Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Eiffage Construction Bretagne a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner, sur le fondement de la responsabilité pour faute, la société AIA Architectes à lui verser la somme de 139 687,31 euros en réparation du préjudice subi en raison du retard dans la remise des plans d'exécution des travaux de réalisation du lot n° 2 de mise en conformité du stade du Moustoir, cette somme étant assortie des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts.
Par un jugement n°1504562 du 19 octobre 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 décembre 2017 et le 8 août 2018, la société Eiffage Construction Bretagne, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de condamner la société AIA Architectes à lui verser la somme de 139 687,31 euros en réparation du préjudice subi en raison du retard dans la remise des plans d'exécution ;
3°) de dire et juger que cette somme sera assortie des intérêts légaux, capitalisés par anatocisme s'ils sont dus pour une année entière ;
4°) de condamner la société AIA Architectes en tous les dépens, en ce compris les frais d'expertise ;
5°) de mettre à la charge de la société AIA Architectes le versement à son profit d'une somme de 12 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a subi un préjudice résultant du retard de plus de quatre semaines dans les travaux de réalisation du lot n°2 du marché litigieux ;
- ces retards sont imputables au maître d'oeuvre qui a tardé à produire les plans d'exécution, cette faute étant de nature à engager sa responsabilité quasi-délictuelle ;
- le retard imputable au maître d'oeuvre est de quatre semaines et non de quinze jours comme l'a retenu de manière erronée l'expert judiciaire ;
- aucune pénalité de retard n'a été retenue à son encontre, le retard étant entièrement imputable au maître d'oeuvre ;
- le délai de réalisation des travaux lui incombant était de 8 mois dans le délai global d'exécution de dix mois pour l'ensemble des travaux de la phase 1, les autres corps d'état devant intervenir après la réalisation des fondations et des travaux de gros oeuvre et de structures métalliques ;
- il existait un délai d'exécution propre à chaque lot ;
- l'évaluation des préjudices qu'elle a subis par l'expert judiciaire dans son rapport définitif est erronée et contradictoire avec l'analyse de l'expert-comptable, sapiteur, annexée au pré-rapport d'expertise n°4.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2018, la société AIA Architectes, représentée par MeC..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que le montant de la condamnation n'excède pas
37 720,80 euros, à titre plus subsidiaire, à ce que les demandes indemnitaires dirigées contre elle ne puissent pas excéder la moitié du montant total des condamnations en principal, intérêts, frais et dépens, et enfin, à ce que la somme de 8 000 euros soit mise à la charge de la société Eiffage Construction Bretagne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société requérante, qui n'a émis aucune réserve à l'ordre de service du
6 décembre 2009 de prolongation du délai contractuel des travaux, est forclose dans ses demandes indemnitaires ;
- la société requérante a achevé les travaux relatifs au lot n° 2 le 15 octobre 2009, dans les délais contractuels prévus, sans aucun retard ;
- les délais prévus par l'acte d'engagement et le CCAP prévalent sur la note technique remise par la société requérante à l'appui de son offre ;
- les retards constatés dans la production des plans d'exécution sont directement imputables à la société requérante qui a proposé des variantes de la structure ;
- à titre subsidiaire, l'évaluation de l'expert judiciaire dans son rapport définitif devrait être prise en compte et la part de responsabilité de la société requérante retenue pour moitié du préjudice indemnisable ;
- les autres moyens soulevés par la société Eiffage Construction Bretagne ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 26 octobre 2018, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée avec effet immédiat.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Tiger-Winterhalter, présidente-assesseure ;
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public ;
- et les observations de Me D...représentant la société AIA Architectes.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Lorient a engagé des travaux en 2008 en vue de la mise en conformité du stade du Moustoir-Yves Allainmat pour son usage en Ligue 1 de football professionnel et de la construction d'une tribune sud. Par un acte d'engagement du 27 juin 2007, la maîtrise d'oeuvre de cette opération a été confiée à un groupement solidaire composé de plusieurs sociétés, dont la société AIA Atelier de la Rize, aux droits de laquelle vient la société AIA Architectes, qui en était le mandataire commun. La mission d'ordonnancement, pilotage et coordination des travaux (OPC) a été confiée à la société Ouest coordination. Par un acte d'engagement du 25 novembre 2008, les travaux relatifs au lot n°2 - Fondations spéciales, gros oeuvre, structure métallique en acier galvanisé - ont été attribués à un groupement solidaire constitué de la société Eiffage Construction Bretagne et de la société SMB Constructions métalliques, dont la société Eiffage Construction Bretagne était le mandataire, pour un montant global et forfaitaire de 5 405 920 euros toutes taxes comprises, hors variantes. Les travaux comportaient une première phase relative à l'exécution de tous les travaux, hormis l'aménagement des locaux intérieurs de la quatrième tribune et du second oeuvre des locaux administratifs, et une seconde phase relative à l'aménagement des locaux intérieurs de la quatrième tribune et du second oeuvre des locaux administratifs. Les travaux attribués à la société Eiffage Construction Bretagne et à la société SMB Constructions métalliques portaient sur la première phase. Ces travaux ont fait l'objet d'une réception partielle, le 18 décembre 2009 tandis que la seconde phase de travaux a été réceptionnée le 7 mai 2010. Le projet de décompte adressé par la société Eiffage Construction Bretagne au maître d'oeuvre et au maître d'ouvrage, le 22 juin 2010, comportait une réclamation d'un montant de 505 892,14 euros hors taxe, s'établissant en réalité à la somme de 566 190,70 euros hors taxe en raison d'une erreur de calcul. Le maire de Lorient a notifié un décompte d'un montant de 4 147 551,51 euros hors taxe à la société Eiffage Construction Bretagne, le 4 octobre 2010 et rejeté sa réclamation. La société Eiffage Construction Bretagne a alors refusé de signer ce décompte et maintenu sa réclamation, par des courriers du 16 novembre 2010 adressés au maître d'ouvrage et au maître d'oeuvre. M.A..., expert désigné par une ordonnance du 5 octobre 2012 du président du tribunal administratif de Rennes a remis son rapport le 10 juin 2014. La société Eiffage Construction Bretagne a alors saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison du retard dans l'exécution des travaux relatifs au lot n°2 du marché litigieux imputable, selon elle, au maître d'oeuvre. Cette demande présentée sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle ayant été rejetée par un jugement du 19 octobre 2017, la société Eiffage Construction Bretagne relève appel de ce jugement.
Sur l'existence d'un retard fautif de la maîtrise d'oeuvre :
2. Dans le cadre d'un contentieux tendant au règlement d'un marché relatif à des travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher, outre la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage, la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat de droit privé.
3. Il résulte, d'une part, de l'instruction, notamment de l'article 4 de l'acte d'engagement relatif au lot n°2 - Fondations spéciales, gros oeuvre, structure métallique en acier galvanisé - du 25 novembre 2008 et de l'article 4 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché que la durée prévisionnelle des travaux de la phase 1 était de " dix mois y compris congés payés et préparation de chantier " " à compter de la date d'effet de l'ordre de service de démarrage ". Il résulte certes, d'autre part, de l'instruction que dans le " calendrier prévisionnel de réalisation et courbe des effectifs " joint à la note technique remise avec l'offre de la société Eiffage Construction Bretagne, cette dernière a prévu un délai d'exécution de huit mois, avec un début des travaux de la première phase le 21 novembre 2008 et une fin des travaux afférents à cette phase le 21 juillet 2009. Toutefois, selon l'article 2 du CCAP " les pièces particulières du marché prévalent, en cas de contradictions ou de difficultés, dans l'ordre où elles sont énumérées ci-avant ", cet ordre étant le suivant " - un acte d'engagement signé et daté (...) / le Cahier des Clauses Administratives Particulières (CCAP), cahier ci-joint à accepter sans aucune modification et ses annexes : index de révision ; définition des plans d'exécution maîtrise d'oeuvre - atelier chantier / - Le Cahier des Clauses Techniques Particulières (CCTP), Prescriptions communes, cahier ci-joint à accepter sans aucune modification. / Note technique sur les modalités de mise en oeuvre des travaux, matériaux, délais telle que remise avec l'offre (...) ". Par conséquent, le délai global d'exécution défini par l'article 4 de l'acte d'engagement du lot n°2 et par l'article 4.1 du cahier des clauses administratives particulières du marché, soit dix mois à compter de la date d'effet de l'ordre de service de démarrage des travaux, prévalait sur le délai d'exécution de huit mois sur lequel le groupement attributaire du lot n°2 s'était engagé dans sa note technique et dont la requérante se prévaut.
4. Par ailleurs, l'ordre de service n° 1 du 12 janvier 2009, accepté par la requérante, prévoit un début des travaux de la première phase du lot n° 2 le 9 janvier 2009 et une fin des travaux le 6 novembre 2009, les congés payés et la phase de préparation du chantier étant compris dans ce délai. De plus, ce délai a été prolongé jusqu'au 18 décembre 2009 par un ordre de service du 2 décembre 2009, avec l'accord de la société Eiffage Construction Bretagne qui a signé ce document. Cette dernière mentionne elle-même, dans son mémoire en réclamation, un achèvement des travaux relatifs à la première phase des travaux du lot n°2 le 15 octobre 2009, soit à une date antérieure à la date d'achèvement des travaux prévus dans l'ordre de service du 2 décembre 2009 comme à celle résultant des stipulations précitées de l'acte d'engagement et du CCAP. Ainsi, en l'absence de tout dépassement du délai d'exécution de la première phase des travaux, la société Eiffage Construction Bretagne n'est pas fondée à soutenir qu'elle a subi un préjudice résultant du retard dans la réalisation des travaux.
5. Il résulte de ce qui précède que la société Eiffage Construction Bretagne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société AIA Architectes, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Eiffage Construction Bretagne au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Eiffage Construction Bretagne la somme de 1 500 euros à verser à la société AIA Architectes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Eiffage Construction Bretagne est rejetée.
Article 2 : La société Eiffage Construction Bretagne versera une somme de 1 500 euros à la société AIA Architectes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eiffage Construction Bretagne et à la société AIA Architectes.
Copie en sera adressée pour information à l'expert.
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente-assesseure,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 décembre 2018.
La rapporteure,
N. Tiger-Winterhalter Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
17NT03854