nouvel équipement commercial méconnaîtrait les principes de développement des commerces situés en dehors de ces localisations préférentielles ;
- l'autorisation d'exploitation commerciale méconnaît l'objectif d'équilibre et de complémentarité entre pôles commerciaux du DAC ;
- l'autorisation d'exploitation commerciale ne respecte pas le DOG du schéma de cohérence territoriale en ce qui concerne la cohérence à assurer entre urbanisation et déplacements, en ce que les nouveaux déplacements générés n'ont pas été intégrés et ne permettent pas d'en assurer la maîtrise ;
- le permis de construire a été délivré par une autorité incompétente ;
- le permis de construire a été délivré au terme d'une procédure irrégulière en l'absence de réalisation d'une évaluation environnementale ;
- l'autorité environnementale ne disposait pas d'éléments suffisants lui permettant valablement de conclure à une absence d'impact environnemental significatif ;
- le dossier de demande de permis de construire comporte des erreurs et des contradictions faisant obstacle à une instruction correcte, en ce qu'il ne précise pas suffisamment que les travaux devront être précédés d'une démolition ;
- le permis de construire méconnaît les dispositions de l'article 2 Uru du règlement du plan local d'urbanisme communal, en ce que le projet litigieux n'est pas compatible avec l'orientation d'aménagement et de programmation du secteur de renouvellement urbain ;
- le permis de construire méconnaît les dispositions de l'article 12 Uru du règlement du plan local d'urbanisme communal, en ce que le projet litigieux ne prévoit pas de places de stationnement en sous-sol ;
- elle est doublement recevable à agir dès lors qu'elle est membre de la commission départementale d'aménagement commercial et que le projet litigieux a des incidents sur les intérêts dont elle a la charge, dès lors qu'elle détient la compétence " schéma de cohérence territoriale " ;
Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 mars et le 6 août 2018, la commune de Luisant, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Chartres Métropole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune fait valoir que Chartres Métropole ne dispose pas d'un intérêt à agir lui permettant de contester l'autorisation de construire litigieuse et qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par la requérante n'est fondé.
Par des mémoires en défense enregistrés le 19 juillet 2018 et le 22 août 2018, la SNC Lidl, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de Chartres Métropole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SNC Lidl fait valoir que Chartres Métropole n'est pas recevable à agir contre le permis de construire litigieux, que Chartres Métropole n'est pas davantage recevable à contester la légalité de l'autorisation de construire litigieuse en ce qu'elle méconnaîtrait les orientations du schéma de cohérence territoriale, dont elle n'a pas la garde des intérêts, que Chartres Métropole ne précise en rien quels intérêts urbanistiques propres elle défendrait en l'espèce, et qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par la requérante tant à l'encontre du permis en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale qu'à l'encontre de l'autorisation de construire n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code du commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mony,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., substituant MeB..., représentant Chartres Métropole, de MeC..., représentant la commune de Luisant et de MeA..., représentant la société Lidl.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Luisant (Eure et Loir) a, par un arrêté de son maire du 20 octobre 2017 délivré à la SNC Lidl, après avis favorable de la commission nationale d'aménagement commercial du 19 octobre, un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de l'implantation d'un magasin de détail d'une surface de plancher de 2 581,15 m² assorti d'un parking de 155 places situés au 5 de la rue du maréchal Leclerc. La communauté d'agglomération Chartres Métropole conteste la légalité de cette décision.
Sur les conclusions en annulation du permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale
2. En vertu de l'article L. 752-6 du code de commerce, l'autorisation d'exploitation commerciale doit être compatible avec le document d'orientations générales (DOG) des schémas de cohérence territoriale (SCOT), devenu aujourd'hui le document d'orientation et d'objectifs (DOO). En matière d'aménagement commercial, s'il n'appartient pas aux schémas de cohérence territoriale, sous réserve des dispositions applicables aux zones d'aménagement commercial, d'interdire par des dispositions impératives certaines opérations de création ou d'extension relevant des qualifications et procédures prévues au titre V du livre VII du code de commerce, ces schémas peuvent fixer des orientations générales et des objectifs d'implantations préférentielles des activités commerciales définis en considération des exigences d'aménagement du territoire, de protection de l'environnement ou de qualité de l'urbanisme. Si de tels objectifs peuvent être pour partie exprimés sous forme quantitative, il appartient aux commissions d'aménagement commercial non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent.
3. En l'espèce, l'orientation n° 2 du document d'aménagement commercial (DAC) du schéma de cohérence territoriale de l'agglomération chartraine n'identifie pas sur le territoire de la commune de Luisant de " localisation préférentielle " du " Grand commerce ", lequel, selon la définition qu'en donne ce document, est constitué par des magasins d'une surface de vente supérieure à 500 m². Cette circonstance ne révèle pas une incompatibilité du projet litigieux avec cette orientation, laquelle prévoit par ailleurs la possibilité d'implanter et de développer ce type de commerces en dehors de ces " localisations préférentielles ", dans le cas de secteurs constitués d'un tissu urbain dense ayant une fonction mixte. Tel est précisément le cas du quartier d'implantation du projet litigieux, situé entre les rues du maréchal Leclerc et la rue Gutenberg, ce quartier étant destiné à faire l'objet d'une opération de renouvellement urbain, sans qu'il soit pour autant nécessaire que ce dernier comporte nécessairement un aspect de développement commercial, l'orientation n° 2 permettant également une localisation hors zone préférentielle en un tel cas.
4. De même, si l'orientation n° 4 du DAC limite à 50 % de la surface de vente existante avec un maximum de 500 m² supplémentaires pour les commerces dont la surface initiale était comprise entre 500 et 1 000 m², les possibilités d'extension des commerces supérieurs à 500 m² de surface de vente situées en dehors des localisations préférentielles, la circonstance que le projet litigieux ne respecte pas une telle contrainte, sa surface de vente passant de 672 m² à 1 421 m², ne révèle pas davantage une incompatibilité avec les orientations relatives aux principes de développement des activités commerciales en dehors des localisations préférentielles, le projet litigieux atteignant une surface demeurant... ". Cet accroissement de la surface de vente n'apparaît pas ainsi incompatible avec l'objectif de préserver et de renforcer une fonction commerciale active au coeur du tissu urbain mixte qui figure également au DAC.
5. Par ailleurs, le projet litigieux prend la forme d'un déplacement d'un magasin existant de " hard discount " au sein de son quartier d'implantation avec agrandissement de sa surface de vente. Ce déménagement accompagné d'une extension ne saurait, à lui seul, se traduire par un renversement des polarités commerciales existantes à l'échelle de l'agglomération chartraise, la commune de Luisant demeurant,.dans la limite haute de 1 500 m² apparaissant dans le tableau illustrant cette orientation n° 4, et celle-ci indiquant par ailleurs que les plafonds indiqués sont exprimés " en termes d'objectifs et de non-dépassement La circonstance que le DAC ait établi une hiérarchisation entre pôles commerciaux à l'échelle du territoire du schéma de cohérence territoriale et que la commune de Luisant ait été identifiée comme pôle secondaire ne saurait ainsi faire obstacle à la réalisation du projet litigieux dès lors que celui-ci ne remet pas en cause l'objectif d'équilibre et de complémentarité entre pôles retenu par le schéma de cohérence territoriale.
6. Si Chartres Métropole soutient, en dernier lieu, que le projet litigieux n'est pas compatible avec les orientations figurant au DOG du schéma de cohérence territoriale visant à assurer une cohérence entre déplacements et urbanisation, il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux, comme déjà indiqué, n'est pas de nature, par ses dimensions limitées, à bouleverser les différents équilibres existant à l'échelle communautaire en matière de déplacements urbains. Le projet litigieux, dont la zone de chalandise sera principalement constituée par les quartiers situés dans sa périphérie, est au surplus desservi par une ligne de transport en commun, une autre ligne étant également accessible à quelques centaines de mètres. Aucun accroissement substantiel du trafic n'est attendu, l'espace de stationnement prévu, qui comprend 155 places, comporte une zone dédiée au covoiturage et des espaces de stationnement pour les vélos. Les accès au magasin se feront via une voirie déjà existante, comportant des voies réservées aux piétons et aux cyclistes. Le risque allégué par Chartres Métropole de ne pas pouvoir maîtriser les nouveaux déplacements induits par le projet n'apparait ainsi pas de nature à bouleverser les équilibres existants en matière de déplacements entre les différentes entités urbaines de l'agglomération.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'intérêt à agir de Chartres Métropole, que les conclusions en annulation dirigées par cette dernière contre le permis de construire litigieux en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions en annulation de l'autorisation de construire
8. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du même code : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".
9. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.
10. Pour justifier de son intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté litigieux en tant qu'autorisation de construire, Chartres Métropole se prévaut de l'incidence du projet litigieux sur les intérêts supra-communaux dont elle a la charge en tant qu'établissement public de coopération intercommunale en charge de l'aménagement de l'espace communautaire et du schéma de cohérence territoriale couvrant l'agglomération chartraise, à laquelle appartient la commune de Luisant.
11. Toutefois, ses allégations selon lesquelles, d'une part, le transfert du magasin aurait un impact négatif sur la maîtrise des déplacements urbains au sein de l'agglomération, et d'autre part, l'artificialisation des sols induite par le projet serait de nature à contrarier l'objectif de préservation des eaux pluviales, ne sont assorties d'aucun élément précis de nature à permettre d'apprécier concrètement la réalité et l'étendue des menaces ainsi alléguées pesant sur les orientations de ce schéma de cohérence territoriale, ni, par suite, la réalité même des atteintes aux intérêts " urbanistiques " dont Chartres Métropole se prévaut. A défaut de caractériser les atteintes portées aux intérêts dont elle a la charge par le permis de construire délivré par la commune de Luisant, Chartres Métropole ne peut ainsi être regardée comme disposant d'un intérêt à contester cette décision. Ses conclusions en annulation du permis de construire doivent, par suite, être rejetées comme irrecevables.
12. Il résulte de ce qui précède que les conclusions en annulation présentées par Chartres Métropole ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Luisant la société SNC Lidl qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance verse à Chartres Métropole la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle non compris dans les dépens. Il y a en revanche lieu, au même titre, de mettre à la charge de Chartres métropole une somme de 1 500 euros tant au profit de la commune de Luisant que de la SNC Lidl.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Chartres Métropole est rejetée.
Article 2 : Chartres Métropole versera à la commune de Luisant et à la SNC Lidl, chacune, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Chartres Métropole, à la commune de Luisant, à la SNC Lidl et à la commission nationale d'aménagement commercial.
Délibéré après l'audience du 21 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller,
Lu en audience publique le 11 janvier 2019.
Le rapporteur,
A. MONY
Le président,
J-P. DUSSUET Le greffier,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et au ministre de la cohésion des territoires en ce qui les concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées,
de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03849