Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...D...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2016 par lequel le président du conseil départemental du Calvados a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle à compter du 1er septembre 2016.
Par un jugement n° 1601849 du 31 mai 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er août 2017, MmeD..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 31 mai 2017 du tribunal administratif de Caen ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2016 par lequel le président du conseil départemental du Calvados a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle à compter du 1er septembre 2016 ;
3°) de condamner le département du Calvados aux entiers dépens de l'instance ;
4°) de mettre à la charge du département du Calvados le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté est intervenu au terme d'une procédure irrégulière :
• le procès-verbal établi à l'issue du conseil de discipline ne fait aucune mention de la répartition des votes ;
• elle n'a pas été informée de la saisine du conseil de discipline de recours en méconnaissance des articles 15 et 23 du décret du 18 septembre 1989 ;
- les faits qui lui sont reprochés ne peuvent caractériser une insuffisance professionnelle ;
- les faits qui sont invoqués sont pour la plupart très anciens ;
- le principe " non bis in idem " a été méconnu ;
- l'inaptitude professionnelle ne doit pas avoir pour origine une inaptitude physique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2018, le département du Calvados, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme D...la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard ;
- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Une note en délibéré, présentée pour le département du Calvados a été enregistrée le 16 octobre 2018.
Considérant ce qui suit :
1. MmeD..., adjoint administratif de 2ème classe employée par le département du Calvados depuis 1983, relève appel du jugement du 31 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juillet 2016 par lequel le président du conseil départemental du Calvados a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle à compter du 1er septembre 2016.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. D'une part, il ne ressort d'aucune disposition législative ou réglementaire, ni d'aucun principe général du droit, que le procès-verbal de la séance d'un conseil de discipline soit tenu de mentionner la répartition des résultats des votes. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure née de l'absence de mention de la répartition des votes sur l'avis recueilli doit être écarté.
3. D'autre part, aux termes de l'article 91 de la loi du 26 janvier 1984 visée ci-dessus : " Les fonctionnaires qui ont fait l'objet d'une sanction des deuxième, troisième et quatrième groupes peuvent introduire un recours auprès du conseil de discipline départemental ou interdépartemental dans les cas et conditions fixés par un décret en Conseil d'État. L'autorité territoriale ne peut prononcer de sanction plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline de recours. ". Aux termes de l'article 93 de cette même loi : " Le licenciement pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire. (...) ".
4. Mme D...soutient que la procédure disciplinaire aurait été méconnue dès lors que n'ont pas été respectées les dispositions de l'article 15 du décret du 18 septembre 1989 mentionné plus haut prévoyant que la décision portant sanction disciplinaire peut être portée par le fonctionnaire intéressé devant le conseil de discipline de recours compétent. Cependant, cette dernière règle, liée à l'existence en matière disciplinaire d'une échelle de sanctions entre lesquelles les autorités qualifiées peuvent choisir, n'est pas transposable dans le cas d'insuffisance professionnelle où la seule mesure qui peut intervenir est l'éviction du fonctionnaire concerné. Par suite, cette dernière disposition n'est pas au nombre de celles applicables en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle. En conséquence, Mme D...n'est pas fondée à s'en prévaloir pour soutenir que la procédure à l'issue de laquelle a été prise la décision attaquée serait intervenue en méconnaissance de la garantie instituées par la deuxième phrase de l'article 91 mentionnée plus haut.
En ce qui concerne la légalité interne :
5. En premier lieu, aucune disposition ni aucun principe n'impose à l'autorité administrative, lorsqu'elle constate des carences dans la manière de servir d'un agent de nature à justifier légalement le licenciement de celui-ci pour insuffisance professionnelle, de respecter un " délai raisonnable ", ainsi que l'invoque MmeD..., entre ce constat et le prononcé de cette mesure d'éviction.
6. En deuxième lieu, la décision contestée, fondée sur l'insuffisance professionnelle de MmeD..., ne constitue pas une sanction disciplinaire. La requérante ne peut dès lors utilement soutenir que cette décision aurait été prise en méconnaissance du principe dénommé selon lequel un même fait ne peut pas être sanctionné une deuxième fois.
7. En troisième et dernier lieu, pour fonder la décision en litige, le président du conseil départemental du Calvados a considéré que " Mme D...manque de rigueur dans l'exécution des tâches qui lui sont confiées et se trouve dans l'incapacité de travailler en équipe compte tenu de son comportement avec ses collègues ", que " ces carences [ont] pu être constatées sur la plupart des postes sur lesquels elle a été affectée au cours de sa carrière, et tout particulièrement sur les derniers postes " et qu'ainsi ce travail inefficace de son agent ne répond pas aux attentes légitimes minimales de l'administration, compte-tenu de son grade, de ses emplois et des efforts qui ont été consentis pour lui trouver un travail adapté, et caractérise son insuffisance professionnelle.
8. Il ressort des pièces du dossier que, depuis l'année 1993, les supérieurs hiérarchiques successifs de Mme D...ont exprimé leur insatisfaction quant à la manière de servir de l'intéressée, lui reprochant en particulier son incapacité à atteindre les objectifs assignés ainsi que ses relations tendues avec ses collègues. Ainsi, il ressort de la lecture de ces pièces, notamment de ses évaluations, que des efforts étaient attendus de la part de Mme D...dans la qualité d'exécution des tâches et le respect des consignes de travail ainsi que dans son comportement, notamment vis-à-vis de ses collègues. Or, en dépit de plusieurs actions d'accompagnement menées sur chacun des emplois occupés, il n'est pas sérieusement contesté que la requérante n'a pas été en mesure de pallier ces difficultés. Par ailleurs, si Mme D...fait valoir qu'elle est victime de la réorganisation des services du conseil départemental, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi par les pièces du dossier. La requérante ne démontre pas davantage que les missions qui lui ont été confiées en qualité de secrétaire médicale ne correspondaient pas à ses capacités professionnelles. Enfin, il ressort des pièces du dossier que les difficultés, jamais résolues, de l'intéressée, concernaient sa capacité à travailler en équipe, à communiquer, à organiser son travail et à respecter les consignes, et n'étaient pas liées aux aptitudes physiques de MmeD..., reconnue travailleur handicapé en 2012. Dès lors, Mme D...n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, l'inexactitude matérielle des faits qui lui sont reprochés, lesquels sont de nature à justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur l'application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :
10. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat (...) ". La présente instance n'ayant pas donné lieu à dépens au sens de l'article susvisé, les conclusions de MmeD..., tendant à ce que le département du Calvados soit condamné à lui verser les dépens, ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Calvados, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme D...demande au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge de Mme D...le versement au département du Calvados de la somme demandée par ce dernier au titre de ces mêmes frais.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département du Calvados au titre des frais liés au litige sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D...et au département du Calvados.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président- assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 novembre 2018.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 17NT02410