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03/12/2018 | FRANCE | N°17NT01488

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 03 décembre 2018, 17NT01488


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, de condamner La Poste à lui verser la somme de 55 271,68 euros en réparation des préjudices qu'il a subis compte tenu de son absence prolongée de promotion et, d'autre part, d'enjoindre à La Poste de procéder à la reconstitution de sa carrière à compter de 2006.

Par un jugement n° 1304756 du 2 mars 2017, le tribunal administratif de Rennes a condamné La Poste à verser à M. D... la somme de 13 000 euros en réparation de ses p

réjudices.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 mai 2017 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, de condamner La Poste à lui verser la somme de 55 271,68 euros en réparation des préjudices qu'il a subis compte tenu de son absence prolongée de promotion et, d'autre part, d'enjoindre à La Poste de procéder à la reconstitution de sa carrière à compter de 2006.

Par un jugement n° 1304756 du 2 mars 2017, le tribunal administratif de Rennes a condamné La Poste à verser à M. D... la somme de 13 000 euros en réparation de ses préjudices.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 mai 2017 La Poste, représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 2 mars 2017 ;

2°) de rejeter la demande de M. D...devant le tribunal administratif de Rennes ;

3°) de mettre à la charge de M. D...le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La Poste soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier car en premier lieu ses mentions relatives à l'analyse des conclusions et mémoires ne sont pas conformes à l'article R. 741-2 du code de justice administrative ; en deuxième lieu les premiers juges ont statué sur une demande de première instance qui était irrecevable ; en effet M. D...ne démontre pas avoir adressé à La Poste une demande indemnitaire préalable susceptible de lier le contentieux ; en tout état de cause il n'a pas attendu l'intervention d'une décision de La Poste pour introduire un recours devant le tribunal administratif de Rennes ;

- l'action en responsabilité de M. D...est prescrite dès lors que l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction résultant de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, limite à cinq ans le délai de prescription en matière civile ;

- s'agissant de la période antérieure à 2010, le tribunal administratif a commis une erreur manifeste d'appréciation en évaluant le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence à 5 000 euros ;

- s'agissant de la période postérieure à 2010, en ce qui concerne l'absence de notation de M. D...entre 2010 et 2014 l'employeur n'a pas l'obligation de noter le représentant syndical dont la durée d'exercice des fonctions est trop faible pour permettre à son supérieur hiérarchique d'apprécier sincèrement sa valeur professionnelle, ce qui était le cas de M.D... ; sur l'absence alléguée d'examen de la candidature de M. D...pour une promotion au grade d'inspecteur principal, l'intéressé a bien eu accès aux dispositifs de promotion interne ; il n'a jamais été discriminé en tant que représentant syndical ; l'attribution d'un montant de 8 000 euros à ce titre est excessive.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2017, M.D..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête, à la réformation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 2 mars 2017 en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à ses demandes tendant à la condamnation de La Poste à lui verser la somme de 55 271, 68 euros, à ce qu'il soit ordonné à La Poste de reconstituer sa carrière à partir de l'année 2006 et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de La Poste au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué comporte l'ensemble des mentions obligatoires ;

- le contentieux ayant été lié, sa demande de première instance était recevable ;

- la responsabilité de l'administration doit être confirmée ;

- il a subi un important préjudice qui justifie qu'il soit donné satisfaction totale à ses demandes d'indemnisation, soit à concurrence de 55 271, 68 euros ;

- il est recevable et bien fondé à demander la reconstitution de sa carrière puisqu'il stagne depuis trente-et-un ans dans le même grade et se trouve à la veille de prendre sa retraite, calculée d'après l'indice des six derniers mois de fonctions.

Par ordonnance du 31 mai 2018 la clôture de l'instruction a été fixée au 21 juin 2018.

Des mémoires présentés pour La Poste et pour M.D..., respectivement enregistrés les 21 juin et 11 septembre 2018, n'ont pas été communiqués.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le décret n° 58-777 du 25 août 1985 ;

- le décret n° 2001-614 du 9 juillet 2001 ;

- le décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant La Poste, et celles de M.D....

Une note en délibéré, présentée pour La Poste, a été enregistrée le 19 novembre 2018.

Considérant ce qui suit

Les faits, la procédure :

1. M. D... a intégré le service public des postes et télécommunications en 1981 en qualité d'agent d'exploitation du service général, puis a été promu au grade de contrôleur du service général, dans lequel il a été titularisé le 29 juin 1982. Le 1er octobre 1985 il a été titularisé dans le grade d'inspecteur. Il n'a pas souhaité, lors du changement de statut de son employeur résultant de l'application de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, intégrer les corps dits de " reclassification " et a opté pour la conservation de son grade dans le corps, dit de " reclassement ", des inspecteurs des postes, télégraphes et téléphones. Après avoir lié le contentieux par une demande reçue par son employeur le 27 septembre 2013 il a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant, d'une part, à la condamnation de La Poste à lui verser la somme totale de 55 271,68 euros en réparation des préjudices liés au blocage de sa carrière depuis l'année 2003 et, d'autre part, à la reconstitution de sa carrière. Par jugement du 2 mars 2017 le tribunal administratif de Rennes a condamné la société à verser à M. D...la somme de 13 000 euros et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La Poste relève appel de ce jugement en tant qu'il a donné partiellement satisfaction à M.D.... Par la voie de l'appel incident ce dernier demande l'annulation du jugement du 2 mars 2017 en tant qu'il a limité à 13 000 euros le montant de la somme mise à la charge de La Poste.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte de la lecture du jugement attaqué que le tribunal, qui n'avait pas à faire une analyse distincte de chacun des mémoires produits par M.D..., a bien procédé, dans les visas de sa décision, à l'analyse des conclusions et moyens présentés par les parties. Par suite, La Poste n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, relatives aux mentions obligatoires d'un jugement, auraient été méconnues sur ce point.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. Ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus il résulte de l'instruction que, par courrier du 25 septembre 2013, dont La Poste a accusé réception le 27 septembre 2013, M. D... a saisi cette dernière d'une demande indemnitaire tendant à la réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis depuis 1993 du fait du blocage de sa carrière et d'une discrimination syndicale. Le silence de La Poste a fait naître une décision implicite de refus le 27 novembre suivant, si bien que le contentieux était lié au sens de l'article R. 421-1 du code de justice administrative lorsque M. D... a saisi le tribunal administratif de Rennes par une demande enregistrée le 12 décembre 2013. Par suite, sa demande de première instance était bien recevable.

Sur les conclusions indemnitaires :

4. Au soutien de ses conclusions indemnitaires, M. D...se prévaut des fautes qu'aurait commises La Poste en l'empêchant de progresser dans sa carrière entre mars 2003, date à laquelle il est constant qu'il a réuni les conditions statutaires pour accéder au grade d'inspecteur principal, et novembre 2013, date de sa réclamation préalable. Il soutient, d'une part, avoir subi entre mars 2003 et décembre 2009 un préjudice de carrière lié au refus de La Poste d'organiser des voies de promotion internes au profit des fonctionnaires " reclassés " et, d'autre part, qu'à partir de décembre 2009, si des modalités de promotion ont bien été instituées par voie réglementaire, il n'a pu en bénéficier dès lors que son employeur, par discrimination syndicale, a irrégulièrement refusé de procéder à son évaluation, alors qu'il s'agit d'un élément nécessairement pris en compte pour arrêter les tableaux d'avancement.

En ce qui concerne la période antérieure à l'entrée en vigueur du décret n°2009-1555 :

S'agissant de l'exception de prescription quinquennale :

5. La Poste se prévaut, ainsi qu'elle est recevable à le faire en sa qualité de société commerciale, des dispositions de l'article 2224 du code civil, entrées en vigueur le 19 juin 2008, aux termes desquelles : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. "

6. Cette prescription quinquennale, issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, emporte réduction du délai décennal de prescription résultant auparavant du 1er aliéna de l'article 2227 du même code, abrogé par la même loi. Trouvent dès lors à s'appliquer les dispositions de l'article 2222 du code civil, selon lesquelles " En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ".

7. A la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription, le délai de prescription de dix ans n'était pas expiré, s'agissant des fautes que M. D...impute à La Poste antérieurement au rétablissement des voies de promotion interne par le décret n°2009-1555, et qu'il fait partir de la date laquelle il a réuni les conditions statutaires pour se porter candidat à une promotion soit " à compter de l'année 2003 ".

8. Par suite et en application des dispositions combinées des articles 2222 et 2224 du code civil, les droits dont M. D...est susceptible de se prévaloir en conséquence de fautes commises par La Poste antérieurement au 27 septembre 2008 étaient prescrits le 27 septembre 2013, date à laquelle La Poste a accusé réception de la demande préalable. En revanche les droits dont M. D...est susceptible de se prévaloir en conséquence de fautes commises par La Poste postérieurement au 27 septembre 2008 ne sont pas atteints par la prescription quinquennale, dès lors que le comportement qu'il reproche à son employeur a présenté un caractère continu jusqu'à l'entrée en vigueur du décret n°2009-1555.

9. La Poste est donc seulement fondée à invoquer la prescription des créances dont se prévaut M. D...qui trouvent leur fait générateur dans la période antérieure au 27 septembre 2008.

S'agissant de la responsabilité de La Poste :

10. Aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...) mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : / 1° Examen professionnel ; / 2° Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) ". De plus, en vertu de l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984 et des dispositions règlementaires prises pour son application, il appartient à l'autorité administrative, sauf à ce qu'aucun emploi vacant ne soit susceptible d'être occupé par des fonctionnaires à promouvoir, d'établir annuellement des tableaux d'avancement en vue de permettre l'avancement de grade.

11. Ainsi que l'a rappelé le tribunal administratif de Rennes, par une appréciation non discutée en appel, La Poste a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en s'abstenant, jusqu'à l'entrée en vigueur du décret susvisé du 14 décembre 2009, d'établir annuellement des tableaux d'avancement de grade au bénéfice des fonctionnaires qui, comme M. D..., avaient choisi de ne pas intégrer les nouveaux corps dits " de reclassification " créés en 1993 dans le cadre de l'application de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications.

S'agissant du préjudice indemnisable :

12. Cette faute n'ouvre cependant droit à réparation que si elle est à l'origine d'un préjudice personnel, direct et certain. Il résulte au surplus de ce qui a été dit aux points 5 à 8 que si la carence de La Poste à organiser de telles voies de promotion internes s'est poursuivie de manière continue jusqu'en décembre 2009, seuls les préjudices qui trouvent leur cause dans la carence fautive de La Poste postérieurement au 27 septembre 2008 sont susceptibles d'indemnisation.

13. S'agissant du préjudice de carrière il n'est pas discuté que M.D..., alors inspecteur, a satisfait aux conditions posées par les statuts particuliers pour prétendre à une promotion au grade d'inspecteur principal dès le mois de mars 2003 puis au grade de directeur départemental adjoint à compter de mars 2005.

14. Alors même qu'il n'est pas discuté par La Poste qu'elle a irrégulièrement omis de procéder à l'évaluation de sa valeur professionnelle durant la période non prescrite, M.D..., auquel il incombe d'apporter tout élément utile au soutien de ses prétentions, ne verse à l'instruction aucun élément relatif aux modalités d'exercice des fonctions qu'il accomplissait en qualité d'inspecteur durant la période non prescrite, soit postérieurement au mois de septembre 2008. Il ne justifie par suite pas qu'il aurait eu une chance sérieuse d'accéder au grade d'inspecteur principal pour exercer les fonctions d'encadrement qui s'y attachent.

15. En revanche il est constant que l'illégalité commise par La Poste est à l'origine d'une atteinte aux droits statutaires de M.D..., et par suite d'un préjudice moral, lequel sera suffisamment réparé, compte-tenu notamment de la limitation, du fait de la prescription, de la période ouvrant droit indemnisation, par l'allocation d'une somme de 2 000 euros.

En ce qui concerne la période postérieure à l'entrée en vigueur du décret n°2009-1555 :

S'agissant de l'absence de notation de M.D... :

16. D'une part, aux termes de l'article 6 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " (...) Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de (...) leurs opinions politiques, syndicales (...) ". De manière générale, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

17. D'autre part, aux termes de l'article 55 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 : " (...) l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct. Toutefois, les statuts particuliers peuvent prévoir le maintien d'un système de notation. (...) ". Er aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 9 juillet 2001 relatif à la notation des fonctionnaires de La Poste : " La notation qui exprime la valeur professionnelle des fonctionnaires de La Poste est établie annuellement et comporte pour chaque fonctionnaire : 1° Une appréciation d'ordre général qui rend compte de sa manière de servir, notamment de l'évolution de sa valeur professionnelle par rapport à l'année précédente ainsi que de son aptitude à exercer, dans l'immédiat ou dans l'avenir, au besoin après une formation appropriée, des fonctions différentes de même niveau ou d'un niveau supérieur ; 2° L'indication d'un niveau de valeur qui est déterminé d'après une échelle de cotation à quatre niveaux. (...) ".

18. S'il résulte de ces dernières dispositions que tout fonctionnaire en activité doit être évalué annuellement, l'application de ces dispositions est subordonnée à la présence effective du fonctionnaire au cours de l'année en cause pendant une durée suffisante, eu égard notamment à la nature des fonctions exercées, pour permettre à son chef de service d'apprécier sa valeur professionnelle.

19. En l'espèce, il est constant que M. D... n'a pas fait l'objet d'une évaluation au titre des années 2010 à 2014, la production tardive de " fiches de candidature " établies unilatéralement par l'employeur au titre des années 2010, 2013 et 2014 n'étant pas de nature à suppléer cette carence dans la perspective des mouvements annuels de promotion.

20. La Poste fait valoir que M. D...bénéficiait d'une décharge d'activité syndicale ainsi que d'autorisations d'absence en sa qualité de secrétaire départemental du syndicat SUD-PTT, et qu'ainsi l'intéressé était absent bien au-delà de 60 % de son temps de travail, pendant lequel au surplus il traitait des situations relevant de son mandat syndical. Par suite son supérieur hiérarchique a estimé ne pas pouvoir apprécier sa valeur professionnelle entre 2010 et 2013.

21. Toutefois d'une part il n'est pas établi que, compte tenu de la décharge d'activité de 50 % et des autorisations d'absence dont il bénéficiait pour l'exercice de ses activités syndicales, M. D...n'aurait pas été présent à son poste au moins deux jours par semaine. D'autre part la circonstance que La Poste ait toléré que le requérant ne se consacre pas exclusivement à son travail durant ce temps de service ne peut être utilement invoquée par son employeur. Dès lors La Poste ne justifie pas avoir été dans l'impossibilité de procéder à l'appréciation de la valeur professionnelle de M. D...au titre des années considérées. En ne procédant pas à cette évaluation ce qui avait pour conséquence de désavantager M. D...à l'occasion du processus annuel de promotion, La Poste a commis une faute, laquelle revêt un caractère discriminatoire au sens des dispositions précitées de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983, lesquelles prohibent les discriminations indirectes.

S'agissant du préjudice indemnisable :

22. Il ressort de l'instruction qu'au titre de 2015 et 2016 M. D...a été seulement noté " B ", appréciation selon laquelle " les résultats sont bons " ou " la valeur professionnelle de l'intéressé correspond parfaitement aux exigences du poste ", et non " E ", correspondant à une appréciation selon laquelle " les résultats sont excellents " ou " la valeur professionnelle de l'intéressé est largement supérieure aux exigences du poste ". Par suite et compte-tenu des exigences particulières attachées aux fonctions d'encadrement, il n'apparaît pas que l'absence d'évaluation au titre des années immédiatement antérieures aurait privé M. D...d'une chance sérieuse d'accéder à une promotion au grade d'inspecteur principal, laquelle concerne au surplus des postes peu nombreux.

23. Toutefois M. D...est fondé à demander la condamnation de La Poste à l'indemniser du préjudice moral subi du fait de la discrimination dont il a été l'objet. Il n'apparaît pas que les premiers juges en auraient fait une appréciation exagérée en indemnisant ce préjudice à concurrence de 8 000 euros.

Sur les conclusions à fins de reconstitution de carrière :

24. Les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. S'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires ou des militaires, il peut toutefois être dérogé à ce principe par l'administration en leur conférant une portée rétroactive, dans la seule mesure où ces décisions permettent d'assurer la continuité de la carrière d'un agent ou de procéder à la régularisation de sa situation. Il ne résulte pas de la décision du Conseil d'Etat n° 304438 du 11 décembre 2008 jugeant illégal le refus de modifier les dispositions statutaires concernant les fonctionnaires reclassés de La Poste afin de mettre en place des dispositifs de promotion interne qu'une décision rétroactive serait nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de M. D...ou régulariser sa situation. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit, M. D...ne démontre pas avoir lui-même été privé d'une chance sérieuse d'avoir pu figurer une telle liste, s'il en avait été établi. Il ne disposait ainsi, en l'absence de tout droit acquis à une quelconque promotion de grade, d'aucun droit particulier à reconstitution de carrière. Par suite, ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle La Poste a rejeté sa demande tendant à la reconstitution de sa carrière doivent être rejetées.

25. Il résulte de tout ce qui précède que La Poste est seulement fondée à soutenir que la condamnation prononcée à son encontre par le tribunal administratif de Rennes doit être ramenée de 13 000 euros à 10 000 euros.

Sur les frais liés au litige :

26. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge d'une des parties le versement à l'autre d'une somme en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 13 000 euros que La Poste a été condamnée à verser à M. D... par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Rennes du 2 mars 2017 est réduite à 10 000 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1304756 du tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de La Poste et les conclusions incidentes de M. D... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à La Poste et à M. A...D....

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 décembre 2018.

Le rapporteur,

J. FRANCFORTLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT01488


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01488
Date de la décision : 03/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : SCP GRANRUT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-12-03;17nt01488 ?
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