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17/12/2018 | FRANCE | N°17NT02779

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 17 décembre 2018, 17NT02779


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 14 juin 2016 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé son licenciement pour inaptitude physique.

Par un jugement n° 1606209 du 11 juillet 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 septembre 2017 et 18 juin 2018, M. E..., représenté pa

r MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nante...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 14 juin 2016 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé son licenciement pour inaptitude physique.

Par un jugement n° 1606209 du 11 juillet 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 septembre 2017 et 18 juin 2018, M. E..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 11 juillet 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 14 juin 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'autorisation de licenciement ne mentionne pas son ancien mandat de délégué du personnel alors qu'à la date de convocation à son entretien préalable il bénéficiait encore de son statut protecteur ;

- la décision contestée ne comporte aucune motivation sur l'absence de lien avec les mandats alors que l'inspecteur du travail avait retenu ce motif pour refuser l'autorisation de licenciement sollicitée ;

- la ministre n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail ;

- la décision d'aptitude du ministre, postérieure à l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail, et qui tient compte des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il se prononce, s'imposait à l'autorité administrative ;

- l'ARACT a méconnu son obligation de reclassement alors même que la caisse primaire d'assurance maladie ne s'était pas prononcé sur le caractère professionnel de sa pathologie ;

- la décision contestée est entachée d'illégalité dès lors que l'avis des délégués du personnel, qui doivent être informés de la situation, doit être recueilli avant que la procédure de licenciement ne soit engagée ;

- l'ARACT devait rechercher des possibilités de reclassement au sein du réseau de l'ANACT or, alors que des postes de reclassement étaient identifiés au sein du réseau de l'ARACT son employeur a décidé de ne pas les lui proposer ;

- l'avis des délégués du personnel doit être recueilli après la constatation de l'inaptitude du salarié mais avant la proposition de reclassement alors qu'en l'espèce, il a eu connaissance de la proposition de poste le 2 septembre 2015 et devait se prononcer avant le 4 en sa qualité de délégué du personnel ;

- le rejet du télétravail par son employeur doit s'analyser comme un refus de respecter son obligation de reclassement ;

- il a été victime d'une situation de discrimination syndicale dès lors que sa rémunération était largement inférieure à celles des autres chargés de mission, qu'il a bénéficié d'une augmentation plus réduite, que ses demandes de récupération ont toutes été refusées, que le directeur a refusé de " co-intervenir " avec lui, que durant son congés de maladie il n'avait plus accès aux outils informatiques, que sa demande de réduction de son temps de travail a été refusée et qu'il n'apparaissait plus sur le programme d'activité 2015.

Par un mémoire, enregistré le 27 novembre 2017, l'association 3ACT ARACT, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 3 juillet 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 23 juillet 2018.

Un mémoire, présenté pour l'ARACT des Pays de la Loire, a été enregistré le 23 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public ;

- les observations de Me A...représentant M. E... et les observations de Me B...substituant Me D...représentant l'association 3ACT ARACT.

Considérant ce qui suit :

1. M. E...a été engagé en qualité de chargé de mission par l'association 3ACT ARACT des Pays-de-la-Loire dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée prenant effet à compter du 15 septembre 1996 puis d'un contrat à durée indéterminée. Il a été élu délégué du personnel en 2004 puis délégué syndical CFDT à compter du mois de novembre 2011. Il relève appel du jugement du 11 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 juin 2016 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé son licenciement pour inaptitude physique.

2. En vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise.

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'association 3ACT ARACT le 23 septembre 2015, la décision de l'inspecteur du travail du 23 novembre 2015 ainsi que le recours hiérarchique exercé le 16 décembre 2015 par l'association mentionnaient les deux mandats détenus par M.E.... Si la décision contestée ne fait état que de son mandat de délégué syndical, elle vise l'ensemble de ces pièces. Il ne ressort d'aucune de ses mentions ni d'aucun de ses motifs, que la ministre n'aurait pas pris en compte les mandats détenus par M. E...et qu'elle n'aurait pas été mis à même de procéder aux contrôles qu'elle était tenue d'exercer. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait irrégulière en ce qu'elle ne mentionnerait pas l'ensemble des mandats du requérant ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, s'il appartenait à la ministre, qui devait se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement de M.E..., de s'assurer qu'elle n'était pas en rapport avec les mandats dont il était investi, et de motiver sur ce point sa décision, elle n'était pas tenue, contrairement à ce que soutient le requérant, de mentionner préalablement les raisons pour lesquelles elle estimait ne pas devoir retenir le motif sur lequel s'était fondé l'inspecteur du travail pour rejeter cette demande. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1226-9 du code du travail : " Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie. ". Il ressort des pièces du dossier que M. E... était en arrêt de travail du 16 juin au 1er juillet 2016 et que la décision prononçant son licenciement lui a été notifiée le 28 juin 2016. Toutefois, par deux avis concordant en date des 8 juin 2015 et 29 juin 2015, le médecin du travail a estimé que l'intéressé était inapte à tous postes dans l'entreprise. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, lorsque le salarié est déclaré inapte la période de suspension de son contrat prend fin et l'employeur peut continuer la procédure de licenciement pour inaptitude. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à invoquer le bénéfice des dispositions précitées de l'article L. 1226-9 du code du travail.

6. En quatrième lieu, par une décision du 30 juin 2015, le ministre du travail a annulé la décision du 4 février 2015 de l'inspecteur du travail en estimant que M. E...était apte à son poste sous réserve d'une organisation en télétravail au moins trois jours par semaine. Intervenant sur recours hiérarchique de l'association 3ACT ARACT, le ministre ne pouvait annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail que pour des motifs de légalité et ne pouvait pas prendre en compte des éléments de fait ou de droit survenus postérieurement à celle-ci, et notamment les deux avis des 8 juin 2015 et 29 juin 2015 par lequel le médecin du travail a estimé que l'intéressé était inapte à tous postes dans l'entreprise. Par suite, M. E...ne peut se prévaloir de la décision du ministre du 30 juin 2015 pour soutenir que son inaptitude n'était pas établie.

7. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'association 3ACT ARACT a effectué des recherches de reclassement au cours de l'été 2015 et en a d'ailleurs informé M. E... par une lettre du 9 juillet 2015. Par ailleurs, si la réunion des délégués du personnel était fixée de longue date au 31 août 2015, ce n'est que le 17 août 2015 que M.E..., en sa qualité de délégué du personnel, a fait part de son indisponibilité alors qu'il n'était plus en arrêt maladie depuis le 29 juillet 2015 et n'avait pas posé de congés. L'intéressé a cependant été consulté par mail le 2 septembre 2015, une note détaillant la procédure de recherche de reclassement et mentionnant le poste de chargé de mission en contrat à durée déterminée disponible en Champagne-Ardenne y étant annexée. Un second mail lui a été adressé le 3 septembre 2015 pour compléter la liste des postes disponibles, auquel il a répondu le 4 septembre par un courrier reçu le 5. Entre temps, le médecin du travail consulté sur le poste de reclassement en Champagne-Ardenne, a fait savoir à l'association, par un courrier du 3 septembre 2015, que l'intéressé était " inapte définitif à tous postes de travail " y compris donc à celui de Champagne-Ardenne. Ni dans cet avis, ni dans ceux émis les 8 juin 2015 et 29 juin 2015, le médecin du travail n'a évoqué la possibilité d'un aménagement du poste de travail dans le cadre du télétravail, expérience qui avait été tentée en 2014. Le 7 septembre 2015, l'association a informé l'intéressé, en tant que salarié, de l'avis négatif du médecin du travail et donc de l'impossibilité de le reclasser. Ce n'est que le 10 septembre 2015, que M. E...a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'association 3ACT ARACT n'aurait pas respecté son obligation de reclassement, ni la procédure qui s'y rapporte.

8. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que la rémunération de M. E...a connu une progression de 19,7 % entre 2007 et 2011 alors qu'il n'a ni changé de poste, ni vu ses responsabilités augmenter. Par ailleurs, en dépit de la suspension de son contrat de travail, l'intéressé a disposé d'une adresse de messagerie électronique en sa qualité d'élu du personnel lui permettant de conserver des contacts avec l'entreprise. En outre, s'il soutient qu'il n'apparaissait plus sur le programme d'activité 2015, il n'est pas contesté que lors de l'élaboration de ce document une mission spécifique lui avait été attribuée afin d'aménager son temps de travail, lequel n'était pas compatible avec un poste de chargé de mission. Enfin, le requérant n'établit pas que ses demandes de récupération auraient été systématiquement refusées alors qu'elles étaient justifiées ou que le directeur aurait refusé de co-intervenir avec lui. Dans ces conditions, M.E..., dont les premiers arrêts de travail sont intervenus en 2012 alors qu'il était délégué du personnel depuis 2004, et dont les fonctions de représentant du personnel ont été maintenues alors même qu'en raison de ses effectifs l'association n'y était plus tenu en 2011, n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée présenterait un lien avec ses mandats syndicaux.

9. Il résulte de ce qui précède, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. E... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., à la ministre du travail et à l'association 3 ACT ARACT.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 décembre 2018.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 17NT02779


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02779
Date de la décision : 17/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SELARL LVR

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-12-17;17nt02779 ?
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