Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...D...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 23 mars 2017 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours à compter de sa notification et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 1701378 du 27 juillet 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 12 février 2018 et le 11 octobre 2018, M. C... D..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 juillet 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 mars 2017 du préfet d'Indre-et-Loire ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire, ou à défaut, et sous astreinte, de réexaminer sa situation, dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir en le mettant en possession d'un récépissé de demande de titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
les premiers juges n'ont pas examiné le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté ;
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
l'arrêté contesté manque de motivation en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
la décision de refus de séjour viole les dispositions de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet a retenu, à tort, qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français, sa situation n'étant due qu'à la négligence des services préfectoraux qui ne lui ont pas délivré de récépissé de demande de titre de séjour ;
le refus de titre de séjour a été pris en violation de l'article 6 de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise du 11 mars 2002 dès lors qu'il peut prétendre, sur ce fondement, à un titre de séjour pour pouvoir travailler en France ;
eu égard à ses fréquents séjours en France et à ses conditions d'existence, à ses attaches familiales et à son insertion dans la société française, l'arrêté contesté viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le préfet n'a pas examiné toutes les possibilités qu'offrent les textes et conventions pour répondre à sa demande ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle comporte pour sa situation personnelle des conséquences d'une exceptionnelle gravité compte tenu de la réalité de ses liens familiaux en France, de la stabilité de son séjour et de sa volonté réelle d'insertion professionnelle.
Par un courrier du 15 octobre 2018, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité du moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté contesté dès lors qu'aucun moyen de légalité externe n'avait été soulevé en première instance.
Par un courrier du 19 octobre 2018, M. D...a présenté ses observations.
Le préfet d'Indre-et-Loire a présenté un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2018, qui n'a pas été régularisé malgré une mise en demeure du même jour adressée par le greffe de la cour.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 décembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991, modifié
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 25 octobre 2016, M.D..., né le 27 janvier 1959 et de nationalité gabonaise, a sollicité du préfet d'Indre-et-Loire la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 23 mars 2017, le préfet a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit d'office à l'expiration de ce délai. M. D...relève appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 27 juillet 2017 rejetant sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si M. D...allègue que les premiers juges n'ont pas examiné le moyen qu'il avait soulevé tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté, il ressort des pièces de première instance que le requérant s'était borné à critiquer le bien-fondé des motifs retenus par le préfet. La motivation d'un acte ne dépendant pas du bien-fondé de ses motifs, M. D...n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient omis de statuer sur le moyen tiré du défaut de motivation qu'il n'avait pas soulevé.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Au titre de la légalité externe :
3. Il ressort des pièces de première instance que M. D...n'a présenté, devant le tribunal administratif, que des moyens de légalité interne. Par suite, il n'est pas recevable à présenter, pour la première fois en appel, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté, qui repose sur une cause juridique différente. Par suite, ce moyen doit être écarté.
Au titre de la légalité interne :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France ou de l'article L. 121-1, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants : / 1° Un visa de long séjour, d'une durée maximale d'un an ; / 2° Un visa de long séjour, d'une durée maximale d'un an, conférant à son titulaire, en application du troisième alinéa de l'article L. 211-2-1, les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 313-20 et L. 313-21 lorsque le séjour envisagé sur ce fondement est d'une durée inférieure ou égale à un an (...) ". Selon l'article L. 313-2 de ce code, sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives qu'il contient, la première délivrance de la carte de séjour temporaire est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. Aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
5. Il ressort des énonciations de la demande formée par M. D...que si l'intéressé a sollicité un titre de séjour, il n'a pas précisé le fondement légal de cette demande. Il invoquait, dans son courrier du 25 octobre 2016, les attaches qu'il avait avec la France, son inscription dans un établissement d'enseignement de la langue française et son souhait de se projeter " dans un travail indépendant de pilote de ligne " Free Lance " ". Il n'est pas contesté qu'il n'a pu, au soutien de sa demande de titre de séjour, présenter un des visas prévus aux 1° ou 2 ° de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, c'est à bon droit que le préfet a estimé que la demande de M. D...a été présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 de ce même code. Le requérant a, au demeurant, été convoqué à la préfecture, par courrier du 13 janvier 2017, dans le cadre de la " régularisation de [sa] situation " sans que l'intéressé ne conteste cette qualification.
6. M. D...fait valoir être entré pour la première fois en France en 1981 pour effectuer des études supérieures de pilote de ligne et avoir obtenu ce diplôme, avoir été inscrit à Tours durant les années 2015-2016 et 2016-2017 dans un institut enseignant des cours d'anglais, avoir un projet professionnel consistant en un travail indépendant de pilote de ligne " Free lance ". Toutefois, il n'est pas contesté qu'il a quitté la France entre 1985 et 2015, même si, du fait de son métier de pilote de ligne, il a pu effectuer de nombreux séjours en France, que trois de ses enfants résident au Gabon et qu'il vit dans ce dernier pays depuis 2007 avec une ressortissante gabonaise qu'il a épousée en 2014. Par ailleurs, l'intéressé est sans emploi depuis 2013, perçoit une retraite au Gabon et n'établit pas que son projet professionnel ne pourrait pas se réaliser dans son pays d'origine. Par suite, M. D...n'établit pas que son admission au séjour en France répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels. Dans ces conditions, c'est sans erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet d'Indre-et-Loire a rejeté la demande de titre de séjour de M. D...formée sur les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En deuxième lieu, le préfet d'Indre-et-Loire n'était pas tenu d'examiner d'office si l'intéressé pouvait prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou sur le fondement de conventions bilatérales entre la France et le Gabon. Ainsi qu'il a été dit au point 3, la demande de titre de séjour de M. D...doit être regardée comme ayant été déposée sur le seul fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le requérant ne saurait faire grief au préfet de ne pas avoir examiné sa demande sur le fondement d'autres dispositions. En particulier, si, dans sa demande de titre de séjour, l'intéressé a fait état de sa volonté de se projeter dans un travail indépendant de pilote de ligne, il n'a joint, à sa demande, aucun justificatif permettant d'établir que son projet de s'installer en France pour exercer une profession libérale était suffisamment abouti, ce qui ne saurait résulter de la copie de ses seuls brevets de pilote de ligne et de ses certificats de travail concernant des emplois précédents, ni du formulaire de la compagnie " Blue Air " que l'intéressé à lui-même renseigné en mai 2016. M. D...n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que sa demande de titre de séjour était également fondée sur les stipulations de l'article 6 de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise, signée à Libreville le 11 mars 2002 et que le préfet n'aurait, par suite, pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle, entachant ainsi sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d' autrui. " .
9. Il est constant que M. D...a toujours vécu au Gabon, hormis entre 1981 et 1985 où il a effectué des études en France. Alors même qu'il y aurait effectué des courts séjours dans le cadre de son activité professionnelle, il n'est arrivé en France que récemment en 2015, à l'âge de 56 ans. Si le requérant fait valoir que quatre de ses enfants vivent en France, dont deux ont la nationalité française, il n'est pas contesté qu'il a conservé des attaches familiales dans son pays d'origine où vivent trois de ses autres enfants ainsi que son épouse. Dans ces conditions, et alors même qu'il maîtrise parfaitement la langue française, qu'il disposerait de revenus suffisants, bénéficierait d'un logement, qu'il a entrepris les démarches nécessaires pour régulariser sa situation administrative et qu'il a oeuvré pour la réussite de son projet professionnel, la décision refusant de délivrer un titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. Ainsi, elle n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Enfin, si M.D..., qui a au demeurant abandonné sa demande d'asile, soutient qu'il est victime de harcèlement dans son pays d'origine, un tel moyen est inopérant à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour. En tout état de cause, le requérant n'établit pas, par les pièces qu'il produit, la réalité de ses craintes.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7, en obligeant M. D... à quitter le territoire français, cette décision n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise.
12. Il résulte de tout ce qui précède, que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction, et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour son information au préfet d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 23 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M.A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 novembre 2018.
Le rapporteur,
M. B...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00588