Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 10 octobre 2017 par lequel le préfet du Morbihan a ordonné sa remise aux autorités finlandaises ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il a été assigné à résidence.
Par un jugement n° 1704593-1704594 du 17 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 avril 2018, M. C... B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 octobre 2017 du préfet du Morbihan ordonnant sa remise aux autorités finlandaises ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dès la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de sa notification ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé, ce qui révèle un défaut d'examen de sa situation ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense et une lettre, enregistrés le 15 juin 2018 et le 11 juillet 2018, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête et indique, en réponse à une demande de la cour, que le délai d'exécution de la décision de réadmission en Finlande est prorogé jusqu'au 17 avril 2019.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Francfort, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant afghan né le 9 avril 1991, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 1er mars 2017. Sa situation administrative a été examinée au centre d'examen de situation administrative de la préfecture de police de Paris le 26 avril 2017. La consultation du système d'information " Eurodac " a révélé que les empreintes digitales de M. B... avaient déjà été relevées par les autorités finlandaises le 12 décembre 2015 et par les autorités allemandes le 2 janvier 2017. Les autorités finlandaises, saisies le 3 mai 2017 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé sur le fondement du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ont fait connaître leur accord par une décision expresse le 4 mai 2017. Le 28 août 2017, M. B...a sollicité son admission provisoire au séjour auprès des services de la préfecture d'Ille-et-Vilaine. Le préfet du Morbihan, par la décision en litige, a ordonné la remise de M. B...aux autorités finlandaises. Saisi par M. B... d'une demande d'annulation de cette décision, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, l'arrêté du 10 octobre 2017 vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève et le protocole de New-York, le règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment son article L. 742-3. Il est ainsi suffisamment motivé en droit. Par ailleurs le préfet du Morbihan fait état de la situation personnelle de M.B..., notamment de son parcours, de son état de santé et précise qu'il n'établit pas être exposé à des risques d'atteinte au droit d'asile en cas de remise aux autorités finlandaises, et, qu'en l'absence de lien personnel ou familial en France, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant. Dans ces conditions, l'arrêté contesté est également suffisamment motivé en fait. Par suite, contrairement à ce que soutient M.B..., une telle motivation ne révèle pas un défaut d'examen particulier de sa situation.
3. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M.B..., qui comprend le dari, s'est vu remettre le 26 avril 2017 lors de l'examen de sa situation par la préfecture de police, ainsi qu'en atteste sa signature, les brochures " Je suis sous procédure Dublin " et " Les empreintes digitales Eurodac ", rédigées en langue farsi. Il lui a également été remis, lors du dépôt de sa demande d'asile, le 28 août 2017, la brochure " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne " et le guide du demandeur d'asile, rédigés en langue dari. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions figurant sur les formulaires qui ont été signés par M. B...à l'issue des deux entretiens individuels dont il a bénéficié, le 26 avril 2017 et le 28 août 2017, dans une langue comprise par l'intéressé, à savoir le farsi, que le requérant a pu présenter les éléments relatifs à sa situation personnelle pouvant avoir une influence sur la décision contestée. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision en cause méconnaîtrait les dispositions précitées du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
8. La faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Si M. B...soutient qu'il a sollicité une demande de protection internationale en Finlande qui lui a été refusée, qu'il encourt un risque de subir des traitements inhumains ou dégradants compte tenu de la violence qui règne dans son pays d'origine, ces circonstances, à les supposer avérées, sont sans incidence sur la légalité de la décision de réadmission contestée, laquelle n'implique, par elle-même, aucun éloignement du requérant vers son pays d'origine. Le requérant ne fait valoir aucune autre circonstance particulière pour justifier que sa demande d'asile soit examinée par la France. Dès lors, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013.
9. En cinquième et dernier lieu, si M. B... fait valoir que le préfet aurait méconnu les termes de la circulaire du ministre de l'intérieur en date du 1er avril 2011, ce moyen est inopérant dès lors que cette circulaire est dépourvue de tout caractère réglementaire.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B...demande au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise pour information au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 janvier 2019.
Le président-rapporteur,
J. FRANCFORTL'assesseur le plus ancien,
V. GELARD
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01357