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09/11/2018 | FRANCE | N°18NT01131

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 09 novembre 2018, 18NT01131


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2017 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1704024 du 13 février 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
>Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 mars et 23 juin 2018, M. B..., représenté par MeA......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2017 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1704024 du 13 février 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 mars et 23 juin 2018, M. B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 13 février 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Loiret du 19 octobre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente et n'est pas suffisamment motivé ;

- le préfet a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'arrêté contesté est entaché d'erreur manifeste de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de destination est privée de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.

Par des mémoires en défense enregistrés les 6 juin et 12 juillet 2018, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Berthon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant congolais (RDC), né le 29 avril 1961, a depuis 2001 et sous couvert de visas délivrés par les autorités consulaires française en RDC, séjourné à de nombreuses reprises en France, où vivent sa femme et plusieurs de ses enfants. Il a demandé, le 24 juillet 2017 son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 19 octobre 2017, le préfet du Loiret a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office. M. B... relève appel du jugement du 13 février 2018 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté contesté du préfet du Loiret, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein

droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Le droit de mener une vie familiale normale, protégé par ces textes, a pour objet de préserver des ingérences excessives de l'autorité publique la liberté qu'a toute personne de vivre avec sa famille.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B...a entretenu depuis 2001 une relation maritale, puis s'est marié en 2016 avec une compatriote installée en France, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2021, et que de cette union sont nés trois enfants dont deux sur le sol français, qui étaient tous mineurs à la date de l'arrêté contesté. Un quatrième enfant mineur de M. B...a été recueilli par son épouse et vit également au sein du foyer familial. Il est par ailleurs constant que M.B..., sous couvert de visas délivrés depuis 2001 par le consulat général de France à Pointe Noire a, depuis cette date, régulièrement séjourné en France auprès de sa famille. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que M. B...a pu prolonger la durée de ses séjours en France à partir de 2013, et suivre ainsi la scolarité de ses enfants, lorsque l'autorité consulaire lui a délivré des visas d'une durée de validité d'un an. Dans ces circonstances particulières, eu égard à l'intensité des attaches familiales en France de M. B...et à la durée de ses séjours en France, l'arrêté contesté, alors même que M. B...a conservé des liens familiaux en République démocratique du Congo et qu'il ne vivait pas en permanence auprès de sa famille en France mais avait choisit, pour des raisons professionnelles, de résider dans son pays et de lui rendre régulièrement visite, a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, cet arrêté a méconnu les dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales rappelées au point 2 et doit, pour ce motif, être annulé.

5. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Pour l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, l'annulation prononcée par le présent arrêt, eu égard au motif qui la fonde, implique que, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, le préfet du Loiret délivre à M. B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'adresser au préfet du Loiret une injonction en ce sens et de fixer à deux mois le délai imparti pour son exécution. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette mesure d'exécution de l'astreinte demandée par la requérant.

Sur les frais de l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, au profit de M. B..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1704024 du tribunal administratif d'Orléans du 13 février 2018 est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Loiret de délivrer à M.B..., sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à M. B...la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Coiffet, président,

- M. Berthon, premier conseiller,

- Mme Le Bris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 novembre 2018.

Le rapporteur,

E. BerthonLe président,

O. Coiffet

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT01131


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT01131
Date de la décision : 09/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. COIFFET
Rapporteur ?: M. Eric BERTHON
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : BISSILA

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-11-09;18nt01131 ?
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