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20/12/2018 | FRANCE | N°17NT01564

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 20 décembre 2018, 17NT01564


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'un montant total de 1 487 388 euros, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à sa charge au titre de l'année 2009.

Par un jugement n° 1404613 du 29 mars 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 mai 2017 et 23 février 2018, M. A..., représenté par MeC..., de

mande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'un montant total de 1 487 388 euros, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à sa charge au titre de l'année 2009.

Par un jugement n° 1404613 du 29 mars 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 mai 2017 et 23 février 2018, M. A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer cette décharge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure est irrégulière :

- en ne lui communiquant pas, alors qu'il en avait fait la demande, avant l'avis de mise en recouvrement, les documents obtenus auprès des autorités américaines, l'administration a méconnu les stipulations de l'article 27 de la convention signée le 31 août 1994 entre les Etats-Unis d'Amérique et la République française, destinée à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et son avenant du 13 janvier 2009, qui prévoit la communication des documents obtenus à toute personne concernée, ce terme étant repris par l'avenant du 13 janvier 2009, par l'établissement ou le recouvrement de l'impôt et non plus à toute personne chargée de cet établissement ou de ce recouvrement comme le prévoyait la convention de 1967 au 1 de son article 26, dont le tribunal administratif a fait application alors que cette convention de 1967 n'était plus en vigueur ; cette obligation de communication a été mentionnée par une instruction administrative relative à la convention franco-algérienne du 22 mai 2003, conforme au modèle OCDE, et par les commentaires du comité des affaires fiscales de l'OCDE et est conforme aux prescriptions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- il en est de même au regard des stipulations du paragraphe 2 de l'article 27 de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital (ensemble un protocole), signée à Londres le 19 juin 2008, le tribunal administratif ayant appliqué à tort le 1 du 27 de la convention du 22 mai 1968 qui n'était plus en vigueur ;

- la proposition de rectification n'est pas motivée, en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- l'imposition n'est pas fondée :

- les gains au jeu de hasard qu'est le poker ne sont pas des gains imposables ;

- subsidiairement, son activité de joueur de poker n'était pas exercée à titre professionnel.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er décembre 2017 et 6 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention signée le 31 août 1994 entre les Etats-Unis d'Amérique et la République française, destinée à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- les conclusions de M. Jouno , rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue de la vérification de comptabilité de M.A..., joueur de poker, au titre des années 2007 à 2009, menée selon la procédure contradictoire prévue aux articles L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale a regardé comme des bénéfices non commerciaux, imposables sur le fondement de l'article 92 du code général des impôts, les revenus de l'intéressé issus de cette activité au titre de l'année 2009. M. A...a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2009. M. A...relève appel du jugement du 29 mars 2017 par lequel ce tribunal a rejeté cette demande.

Sur le caractère imposable des gains de jeu de M. A...en 2009 :

2. Aux termes du 1 de l'article 92 du code général des impôts : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. ". Si la pratique, même habituelle, de jeux de hasard ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de profits, au sens des dispositions de l'article 92 du code général des impôts, en raison de l'aléa qui pèse sur les perspectives de gains du joueur, il en va différemment de la pratique habituelle d'un jeu d'argent opposant un joueur à des adversaires lorsqu'elle permet à ce dernier de maîtriser de façon significative l'aléa inhérent à ce jeu, par les qualités et le savoir-faire qu'il développe, et lui procure des revenus significatifs. Les gains qui en résultent sont alors imposables, en application de l'article 92, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, alors même que le contribuable exercerait aussi par ailleurs une activité professionnelle.

3. Il résulte du point précédent du présent arrêt que, contrairement à ce que soutient le requérant, si le jeu de poker, et plus particulièrement la version de ce jeu dénommé " Texas Hold'em Poker" pratiquée par M.A..., fait intervenir des distributions aléatoires de cartes communes et de cartes propres à chaque joueur, un joueur peut parvenir, grâce à l'expérience, la compétence et l'analyse de la psychologie de ses adversaires, à maîtriser le caractère aléatoire du résultat et à accroître de façon sensible sa probabilité de percevoir des gains importants. Compte tenu de telles caractéristiques de la pratique du poker, de la pratique habituelle de ce jeu exercée par M. A...et le caractère significatif des revenus de l'intéressé qui en ont été tirés en 2009, les gains en résultant doivent être regardés comme tirés d'une occupation lucrative ou d'une source de profits constituant des revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux au titre de l'année 2009, au sens des dispositions de l'article 92 du code général des impôts.

Sur la régularité de la procédure :

4. S'il incombe à l'administration, en vertu des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, l'administration n'est tenue d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qui ont motivé l'engagement du contrôle fiscal que dans la mesure où ces renseignements, par la nature et la précision de leur contenu, ont servi à l'établissement des redressements.

5. En l'espèce, la réponse apportée le 25 mai 2011 par les autorités fiscales américaines à la demande d'assistance internationale, formulée le 1er février 2011, a été utilisée par l'administration fiscale française pour déterminer si M. A...a été assujetti ou non aux Etats-Unis au titre de l'année 2009. Elle a donc servi de fondement au redressement litigieux.

6. Aux termes de l'article 27 de la convention signée le 31 août 1994 entre les Etats-Unis d'Amérique et la République française : " Echange de renseignements / 1. Les autorités compétentes des Etats contractants échangent les renseignements permettant d'appliquer les dispositions de la présente Convention, ou celles de la législation interne des Etats contractants relative aux impôts visés par la Convention, dans la mesure où l'imposition qu'elle prévoit n'est pas contraire à la Convention. L'échange de renseignements n'est pas restreint par l'article 1 (Personnes concernées). / Les renseignements reçus par un Etat contractant sont tenus secrets de la même manière que les renseignements obtenus en application de la législation interne de cet Etat et ne sont communiqués qu'aux personnes ou autorités (y compris les tribunaux et organes administratifs) concernées par l'établissement, le recouvrement ou l'administration des impôts visés par la Convention, par les procédures ou poursuites concernant ces impôts, ou par les décisions sur les recours relatifs à ces impôts. Ces personnes ou autorités n'utilisent ces renseignements qu'à ces fins. Elles peuvent faire état de ces renseignements au cours d'audiences publiques de tribunaux ou dans des jugements. (...) ". M. A...était concerné par l'établissement de l'imposition de ses gains au sens de ces stipulations, lesquelles, dès lors, ne faisaient pas obstacle à la divulgation des documents de réponse des autorités fiscales américaines à M.A....

7. Il résulte de la proposition de rectification que le service a interrogé les autorités fiscales américaines et obtenu d'elles, le 25 mai 2011, des renseignements sur les gains de jeu de poker de M. A...aux Etats-Unis. Le conseil de M. A...a demandé au service le 24 avril 2013 la communication des documents obtenus auprès des autorités américaines. Cette demande a été reçue le 27 avril 2013. Le service a communiqué la copie des documents demandés le 27 mai 2013, soit postérieurement à l'avis de mise en recouvrement du 30 avril 2013. Ainsi, en ne mettant pas à la disposition de M. A...ces documents avant l'avis de mise en recouvrement, le service a privé M. A...d'une garantie substantielle attachée au débat contradictoire et a entaché l'imposition litigieuse d'une irrégularité de procédure.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2009. Par voie de conséquence, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 29 mars 2017 est annulé.

Article 2 : M. A...est déchargé, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2009.

Article 3 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 décembre 2018..

Le rapporteur,

J.-E. GeffrayLe président,

F. Bataille

Le greffier,

C. Croiger

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT01564


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01564
Date de la décision : 20/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BATAILLE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. JOUNO
Avocat(s) : FERRANDINI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-12-20;17nt01564 ?
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