Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 9 août 2016 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.
Par un jugement no 1607571 du 24 février 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 août 2017, M.C..., représenté par Me
D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative, dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée et méconnaît le principe du contradictoire ; elle est entachée d'un défaut d'examen précis et approfondi de sa situation personnelle ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît la circulaire du 28 novembre 2012 ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle est fondée sur une décision illégale de refus de titre de séjour ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée et le préfet s'est estimé lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ; elle est entachée d'un défaut d'examen au regard de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elle méconnaît l'autorité de la chose jugée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2018, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en remet à ses écritures de première instance et que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 juillet 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chollet
- et les observations de MeB..., substituant MeD..., représentant
M.C....
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant arménien né le 20 décembre 1983 à Kotaïk (Arménie), relève appel du jugement du 24 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 août 2016 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.
Sur la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision portant refus de délivrer un titre de séjour vise notamment les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont elle fait application, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet de la Loire-Atlantique n'était pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments pris en considération mais uniquement ceux sur lesquels il fonde sa décision de refus. En l'espèce, il relève notamment l'ancienneté du séjour de
M.C..., l'absence de liens personnels intenses, anciens et stables sur le territoire en dehors de sa relation avec une ressortissante de nationalité russe en situation irrégulière avec laquelle il a eu trois enfants. Par suite, l'intéressé était à même de connaître avec une précision suffisante les raisons pour lesquelles la délivrance d'un titre de séjour lui était refusée. Dès lors, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision contestée et de la méconnaissance du principe du contradictoire doivent être écartés.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen précis et approfondi de la situation personnelle de M.C....
4. En troisième lieu, le requérant soutient qu'il est en France avec sa concubine, de nationalité russe, ainsi que leurs trois enfants nés en France les 21 novembre 2012, 14 novembre 2014 et 10 novembre 2016, que l'aîné est régulièrement scolarisé à la date de la décision contestée, et se prévaut de leurs efforts d'intégration notamment par l'apprentissage de la langue française. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la concubine de M. C...est également en situation irrégulière et fait l'objet d'une mesure d'éloignement validée par la présente cour par un arrêt de ce jour. M. C...ne fait état d'aucun obstacle à ce que la cellule familiale, qui était constituée de sa concubine et de deux enfants à la date de la décision contestée, se reconstitue dans un pays où le couple serait légalement admissible. Dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".
6. Il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité caractérisée par des difficultés de recrutement et figurant sur la liste établie au plan national par l'autorité administrative, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu laisser à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir. Il lui appartient d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément sur la situation personnelle de l'étranger, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
7. La circonstance que M. C...soit présent sur le territoire français depuis le 13 février 2012, date de sa dernière entrée en France selon ses propres déclarations lors de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile en mars 2012 ainsi que dans un courrier du 8 juin 2015, ne saurait, à elle seule, être regardée comme des considérations humanitaires ou motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les éléments de la vie personnelle du requérant, telle que décrite au point 4 du présent arrêt, ne caractérisent pas plus des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions de cet article. Par ailleurs, M. C...ne justifie pas non plus de l'existence de motifs exceptionnels lui permettant de prétendre à la délivrance d'un titre de séjour " salarié " sur le fondement des dispositions du même article. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de cet article.
8. En cinquième lieu, le requérant ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de la circulaire du 28 novembre 2012 qui est dépourvue de valeur réglementaire.
9. En dernier lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Les seules circonstances que l'aîné des enfants de M. C...soit scolarisé en France et que ses enfants ne connaissent ni l'Arménie ni la Russie ne sont pas de nature à établir que leur intérêt supérieur n'a pas été pris en compte par le préfet de la Loire-Atlantique. M. C...ne fait état d'aucun obstacle à la scolarisation de ses enfants dans un pays autre que la France. Ainsi, la décision contestée, qui n'a ni pour objet ni pour effet de séparer le requérant de ses enfants, ne porte pas atteinte à leur intérêt supérieur. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'étant pas annulée, M. C...n'est pas fondé à demander l'annulation par voie de conséquence de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
11. En deuxième lieu, en vertu du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans le cas prévu au 3° où elle fait suite à un refus de titre de séjour. Dans ces conditions, compte tenu de ce qui a été dit au point 2, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
12. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
13. En dernier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 9 du présent arrêt, les seules circonstances que l'aîné des enfants de M. C...soit scolarisé en France et que ses enfants ne connaissent ni l'Arménie ni la Russie ne sont pas de nature à établir que leur intérêt supérieur n'a pas été pris en compte par le préfet de la Loire-Atlantique. La circonstance que M. C...soit de nationalité arménienne et sa concubine de nationalité russe est sans incidence sur la décision portant obligation de quitter le territoire français dès lors que seules les décisions fixant le pays de destination peuvent être contestées au motif qu'il existerait, du fait de la différence de nationalité, un risque de séparation de la cellule familiale dans deux pays distincts. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 du 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
14. En premier lieu, la décision contestée vise les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et indique la nationalité arménienne du requérant. Les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas, quant à elles, à être visées dès lors qu'elles ne s'attachent qu'aux modalités d'exécution de la mesure. La décision contestée précise que le requérant n'établit pas que sa vie ou sa liberté seraient menacées dans son pays d'origine ou qu'il y soit exposé à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dans la mesure où ses demandes d'asile ont été rejetées et qu'il n'a produit aucun nouvel élément qui justifierait d'un risque en cas de retour dans son pays. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination n'est pas suffisamment motivée manque en fait et doit être écarté.
15. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, qui a procédé à un examen de la situation personnelle de l'intéressé, s'est estimé en situation de compétence liée au regard des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile.
16. En troisième lieu, le requérant soutient qu'il serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Arménie en raison de son activisme politique et de sa religion. Toutefois, il ne produit aucun élément probant au dossier permettant de justifier de ses allégations. Au surplus, ses demandes d'asile ont été rejetées tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décisions des 31 décembre 2008, 19 mars 2010, 29 mai 2012 et 28 février 2014 que par la Cour nationale du droit d'asile par décisions des 17 septembre 2009, 21 mars 2011 et 17 septembre 2014. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, qui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours à M.C..., procèdera à son éloignement dans un autre pays où il serait légalement admissible sans son accord. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
17. En quatrième lieu, la décision contestée précise en son article 4 que " M. C...pourra être reconduit d'office à la frontière à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays pour lequel il établit être admissible, à condition que ce pays lui permette de ne pas être séparé de son concubine, MmeE... ". Par suite, la décision contestée ne permet pas de renvoyer M. C...dans un pays différent de celui de sa concubine, ce qui aurait nécessairement pour effet de séparer, même provisoirement, les enfants de l'un des parents. Dans ces conditions, la décision fixant le pays de destination n'est contraire ni au 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ni à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne méconnaît pas l'autorité de la chose jugée.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2018.
Le rapporteur,
L. CholletLe président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02620