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23/11/2018 | FRANCE | N°17NT01579

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 23 novembre 2018, 17NT01579


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeD... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision implicite du 5 juin 2014 du directeur interrégional des services pénitentiaires du Grand-Ouest confirmant la sanction de quatre jours de cellule disciplinaire prise à son encontre le 22 avril 2014 par le président de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Rennes.

Par un jugement n° 1500420 du 30 décembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :>
Par une requête et un mémoire enregistrés le 22 mai 2017 et 23 octobre 2018 Mme C..., ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeD... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision implicite du 5 juin 2014 du directeur interrégional des services pénitentiaires du Grand-Ouest confirmant la sanction de quatre jours de cellule disciplinaire prise à son encontre le 22 avril 2014 par le président de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Rennes.

Par un jugement n° 1500420 du 30 décembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 22 mai 2017 et 23 octobre 2018 Mme C..., représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 décembre 2016 ;

2°) d'annuler la décision implicite du 5 juin 2014 du directeur interrégional des services pénitentiaires du Grand-Ouest ;

3°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que l'indication du sens des conclusions du rapporteur public ne répondait pas aux exigences de l'article R. 711-3 du code de justice administrative et a méconnu le droit à un procès équitable ;

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne répond pas au moyen tiré de l'erreur de droit au regard de la loi du 29 juillet 1881 ;

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il n'a pas été signé ;

- le compte-rendu d'incident est irrégulier dès lors qu'il n'indique pas par quel agent il a été établi et qu'il a été rédigé tardivement ;

- le rapport d'enquête est irrégulier au regard des dispositions de l'article R. 57-7-4 du code de procédure pénale ;

- la décision de poursuite est irrégulière dès lors qu'elle a été prise antérieurement à la rédaction du rapport d'enquête ;

- la composition de la commission de discipline est irrégulière en raison de l'absence de mention quant à la présence de deux assesseurs et de leurs compétences ;

- les règles du procès équitable telles qu'elles résultent des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- les droits de la défense ont été méconnus au regard des dispositions de l'article

R. 57-7-16 du code de procédure pénale ;

- la décision contestée n'est pas suffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'une erreur de droit en ce que les propos qu'elle a tenus ne sont pas constitutifs d'une insulte ;

- la sanction méconnaît le principe d'individualisation de la peine.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 mai 2018, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens développés par Mme C... n'est fondé.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 mars 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Perrot,

- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., alors détenue au centre pénitentiaire pour femmes de Rennes, a fait l'objet d'un compte rendu d'incident le 19 avril 2014 indiquant qu'elle avait proféré des insultes à l'encontre d'un surveillant pénitentiaire. À la suite d'un rapport d'enquête rédigé le même jour, la commission de discipline s'est réunie le 22 avril 2014 et a prononcé une sanction de quatre jours de cellule disciplinaire. Mme C...a présenté un recours préalable auprès du directeur interrégional des services pénitentiaires du Grand-Ouest qui a implicitement, le 5 juin 2014, confirmé la sanction disciplinaire initiale. L'intéressée relève appel du jugement du 30 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il ressort du relevé de l'application Sagace que, préalablement à l'audience qui s'est tenue le 25 novembre 2016, le sens des conclusions du rapporteur public a été porté à la connaissance des parties avec la mention " rejet au fond ". Le rapporteur public n'était pas tenu, à peine d'irrégularité du jugement, d'indiquer les motifs qui le conduisaient à proposer cette solution de rejet. Par suite, Mme C...n'est pas fondée à soutenir que cette information n'aurait pas été suffisante et que les dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ainsi que le droit à un procès équitable auraient été méconnus.

3. En deuxième lieu, il ressort des termes du jugement attaqué qu'en procédant, en son point 15, à la qualification juridique de la faute commise par Mme C...en proférant des insultes à l'encontre d'une surveillante les juges de première instance ont implicitement mais nécessairement répondu au moyen, au demeurant formulé de manière succinte tiré de ce que les faits reprochés ne constitueraient pas une insulte au sens de la loi du 29 juillet 1881. Par suite, le jugement n'est pas entaché d'une insuffisance de motivation ni d'une omission à statuer.

4. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'irrégularité au regard de ces dispositions manque en fait et ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité de la décision implicite du directeur interrégional des services pénitentiaires du Grand-Ouest acquise le 5 juin 2014 :

En ce qui concerne la légalité externe :

5. Aux termes de l'article R. 57-7-14 du code de procédure pénale : " A la suite de ce compte rendu d'incident, un rapport est établi par un membre du personnel de commandement du personnel de surveillance, un major pénitentiaire ou un premier surveillant et adressé au chef d'établissement. Ce rapport comporte tout élément d'information utile sur les circonstances des faits reprochés à la personne détenue et sur la personnalité de celle-ci. L'auteur de ce rapport ne peut siéger en commission de discipline. ".

6. Si Mme C...soutient que la décision de poursuite a été prise antérieurement à la rédaction du rapport d'enquête, il ressort des pièces du dossier qu'elle a été prise à 9h57 alors que le rapport d'enquête a été établi à 9h53. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la décision de poursuite doit être écarté.

7. Pour le surplus des moyens de légalité externe, Mme C...se borne à reprendre devant la cour les moyens qu'elle a déjà développés en première instance, sans les assortir de précisions ou d'éléments nouveaux. Par suite, ces moyens seront écartés par les motifs qui ont été retenus par les juges de première instance, tirés de ce le compte rendu d'incident dressé le 19 avril 2014 n'était pas irrégulier en la forme et a été établi dans les plus brefs délais, de ce que le contenu du rapport d'enquête satisfaisait aux exigences des dispositions de l'article R. 57-7-14 du code de procédure pénale, de ce que la commission de discipline était régulièrement composée, de ce que la procédure devant cette commission a été régulière malgré l'absence de l'avocat de l'intéressée et de ce que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision initiale de sanction est inopérant.

En ce qui concerne la légalité interne :

8. Aux termes de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale : " Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue : /1° De formuler des insultes, des menaces ou des outrages à l'encontre d'un membre du personnel de l'établissement, d'une personne en mission ou en visite au sein de l'établissement pénitentiaire ou des autorités administratives ou judiciaires ; ". Aux termes de l'article R. 57-7-33 du même code : " Lorsque la personne détenue est majeure, peuvent être prononcées les sanctions disciplinaires suivantes : /7° La mise en cellule disciplinaire. ". L'article R. 57-7-47 de ce code précise que : " Pour les personnes majeures, la durée de la mise en cellule disciplinaire ne peut excéder vingt jours pour une faute disciplinaire du premier degré, quatorze jours pour une faute disciplinaire du deuxième degré et sept jours pour une faute disciplinaire du troisième degré. / Cette durée peut être portée à trente jours lorsque les faits commis constituent une des fautes prévues au 1° et au 2° de l'article R. 57-7-1. ". Enfin, l'article R. 57-7-49 du code de procédure pénale prévoit : " Le président de la commission de discipline prononce celles des sanctions qui lui paraissent proportionnées à la gravité des faits et adaptées à la personnalité de leur auteur.(...) ".

9. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un détenu ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

10. Il ressort des pièces du dossier que Mme C...a tenu les propos suivants le 19 avril 2014 à 7h15 : " je vais au quartier disciplinaire, la petite connasse d'en haut, ça va l'occuper ". Ces faits sont constitutifs d'une faute disciplinaire du deuxième degré au sens des dispositions précitées du 1° de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale, sans que la requérante puisse utilement se prévaloir de la définition de l'insulte résultant des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse. En application de l'article R. 57-7-47 du même code, cette faute pouvait légalement faire l'objet d'un placement en cellule disciplinaire dont la durée ne pouvait excéder quatorze jours de cellule disciplinaire. Eu égard à la nature de la faute commise par la requérante et à ses antécédents disciplinaires, notamment le refus d'obtempérer, les agressions verbales et physiques envers le personnel pénitentiaire et les tentatives d'incendies, ainsi qu'il ressort de la liste des procédures disciplinaires produite au dossier, la sanction de mise en cellule disciplinaire de quatre jours prise à son encontre était proportionnée à la faute commise et adaptée à la personnalité de l'auteur.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 8 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,

- M. Berthon, premier conseiller,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 novembre 2018.

Le président rapporteur,

I. PerrotL'assesseur,

E. Berthon

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 17NT01579


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT01579
Date de la décision : 23/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Isabelle PERROT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-11-23;17nt01579 ?
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