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11/01/2019 | FRANCE | N°17NT03418

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 11 janvier 2019, 17NT03418


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes, M. A...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler d'une part la décision par laquelle le ministre a implicitement rejeté son recours administratif préalable obligatoire contre la décision du 26 février 2015 du préfet du Nord rejetant sa demande de naturalisation, ainsi que cette décision préfectorale et d'annuler d'autre part la décision du 11 décembre 2015 par laquelle le ministre a rejeté sa demande de naturalisation.

Par un jugement n°s 1508921, 1602416 du

15 septembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a déclaré qu'il n'y avait ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes, M. A...E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler d'une part la décision par laquelle le ministre a implicitement rejeté son recours administratif préalable obligatoire contre la décision du 26 février 2015 du préfet du Nord rejetant sa demande de naturalisation, ainsi que cette décision préfectorale et d'annuler d'autre part la décision du 11 décembre 2015 par laquelle le ministre a rejeté sa demande de naturalisation.

Par un jugement n°s 1508921, 1602416 du 15 septembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a déclaré qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n°1508921, dirigée contre la décision implicite de rejet et a rejeté la requête n° 162416, dirigée contre la décision du 11 décembre 2015.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 novembre 2017, M.E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 15 septembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur notifiée le 23 janvier 2016 et la décision du préfet du Nord du 26 février 2015 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande de naturalisation et de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors que le principe du contradictoire a été méconnu ;

- la décision du ministre de l'intérieur est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il n'est pas proche du gouvernement iranien.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 décembre 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- les conclusions de M. Sacher,

- et les observations du représentant du ministre de l'intérieur.

Considérant ce qui suit :

1. M.E..., ressortissant iranien né le 26 juillet 1980, a sollicité l'acquisition de la nationalité française. Par une décision du 26 février 2015, le préfet du Nord a rejeté cette demande. Saisi du recours préalable obligatoire prescrit par le décret du 30 décembre 1993, le ministre de l'intérieur a implicitement rejeté la demande puis, par une décision expresse du 11 décembre 2015 qui s'est substituée à cette décision implicite, a rejeté la demande de l'intéressé au motif que certains éléments de son dossier étaient de nature à mettre en doute son loyalisme envers la France. M. E...a contesté ces décisions. Par un jugement du 15 septembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a déclaré qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision implicite de rejet et a rejeté la requête dirigée contre la décision du 11 décembre 2015. M. E...fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. (...) ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que le ministre a reproduit, dans son mémoire en défense enregistré le 25 février 2016 au greffe du tribunal administratif de Nantes, des extraits de la note du 17 novembre 2015 de la direction générale de la sécurité intérieure sur laquelle il s'est fondé pour prendre la décision contestée. Si le requérant soutient que ces éléments étaient insuffisants pour qu'il puisse utilement les contester, cet argument est sans portée utile sur le respect du principe du contradictoire par le tribunal. En effet, il est constant que les premiers juges ne se sont fondés, pour rendre leur jugement, que sur des éléments communiqués dans le cadre de la procédure contradictoire. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait été porté atteinte au principe du contradictoire rappelé par les dispositions précitées de l'article L. 5 du code de justice administrative doit être écarté.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient au postulant, s'il le juge opportun, de formuler une nouvelle demande. ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ainsi que les renseignements de tous ordres recueillis sur son loyalisme.

4. Pour rejeter la demande de naturalisation de M.E..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur la circonstance que son loyalisme envers la France n'était pas établi.

5. Il résulte de la note précitée du 17 novembre 2015 de la direction générale de la sécurité intérieure, dont les termes, dans les extraits produits, étaient suffisamment précis, que l'intéressé a été en contacts permanents et réguliers avec des étudiants iraniens proches de l'appareil étatique iranien, qu'il a accueilli à son domicile un étudiant notoirement connu au sein de la diaspora iranienne pour ses relations avec les services de renseignements iraniens chargés de la surveillance de l'opposition en exil, qu'il a reconnu avoir appartenu lorsqu'il était étudiant au mouvement des Bassidj, milice iranienne agissant pour le régime en place et enfin que l'environnement familial dans lequel il évolue confirme ses liens avec le régime iranien dès lors que son père travaille en qualité de technicien pour le ministère de la défense et que sa soeur et son frère travaillent pour la mairie de Téhéran. M. E... reconnait avoir entretenu des liens avec M. B...C..., proche des services de renseignements iraniens. L'attestation d'un ami, du 4 mars 2016, indiquant qu'il lui a permis de dénoncer M. B...C...aux autorités de la sécurité de Lille ne suffit pas à écarter cet élément. En outre, le requérant ne conteste pas son apprtenance au mouvement des Bassidjs, devenus une branche des gardiens de la révolution islamique. A cet égard, il ne saurait se borner à soutenir que son adhésion à ce mouvement ne s'est faite que de manière passive, afin de pouvoir bénéficier d'horaires d'ouverture plus étendus dans une bibliothèque de Téhéran en vue de la préparation d'un examen d'entrée à l'université, pour établir que cet élément ne peut lui être opposé. Eu égard à l'ensemble de ces éléments et alors même que le responsable du bureau Afghanistan-Iran de Reporters sans frontières a attesté, dans un document qui se réfère lui-même à d'autres attestations non produites, que l'intéressé fait preuve d'un dévouement total en faveur des opposants au régime iranien, qu'un militant politique iranien produit une attestation indiquant que ces dernières années le requérant a apporté beaucoup d'aide aux iraniens ayant quitté l'Iran, qu'il a effectué ses études en France depuis 2005, que sa soeur réside en France, qu'il n'est pas retourné en Iran depuis 2010, qu'il s'est pacsé puis marié, le 1er août 2015, avec une ressortissante française avec laquelle il a eu une fille le 18 septembre 2016 et que son entretien d'assimilation faisait état d'observations positives sur son intégration sociale et son assimilation linguistique, le ministre a pu, sans erreur manifeste d'appréciation, rejeter sa demande.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Dussuet, président de chambre,

- M. Degommier, président assesseur,

- Mme Picquet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 11 janvier 2019.

Le rapporteur,

P. PICQUET

Le président,

J-P. DUSSUET

Le greffier,

C. POPSE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°17NT03418


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03418
Date de la décision : 11/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUSSUET
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : HERDEWYN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-01-11;17nt03418 ?
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