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10/01/2019 | FRANCE | N°17NT03332

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 10 janvier 2019, 17NT03332


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 10 décembre 2014 autorisant son licenciement, ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1503535 du 8 septembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistré

e le 7 novembre 2017, MmeA..., représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...A...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 10 décembre 2014 autorisant son licenciement, ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1503535 du 8 septembre 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 novembre 2017, MmeA..., représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 8 septembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 10 décembre 2014 autorisant son licenciement, ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté son recours hiérarchique.

3°) de condamner la SARL Thalasso.com à lui verser la somme de 1 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement du tribunal est insuffisamment motivé en ce qu'il n'expose pas les éléments lui permettant d'affirmer qu'il n'existe pas de lien entre le mandat et le licenciement ;

- l'inspecteur du travail a retenu des preuves obtenues de manière illicite ;

- l'enquête préalable n'a pas été objective ;

- les faits relevant d'une insuffisance professionnelle ne peuvent constituer une faute ;

- elle n'a pas commis les erreurs que son employeur lui reproche et le certificat de travail émanant du groupe Lucien Barrière qu'elle a fourni lors de son embauche n'est pas un faux ;

- son licenciement est en lien avec son mandat de conseillère prud'homale ;

- elle a été victime de harcèlement moral ;

- elle a réellement exercé, au sein de l'entreprise PM Turismo, les fonctions qu'elle a mentionnées dans son curriculum vitae (CV).

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 E...2018, la société Thalasso.com conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de Mme A...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés et se rapporte à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- les observations de MeB..., représentant la société Thalasso.com.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...a été embauchée par la société Thalasso.com à compter du 1er août 2013 par un contrat à durée indéterminée pour exercer les fonctions de directrice des ressources humaines. Au mois de décembre 2013, la requérante est devenue salariée protégée après avoir été élue au collège des employeurs du conseil des prud'hommes de Quimper le 11 décembre 2013. Le 18 novembre 2014, la société Thalasso.com a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de licencier Mme A...pour faute grave. Le 10 décembre 2014, l'inspecteur du travail de l'unité territoriale du Finistère de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne (DIRECCTE) a autorisé le licenciement de l'intéressée. Saisi d'un recours hiérarchique du 6 E...2015, le ministre chargé du travail a confirmé la décision de l'inspecteur du travail par une décision implicite de rejet. Par sa présente requête, Mme A...relève appel du jugement du 8 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 10 décembre 2014 autorisant son licenciement, ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre chargé du travail a rejeté son recours hiérarchique.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail : " En cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié ".

3. Le comportement fautif reproché à MmeA..., à l'origine de la demande de licenciement, porte sur la réalisation d'un faux certificat de travail et la communication à son employeur d'informations mensongères, relative à son CV et aux fonctions exercées précédemment dans l'entreprise de son conjoint.

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

4. En premier lieu, s'il n'est pas contesté que la société Thalasso.com a eu recours à un détective privé pour apprécier la réalité des informations fournies par Mme A...lors de son recrutement, il ressort des pièces du dossier que la preuve apportée par la société sur le caractère falsifié du certificat de travail produit par l'intéressée résulte d'un courriel de M.H..., directeur des ressources humaines du groupe Lucien Barrière, adressé le 25 novembre 2014 à M. I..., directeur général de la société Thalasso.com et d'une attestation de M. H..., qui constate, en l'étayant, que le certificat de travail fourni par Mme A...est un faux. Par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que l'inspecteur du travail aurait retenu, pour accorder l'autorisation de licenciement sollicitée, des preuves obtenues de manière illicite.

5. En second lieu, les allégations de la requérante selon lesquelles l'enquête administrative préalable n'aurait pas été conduite de manière objective ne repose sur aucun élément probant. La seule attestation du 21 janvier 2015 de MmeD..., déléguée du personnel au sein de la société Thalasso.com, indiquant que le 20 janvier 2015, une contrôleuse du travail l'aurait invitée, ainsi que les deux autres délégués du personnel présents, à ne pas établir d'attestations en faveur de MmeA..., n'est pas suffisante à cet égard, alors que cette entrevue a eu lieu postérieurement à la décision de l'inspecteur du travail et que la requérante ne soutient ni même n'allègue avoir été dans l'impossibilité de récupérer des témoignages à l'appui de son recours hiérarchique. En outre, cette attestation n'est pas confirmée par les deux autres collègues cités par Mme D...présents lors de la rencontre avec la contrôleuse du travail.

En ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur :

6. En premier lieu, les faits reprochés à Mme A...portent sur la réalisation d'un faux certificat de travail et la communication d'informations mensongères relative aux mentions de son CV et aux fonctions exercées précédemment dans l'entreprise de son conjoint. Si la décision de l'inspecteur du travail fait référence aux manquements professionnels de l'intéressée, constatés par son employeur, ces éléments ne fondent pas l'autorisation de licenciement sollicitée, ils éclairent seulement les raisons pour lesquelles la société Thalasso.com a été conduite à s'interroger sur la validité des informations et documents produits par Mme A...lors de son recrutement. Par suite, comme l'a relevé le tribunal, le moyen tiré de ce que le licenciement serait fondé sur une inaptitude professionnelle, qui ne serait pas établie, est inopérant.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'au moment de son recrutement le 31 juillet 2013, Mme A...a produit un certificat de travail émanant du groupe Lucien Barrière, mentionnant une expérience professionnelle du 15 décembre 2003 au 31 mars 2008 en tant que directrice des ressources humaines de la région Grand-Ouest. M.I..., a, pour sa part, produit un écrit de M. H..., directeur des ressources humaines du groupe Lucien Barrière, attestant avoir personnellement occupé la fonction de directeur des ressources humaines de la région Grand-Ouest du 15 décembre 2003 au mois de septembre 2006. Dans son attestation, M. H... relève que le certificat de travail fourni par Mme A...mentionne l'adresse du siège social du groupe Lucien Barrière à Paris alors que l'attestation est supposée avoir été rédigée par M.G..., directeur du Resort Lucien Barrière de la Baule et que la signature portée sur le certificat de travail n'est pas la signature originale de M. G.... MmeA..., qui ne conteste pas ne pas avoir été en mesure de produire l'original du certificat de travail en réponse à une mesure d'instruction du tribunal, ne produit aucun élément pour remettre en cause sérieusement les affirmations de M. H.... Par suite, l'inspecteur du travail n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que le certificat de travail produit par Mme A...au moment de son recrutement était un faux, la matérialité des faits reprochés étant ainsi établie.

8. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le licenciement de Mme A...soit en lien avec son mandat de conseillère prud'homale. Les allégations de la requérante selon lesquelles son employeur souhaitait se séparer d'une salariée devenue gênante en raison de l'exercice d'un mandat prud'hommal ou que ce dernier aurait souhaité la sanctionner faute d'intercession en faveur de la société dans le cadre de litiges opposant cette dernière à certains de ses salariés, ne reposent sur aucun élément probant. A cet égard, les affirmations de la requérante lors de son audition par l'inspection du travail ou l'attestation de M.C..., ancien directeur des ventes de la société Thalasso.com, seulement rédigée le 26 mai 2017 et faisant état de propos qu'aurait tenus M. I...lors d'une réunion du comité de direction de l'entreprise au cours du mois de juillet 2013, ne sont pas de nature à établir que le licenciement de MmeA..., qui est en rapport avec la faute qu'elle a commise, serait en lien avec son mandat de conseillère prud'homale.

9. En quatrième lieu, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le licenciement de Mme A...participerait d'un harcèlement moral dont elle aurait été victime. L'attestation de Mme D...produite pour établir l'existence de faits constitutifs de harcèlement moral se borne à relever qu'au mois de janvier 2014, Mme D...s'est rendu compte de l'état de stress de Mme A...en raison de la présence de M. I...dans son bureau et de sa crainte qu'il fouille dans ses affaires. Cette attestation fait état de ce qu'au mois de mai 2014, une altercation a eu lieu entre M. I...et Mme A...lors d'une réunion au cours de laquelle M. I...a demandé le licenciement d'un salarié et de ce qu'aucune communication n'était possible entre M. I...et MmeA.... Ces seuls éléments, s'ils peuvent révéler, à les supposer établis, une situation conflictuelle entre M. I...et MmeA..., ne sont pas suffisants pour faire présumer l'existence de faits constitutifs de harcèlement moral.

10. En cinquième et dernier lieu, eu égard aux fonctions exercées par MmeA..., la seule production d'un faux certificat de travail, indépendamment de son contenu, constitue une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement. Si Mme A...conteste le caractère mensonger, dans son CV, de la mention des fonctions qu'elle a exercées dans l'entreprise de son mari, il ressort des pièces du dossier, eu égard à la gravité de la faute commise par Mme A...consistant à avoir produit un faux certificat de travail pour être embauchée en qualité de directrice des ressources humaines, que l'inspecteur du travail et le ministre auraient pris la même décision s'ils n'avaient tenu compte que du caractère falsifié dudit certificat. Par suite, et en tout état de cause, le moyen selon lequel la requérante aurait réellement exercé, au sein de l'entreprise PM Turismo, les fonctions qu'elle a mentionnées dans son CV est sans incidence sur la légalité des décisions attaquées.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A...demande au titre des frais liés au litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...la somme de 1 500 euros, au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Mme A...versera à la société Thalasso.com la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme F...A..., à la société Thalasso.com et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président,

- Mme Gélard, premier conseiller,

- M. Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 janvier 2019.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

J. FRANCFORT

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°17NT03332


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03332
Date de la décision : 10/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : FEVRIER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2019-01-10;17nt03332 ?
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