Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...G...épouse E...et M. C...E...ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé devant elle le 18 juin 2015, contre la décision implicite des autorités consulaires françaises à Yaoundé (Cameroun) refusant la délivrance de visas de long séjour aux jeunes Paul Gaël Ulrich Nkomngog et Laëtitia Brenda Nti, sollicités au titre du regroupement familial.
Par un jugement n° 1507934 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 février 2018, Mme B...G...épouseE..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2017 ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France intervenue le 18 août 2015 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de délivrer un visa de long séjour aux jeunes Paul Gaël Ulrich Nkomngog et Laëtitia Brenda Nti, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement, de réexaminer la situation des intéressés dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
les actes d'état-civil présentés à l'appui des demandes de visa sont effectivement frappés de plusieurs anomalies ou incohérences, de sorte qu'elle entreprend des démarches afin de faire procéder aux rectifications nécessaires ;
contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, la loi camerounaise reconnaît l'existence de la possession d'état pour établir le lien de filiation, laquelle est établie à l'égard des jeunes Paul Gaël Ulrich Nkomngog et Laëtitia Brenda Nti par les pièces du dossier. Au surplus, si la loi camerounaise ne reconnaissait pas la possibilité d'établir le lien de filiation par la possession d'état, elle serait contraire à d'ordre public international français ;
la décision contestée a été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990.
Une note en délibéré, présentée pour MmeE..., a été enregistrée le 5 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu
la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
le code civil ;
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
le rapport de M. A...'hirondel
les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,
et les observations de MmeD..., représentant Mme B...G...épouseE....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...G...épouseE..., ressortissante camerounaise née le 28 octobre 1974, relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 décembre 2017 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, intervenue le 18 août 2015, qui a implicitement refusé de délivrer, au titre du regroupement familial, des visas de long séjour aux jeunes Paul Gaël Ulrich Nkomngog et Laëtitia Brenda Nti, nés respectivement le 29 juin 1995 et le 28 février 1999, qu'elle présente comme ses enfants.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, il résulte de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. Si cet article prévoit que les actes d'état civil faits en pays étranger et selon les formes usitées dans ce pays font foi, il n'en va toutefois pas ainsi lorsque d'autres actes ou pièces, des données extérieures ou des éléments tirés de ces actes eux-mêmes établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que ces actes sont irréguliers, falsifiés ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.
3. Mme E...ne conteste pas que les pièces d'état civil présentées à l'appui des demandes de visas présentaient, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, des incohérences de nature à leur retirer tout caractère probant, de sorte qu'elle entreprend, ainsi qu'elle le précise, des démarches dans son pays d'origine afin de faire procéder aux rectifications nécessaires.
4. En deuxième lieu, l'article 311-14 du code civil prévoit que la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ou, si la mère n'est pas connue, par la loi personnelle de l'enfant. L'article 310-3 de ce code dispose que la filiation se prouve par l'acte de naissance de l'enfant, par l'acte de reconnaissance ou par l'acte de notoriété constatant la possession d'état. Les articles 311-1 et 311-2 du même code énoncent que la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir et que la possession d'état doit être continue, paisible, publique et non équivoque. Il en résulte que la preuve de la filiation entre Mme E...et les jeunes Paul Gaël Ulrich Nkomngog et Laëtitia Brenda Nti au moyen de la possession d'état n'est apportée que si, d'une part, un mode de preuve de la filiation comparable à la possession d'état est admis par la loi personnelle applicable, soit, en principe, la loi de la mère au jour de la naissance des enfants et, d'autre part, cette possession d'état est continue, paisible, publique et non équivoque.
5. En vertu de l'ordonnance alors en vigueur du 29 juin 1981 portant organisation de l'Etat civil au Cameroun et diverses dispositions relatives à l'état des personnes, la loi personnelle des enfants au jour de leur naissance, c'est-à-dire la loi de la République du Cameroun, n'admettait pas un mode de preuve de la filiation comparable à la possession d'état, telle que définie par l'article 311-1 du code civil.
6. Toutefois, Mme E...soutient que la loi camerounaise, qui priverait ainsi l'enfant du droit d'établir sa filiation, doit être écartée pour être contraire à l'ordre public international français et allègue l'existence d'un lien de filiation par possession d'état à l'égard des deux enfants. Si, à cette fin, elle se prévaut de versements d'argent effectués au bénéfice des jeunes Paul Gaël Ulrich Nkomngog et Laëtitia Brenda Nti par l'intermédiaire de sa soeur, ces versements n'ont été, selon les pièces versées au dossier, conséquents et suffisamment réguliers qu'à compter de janvier 2012 alors qu'elle est arrivée en France en août 2003. Dans ces conditions, ces versements d'argent, les photographies des enfants, les quatre séjours qu'elle a effectués au Cameroun à compter de 2009 et les copies de recharges téléphoniques, sans qu'elles puissent utilement s'en remettre aux copies des conversations téléphoniques intervenues à compter de 2017 qui sont postérieures à la décision contestée, ne sont, en tout état de cause, pas de nature à établir l'existence de liens suffisamment étroits entre les intéressés constitutifs d'une situation de possession d'état.
7. En dernier lieu, en l'absence d'établissement du lien de filiation avec les jeunes Paul Gaël Ulrich Nkomngog et Laëtitia Brenda Nti, la décision contestée n'a pas porté atteinte au droit de Mme E...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ni à l'intérêt supérieur des enfants. En conséquence, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ne peuvent qu'être écartés.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :
9. Le présent arrêt, qui rejette la demande de MmeE..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au ministre de l'intérieur de faire droit à ses demandes de visa long séjour pour ses enfants allégués Paul Gaël Ulrich Nkomngog et Laëtitia Brenda Nti, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer ses demandes, doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l' article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme E...de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...G...épouse E...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 27 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique le 14 décembre 2018.
Le rapporteur,
M. F...
Le président,
A. PEREZ Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT00791