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07/12/2018 | FRANCE | N°17NT00494

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 07 décembre 2018, 17NT00494


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...A...a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 86 207 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à l'occasion des soins reçus au centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Tours le 18 juin 2013.

Par un jugement n° 1502103 du 12 janvier 2017, le tribunal administratif d'Orléans a condamné l'ONIAM à

lui verser la somme de 36 950 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions.

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E...A...a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 86 207 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à l'occasion des soins reçus au centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Tours le 18 juin 2013.

Par un jugement n° 1502103 du 12 janvier 2017, le tribunal administratif d'Orléans a condamné l'ONIAM à lui verser la somme de 36 950 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 7 février et 14 juin 2017 et le 4 septembre 2018 l'ONIAM, représenté par l'Association Vatier et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 12 janvier 2017 ;

2°) de rejeter les conclusions présentées à son encontre par Mme A...devant le tribunal administratif d'Orléans.

Il soutient que les conditions de gravité des conséquences de l'accident médical et d'anormalité du dommage ne sont pas remplies en l'espèce et que, par suite, la mise en jeu de la solidarité nationale doit être écartée.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 avril 2017 Mme A..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête, au besoin après organisation d'une nouvelle expertise, et à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'ONIAM ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 14 mai 2018 le CHRU de Tours, représenté par MeD..., demande à la cour de le mettre hors de cause et de rejeter les conclusions à fin d'expertise présentées par MmeA....

Par un courrier enregistré le 13 février 2017, La CPAM de Loir-et-Cher a informé la cour de ce qu'elle n'entendait pas intervenir dans l'instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Berthon,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...a subi le 18 juin 2013 au CHRU de Tours une aspiration utérine en raison d'une suspicion de grossesse môlaire. Les suites ont été marquées par des douleurs pelviennes, des pics fébriles et des malaises. Après diverses investigations et examens, un diagnostic de synéchie utérine (accolement des parois internes de l'utérus) a été posé en septembre 2013. A la demande de MmeA..., le président du tribunal administratif d'Orléans a désigné un expert, gynécologue-obstétricien, qui a rendu son rapport le 26 novembre 2015. Par un jugement du 12 janvier 2017 le tribunal administratif d'Orléans, saisi par MmeA..., a condamné l'ONIAM à verser à celle-ci la somme de 36 950 euros au titre de la solidarité nationale. L'ONIAM relève appel de ce jugement.

Sur l'obligation de l'ONIAM :

2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...). / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme (...) n'est pas engagée, un accident médical, (...) ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, (...) au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret.". Selon l'article D. 1142-1 du même code : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. (...) Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %. À titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence ". Il résulte de ces dispositions qu'un accident médical ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si l'ensemble de ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l'article L. 1142-1 et présentent notamment le caractère de gravité requis.

3. Il résulte de l'instruction, et il est admis par les parties, que la synéchie utérine dont a été victime Mme A...dans les suites de l'aspiration utérine qui a été pratiquée au CHRU de Tours le 18 juin 2013 constitue un accident médical non-fautif et que cette complication a eu pour conséquence la stérilité de MmeA.... L'expert a évalué à 20% le taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique résultant pour Mme A...de cette infertilité. Si l'intéressée estime que ce taux doit être fixé à 25%, elle ne produit aucun élément de nature à remettre en question la pertinence de l'analyse de l'expert sur ce point.

4. Il est par ailleurs constant que l'accident médical dont a été victime Mme A...ne l'a pas rendue inapte à exercer sa profession d'auxiliaire de vie ou l'aurait obligé à interrompre, même temporairement, cette activité professionnelle, ou lui aurait occasionné des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %.

5. Enfin il résulte du rapport de l'expert que MmeA..., alors âgée de 43 ans et déjà mère de cinq enfants, n'a subi, compte tenu de son âge, qu'une perte de chance de 37% d'être à nouveau enceinte et qu'une nouvelle grossesse aurait été, en tout état de cause, déconseillée en raison d'un cancer digestif détecté en octobre 2014. Il n'est en outre pas allégué que le dommage subi par Mme A...qui, comme il a été dit plus haut, n'a pas eu de conséquences notables sur son activité professionnelle, lui aurait causé un préjudice économique. Dans ces conditions, c'est à tort que les juges de première instance ont estimé que l'accident médical dont avait été victime Mme A...devait être regardé comme lui ayant occasionné des troubles particulièrement graves dans ses conditions d'existence, au sens et pour l'application des dispositions de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique rappelées au point 2.

6. Il résulte de ce qui précède que le dommage subi par Mme A...n'est pas susceptible de relever de la solidarité nationale. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'expertise sollicitée, l'ONIAM est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans l'a condamné à indemniser Mme A...de ses préjudices.

Sur les frais de l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif d'Orléans à la charge définitive de MmeA....

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'ONIAM, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à Mme A...la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1502103 du tribunal administratif d'Orléans du 12 janvier 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif d'Orléans et les conclusions présentées par elle devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Les frais de l'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 988,03 euros sont mis à la charge définitive de MmeA....

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'ONIAM, à Mme E...A..., à la CPAM de Loir-et-Cher et au CHRU de Tours.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Berthon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 décembre 2018.

Le rapporteur,

E. BerthonLe président,

I. Perrot

Le greffier,

M. C... La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT00494


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT00494
Date de la décision : 07/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : CABINET VATIER et ASSOCIES AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-12-07;17nt00494 ?
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