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17/12/2018 | FRANCE | N°18NT00518

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 17 décembre 2018, 18NT00518


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2017 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé sa remise aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par jugement n° 1703649 du 23 août 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 février 2018, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'an

nuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 août 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 juil...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2017 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé sa remise aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par jugement n° 1703649 du 23 août 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 février 2018, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 août 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2017 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé sa remise aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de l'autoriser à demander l'asile en France et lui délivrer une attestation en qualité de demandeur d'asile dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier, renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué méconnaît les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne car il existe en Italie des défaillances avérées dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs entraînant un risque de traitement inhumain ou dégradant ;

- l'arrêté méconnaît les articles 17-1 et 3-2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en l'absence d'examen de sa situation, en omettant de faire application de la clause de souveraineté, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation :

* compte tenu de sa particulière vulnérabilité en raison de son état de santé ;

* la santé de son épouse lui interdit d'effectuer un voyage en avion avant février 2018 ;

* il a quitté la République démocratique du Congo pour des raisons politiques ;

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 4 janvier 2018.

Vu les autres pièces du dossier, et notamment la lettre du préfet d'Ille-et-Vilaine du 13 avril 2018 précisant que le délai de transfert de M. C...a été prolongé jusqu'au 26 décembre 2018.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pons a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.C..., ressortissant de nationalité congolaise, est selon ses déclarations entré en France le 6 septembre 2016 accompagné de son épouse. Il s'est présenté à la préfecture d'Ille-et-Vilaine le 3 février 2017 aux fins de déposer une demande d'asile. En application du règlement UE n°603-2013 du 26 juin 2013, les empreintes digitales de l'intéressé ont été relevées et transmises à l'unité centrale " Visabio ". Il est alors apparu que M. C...était titulaire d'un passeport ordinaire délivré le 24 juin 2016 par la République démocratique du Congo revêtu d'un visa de type " C " délivré le 23 août 2016 pour l'Italie valable jusqu'au 6 octobre 2016. Les autorités italiennes, saisies le 25 avril 2017 d'une demande de reprise en charge sur le fondement du point 4 de l'article 12 du règlement UE n° 604/2013, ont accepté leur responsabilité par un accord implicite du 26 juin 2017. Par un arrêté du 31 juillet 2017, le préfet d'Ille-et-Vilaine a ordonné le transfert de M. C...aux autorités italiennes, responsables de sa demande d'asile. Saisi par M. C...d'une demande d'annulation de cette décision, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. ".

3. D'autre part, dans son arrêt n° C-578/16 PPU du 16 février 2017, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que " L'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être interprété en ce sens que : (...) - dans des circonstances dans lesquelles le transfert d'un demandeur d'asile, présentant une affection mentale ou physique particulièrement grave, entraînerait le risque réel et avéré d'une détérioration significative et irrémédiable de l'état de santé de l'intéressé, ce transfert constituerait un traitement inhumain et dégradant, au sens dudit article ; - il incombe aux autorités de l'Etat membre devant procéder au transfert et, le cas échéant, à ses juridictions, d'éliminer tout doute sérieux concernant l'impact du transfert sur l'état de santé de l'intéressé, en prenant les précautions nécessaires pour que son transfert ait lieu dans des conditions permettant de sauvegarder de manière appropriée et suffisante l'état de santé de cette personne. (...) - le cas échéant, s'il s'apercevait que l'état de santé du demandeur d'asile concerné ne devrait pas s'améliorer à court terme, ou que la suspension pendant une longue durée de la procédure risquerait d'aggraver l'état de l'intéressé, l'Etat membre requérant pourrait choisir d'examiner lui-même la demande de celui-ci en faisant usage de la " clause discrétionnaire " prévue à l'article 17, paragraphe 1, du règlement n° 604/2013. ".

4. M. C...soutient que l'Italie rencontre actuellement des défaillances systémiques dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile ainsi que dans la procédure d'asile. Toutefois, il n'établit pas que ces circonstances exposeraient sa demande d'asile à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il ne démontre pas davantage qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet d'Ille-et-Vilaine, qui a visé les dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013, a indiqué que la situation de M. C...ne relevait pas des dérogations prévues par cet article du règlement et qu'il n'établissait pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités italiennes. Si le requérant fait valoir qu'il souffre, ainsi que son épouse, d'hypertension artérielle et que cette dernière est suivie pour des lombalgies et un diabète de type 2, il ne ressort pas des pièces du dossier que le transfert de M. C...serait de nature à entraîner un risque réel et avéré d'une détérioration significative et irrémédiable de l'état de santé de l'intéressé. Par ailleurs, les allégations de M. C...selon lesquelles la santé de son épouse lui interdirait d'effectuer un voyage en avion avant février 2018 ou qu'il aurait quitté la République démocratique du Congo pour des raisons politiques ne reposent sur aucun élément probant. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que les articles 3-2 et 17-1 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013.

5. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C...demande au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée à la préfète d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 décembre 2018.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT00518


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00518
Date de la décision : 17/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CABINET GAELLE LE STRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-12-17;18nt00518 ?
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