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07/12/2018 | FRANCE | N°17NT00949

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 07 décembre 2018, 17NT00949


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices résultant de l'intervention chirurgicale pratiquée le 26 septembre 2011 dans cet établissement.

Par un jugement n° 1402412 du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 mars 2017 et régularisée le 3 avril 2017

M.B..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices résultant de l'intervention chirurgicale pratiquée le 26 septembre 2011 dans cet établissement.

Par un jugement n° 1402412 du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 mars 2017 et régularisée le 3 avril 2017 M.B..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 19 janvier 2017 ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen à lui verser la somme de 30 000 euros, au besoin après avoir ordonné une nouvelle mesure d'expertise ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Caen la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Il soutient que :

- son consentement n'a pas été recueilli avant l'intervention chirurgicale ;

- le CHU de Caen a manqué à son obligation d'information ; la seule information orale présumée ne suffit pas ;

- il a été en outre victime d'une faute médicale lors de l'intervention ;

- les séquelles consistent en un percement du canal lacrymal gauche, la perte de l'odorat, un conflit vasculo-nerveux du nerf facial droit, et des céphalées plus intenses ;

Par un mémoire enregistré le 12 février 2018 le centre hospitalier universitaire de Caen, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête de M.B....

Il soutient que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 août 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coiffet,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., qui se plaignait depuis plusieurs années de céphalées, d'une obstruction nasale et d'une rhinorhée postérieure entrainant des quintes de toux, s'est vu diagnostiquer en 2008 une polypose nasosinusienne. Il a, le 14 octobre 2008, subi une première intervention au centre hospitalier de L'Aigle consistant en une ethmoïdectomie antérieure bilatérale avec septoplastie. Malgré cette intervention et en dépit des traitements médicaux administrés, la symptomatologie initiale a persisté. En l'absence d'amélioration de son état, M. B...a été adressé au centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen afin d'y subir une ethmoïdectomie totale bilatérale. Cette intervention a été réalisée le 26 septembre 2011. A la suite de cette opération M. B...n'a pas ressenti d'amélioration et s'est plaint d'écoulements purulents de l'oeil gauche et d'une perte de l'odorat. Il a, le 5 décembre 2014, saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Caen à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis. L'expert désigné par une ordonnance du président du tribunal du 23 juin 2016 a déposé son rapport le 28 octobre 2016. M. B...relève appel du jugement du 19 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a, ensuite, rejeté sa demande.

Sur la responsabilité du CHU de Caen :

En ce qui concerne la faute médicale :

2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".

3. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert judiciaire, que les soins dispensés à M. B...à l'occasion de l'intervention chirurgicale du 26 septembre 2011 ont été conformes aux règles de l'art et que les gestes habituels de la chirurgie d'ethmoïdectomie par voie endonasale correspondaient aux recommandations de bonne pratique médicale. Ce constat n'est pas infirmé par les autres rapports médicaux fournis au dossier. L'expert indique par ailleurs dans son rapport qu'une obstruction de la voie lacrymale peut expliquer la persistance du larmoiement avec surinfection sans caractériser un quelconque manquement du CHU, et que le dysfonctionnement des voies lacrymales est en relation avec la polypose nasosinusienne diagnostiquée en 2008 et son évolution. Enfin il précise que les troubles dont souffre M.B..., à savoir une perte totale et définitive de l'odorat (anosmie), un neurinome acoustique - acouphène - des céphalés intermittentes, un conflit vasculonerveux au niveau du nerf facial droit et des écoulements continus de son oeil gauche, sont sans lien avec les suites de l'intervention chirurgicale en litige. Si, enfin, le requérant se plaint d'une atteinte à la cloison nasale, l'expert a précisé à cet égard que cette atteinte ne révélait en elle-même l'existence d'aucune maladresse fautive dans la réalisation du geste chirurgical pratiqué lors de l'intervention le 26 septembre 2011. Dans ces conditions, la responsabilité pour faute du CHU de Caen ne saurait être engagée.

En ce qui concerne le défaut d'information :

4. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / (...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. ". En application de ces dispositions, doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risque grave, quelle que soit leur fréquence. Un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital et n'entraîne pour le patient que la perte de chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé.

5. Il est constant qu'aucun document écrit, et en particulier aucune feuille de consentement n'a été remis à M. B...lors de sa prise en charge par le CHU de Caen, cet établissement se bornant en appel comme en première instance à reprendre la présomption de l'expert qui a estimé que, dès lors que le patient avait subi " une chirurgie similaire en 2008 ", avait vu deux médecins en consultation pré-opératoire et avait disposé d'un délai d'un mois et ainsi d'un temps de réflexion entre ces consultations et l'intervention, il devait être regardé comme ayant reçu une information orale suffisante sur l'intervention qu'il devait subir. Dans ces conditions, le centre hospitalier ne peut être regardé comme apportant la preuve qui lui incombe du respect de l'obligation d'information du patient à laquelle il est tenu en vertu des dispositions rappelées au point 4.

6. Toutefois, au cas d'espèce, il résulte de l'instruction et, en particulier, des constatations faites par l'expert telles qu'elles sont rappelées au point 3, que les troubles dont s'est plaint M. B...à la suite de l'intervention en litige, perte totale et définitive de l'odorat, neurinome acoustique, céphalés intermittentes et conflit vasculonerveux au niveau du nerf facial droit n'ont pas pour origine cette intervention mais l'évolution de sa pathologie en l'absence d'amélioration par la chirurgie. Aucun de ces troubles ne correspond aux risques graves et connus que le patient était susceptible d'encourir lors de l'intervention litigieuse. Enfin, s'il résulte des résultats des examens d'IRM pratiqués au centre hospitalier d'Argentan les 2 août 2012 et 21 octobre 2014 versés aux débats que M. B...souffre également d'écoulements continus de son oeil gauche, cette complication n'est pas davantage un risque grave normalement prévisible que comportait l'acte chirurgical pratiqué le 26 septembre 2011. Dans ces conditions, M. B...n'est pas fondé à soutenir qu'en raison de la méconnaissance par le CHU de Caen de son obligation d'information, il aurait été privé d'une chance de se soustraire aux risques fréquents ou graves normalement prévisibles de l'intervention chirurgicale pratiquée le 26 septembre 2011, lesquels ne se sont pas réalisés. Pour les mêmes raisons, M. B...qui, confronté à l'échec des différents traitements médicaux reçus dans le passé, avait, au demeurant, accepté le principe d'une intervention n'est pas davantage fondé à demander réparation du préjudice qui serait lié, du fait du manquement au devoir d'information incriminé, à l'absence de recueil de son contentement éclairé.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les frais de l'instance :

8. Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 680 euros par ordonnance du président du tribunal administratif en date du 3 novembre 2016, sont maintenus à la charge de M. B....

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que la somme demandée par M. B...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soit mise à la charge du CHU de Caen.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au centre hospitalier universitaire de Caen et à la caisse primaire d'assurance maladie de Normandie.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Berthon premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 décembre 2018.

Le rapporteur,

O. CoiffetLe président,

I . Perrot

Le greffier,

M. D...

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°17NT00949


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00949
Date de la décision : 07/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Olivier COIFFET
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : LE PASTEUR

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-12-07;17nt00949 ?
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