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09/11/2018 | FRANCE | N°17NT03691

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 09 novembre 2018, 17NT03691


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 15 février 2017 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1701572 du 23 mai 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté les conclusions de la demande dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 170157

2 du 9 janvier 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté les conclusions de la demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 15 février 2017 par lequel le préfet du Loiret a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1701572 du 23 mai 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté les conclusions de la demande dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1701572 du 9 janvier 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté les conclusions de la demande dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2017, M.B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans du 23 mai 2017 ;

2°) d'annuler la décision préfectorale du 15 février 2017 l'obligeant à quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret, après l'avoir muni d'une autorisation provisoire de séjour, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de reprendre l'instruction de son dossier, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte.

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le magistrat désigné n'a pas répondu à tous les moyens invoqués devant lui ni n'a examiné les éléments apportés au soutien de sa demande, se bornant à se référer à l'appréciation portée par le tribunal administratif d'Orléans dans un précédent jugement ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale dès lors qu'elle est fondée sur une décision portant refus de titre de séjour qui, d'une part, n'a pas fait l'objet d'un examen particulier et méconnaît les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain ainsi que les dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail, d'autre part, méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et, enfin, n'a pas été précédée d'une consultation de la commission du titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2018, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 2 août 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 août 2018.

Un mémoire en production de pièces présenté pour M. B...a été enregistré le 18 octobre 2018.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 octobre 2017.

II. Par une requête, enregistrée le 30 avril 2018, M.B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 9 janvier 2018 ;

2°) d'annuler la décision préfectorale du 15 février 2017 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet du Loiret, après l'avoir muni d'une autorisation provisoire de séjour, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de reprendre l'instruction de son dossier, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte.

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet a commis une irrégularité en s'abstenant de solliciter la justification des difficultés de recrutement de son employeur ;

- il ne s'est, en outre, pas interrogé sur la spécificité de l'emploi pour lequel il justifiait d'une promesse d'embauche ; il n'a, ainsi, pas procédé à un examen sérieux et particulier de sa demande ;

- en refusant de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " alors que sa demande d'autorisation de travail satisfait aux conditions énoncées par les dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail, le préfet a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions et méconnu les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain, l'absence de visa de long séjour ne faisant pas obstacle à la délivrance d'un tel titre dans le cadre du pouvoir général de régularisation que détient le préfet ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;

- dès lors qu'il avait droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour aurait dû être saisie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2018, le préfet du Loiret conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 2 août 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 août 2018.

Un mémoire en production de pièces présenté pour M. B...a été enregistré le 18 octobre 2018.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 mars 2018.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 17NT03691 et n° 18NT01780 présentées par M. B...portent sur le même arrêté préfectoral du 15 février 2017 et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. M.B..., ressortissant marocain né le 4 avril 1983, est entré en France le 22 août 2010, muni d'un visa de court séjour délivré par les autorités hongroises et s'est maintenu depuis lors sur le territoire français. Par un arrêté du 15 février 2017, le préfet du Loiret a notamment refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. Il relève appel du jugement du magistrat désigné du 23 mai 2017 et du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 9 janvier 2018 rejetant les conclusions de sa demande dirigées, respectivement, contre l'obligation de quitter le territoire français et contre le refus de titre de séjour.

Sur la régularité du jugement du 23 mai 2017 statuant sur les conclusions de la demande dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français :

3. D'une part, il ressort du dossier de procédure que, dans sa demande de première instance, M. B...a excipé, à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour. Au soutien de cette exception d'illégalité, il a notamment invoqué la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 et celle des dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail ainsi que le défaut de saisine de la commission du titre de séjour. Le jugement attaqué, qui n'a pas, après avoir visé la requête, analysé les moyens qu'elle contenait, n'a pas répondu aux trois moyens susmentionnés.

4. D'autre part, l'article L. 9 du code de justice administrative dispose : " Les jugements sont motivés. ". Une décision juridictionnelle ne peut être motivée par simple référence à une autre décision rendue par la même juridiction dans un autre litige, même lorsque les parties sont identiques. Pour écarter les moyens tirés de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, de la décision portant refus de titre de séjour en ce qu'elle méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation, le jugement attaqué se borne à citer l'extrait d'un jugement par lequel le tribunal administratif d'Orléans avait statué sur le recours formé contre une précédente mesure d'éloignement opposée à M. B... en 2014, précisant seulement que " Le simple écoulement du temps ne conduit pas [à] ce jour à s'écarter de l'appréciation alors faite " par le tribunal. Ce faisant, le magistrat désigné a insuffisamment motivé son jugement.

5. Il suit de là que le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans du 23 mai 2017 est entaché d'irrégularité et doit, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, être annulé. Il y a lieu pour la cour de se prononcer par la voie de l'évocation sur les conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de titre de séjour :

En ce qui concerne le titre de séjour portant la mention " salarié " :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité salariée en France (...) reçoivent (...) sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". Aux termes de l'article 9 de cet accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / (...) ". Aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. ".

7. Il résulte de la combinaison des textes précités que si la situation des ressortissants marocains souhaitant bénéficier d'un titre de séjour portant la mention " salarié " est régie par les stipulations de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, la délivrance à un ressortissant marocain du titre de séjour " salarié " prévu à l'article 3 de cet accord est subordonnée, en vertu de son article 9, à la condition, prévue à l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tenant à la production par ce ressortissant d'un visa de long séjour.

8. Il est constant que M.B..., qui est entré en France sous couvert d'un visa de court séjour et qui s'y est maintenu irrégulièrement, ne justifie pas d'un visa de long séjour. Pour ce seul motif, le préfet du Loiret pouvait légalement refuser de lui délivrer le titre de séjour portant la mention " salarié " prévu à l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de cet article doit, dès lors, être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de R. 5221-15 du code du travail : " Lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire national, la demande d'autorisation de travail (...) est adressée au préfet de son département de résidence. ". Aux termes de l'article R. 5221-17 : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. (...) ". L'article R. 5221-20 de ce code dispose : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; / (...) ".

10. Il résulte des dispositions précitées que la demande d'autorisation de travail concernant un étranger qui est déjà présent sur le territoire national est formée par l'employeur et adressée au préfet du département de résidence de l'étranger. La décision relative à cette demande est prise par le préfet qui se prononce selon les éléments d'appréciation précisés à l'article R. 5221-20 du code du travail.

11. A l'appui de sa demande de titre de séjour, M. B...a produit une demande d'autorisation de travail, formée le 6 juin 2016 par le chef d'un établissement public d'enseignement scolaire, relative à un poste d'assistant d'éducation sous couvert d'un contrat à durée déterminée de douze mois, renouvelable une fois. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Loiret, éclairé par un avis émis le 26 janvier 2017 par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, a estimé, d'une part, que la situation de l'emploi dans le département du Loiret est défavorable dans ce secteur professionnel, 141 demandes d'emploi ayant été recensées pour seulement 47 offres et, d'autre part, que l'intéressé n'avait fourni aucun justificatif de travail ou de formation permettant d'apprécier l'adéquation entre ce poste et ses qualifications et expériences professionnelles.

12. D'une part, la seule circonstance que l'établissement scolaire se proposant de recruter M. B... accueille un public réputé " sensible ", ainsi qu'en atteste le chef de cet établissement sans toutefois faire état de difficultés de recrutement ni de recherches demeurées infructueuses pour cette raison, ne permet pas de regarder l'emploi que M. B...se propose d'exercer comme présentant une spécificité particulière. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le " sens du relationnel " du requérant, ses " qualités sportives " ainsi que sa " connaissance de la langue arabe et des nouvelles technologies " le distingueraient, à cet égard, d'autres candidats. Dès lors, le préfet, à qui il n'appartenait pas, contrairement à ce que soutient le requérant, de solliciter de la part de l'employeur des justifications supplémentaires, n'a entaché sa décision ni d'erreur de droit au regard du premier alinéa de l'article R. 5221-20 du code du travail précité ni de défaut d'examen sérieux et particulier, en ne se prononçant pas sur la prétendue spécificité de l'emploi. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru lié par les données chiffrées communiquées par Pôle Emploi.

13. D'autre part, il n'est pas contesté que M. B...n'a produit à l'appui de sa demande aucun document attestant de l'adéquation entre le poste d'assistant d'éducation en collège et ses qualifications, expériences et diplômes. Il produit devant le juge une attestation de baccalauréat et la copie de son diplôme de technicien spécialisé " Analyste en informatique de gestion ", tendant à établir qu'il dispose d'une qualification suffisante et adéquate au poste, lequel est accessible aux titulaires d'un diplôme du niveau du baccalauréat. Toutefois, dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'emploi qu'il entend exercer présenterait une spécificité nécessitant un profil très spécialisé, en prenant la décision de refus contestée, légalement justifiée par la situation de l'emploi, le préfet n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R. 5221-20 du code du travail.

14. En troisième lieu, si M. B...soutient que le préfet du Loiret aurait dû faire usage à son endroit de son pouvoir discrétionnaire de régularisation et lui délivrer le titre de séjour sollicité, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation sur ce point.

En ce qui concerne le titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " :

15. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; / (...) ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

16. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., dont la mère est décédée, séjournait en France, à la date de la décision contestée, depuis six ans et demi. Il a noué sur le territoire français de nombreuses et étroites relations amicales. Depuis son arrivée en France, il réside avec les mêmes personnes dont il avait fait la connaissance au Maroc et qu'il désigne comme sa " famille de coeur ". Toutefois, alors que ses neuf frères et soeurs résident au Maroc où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de 27 ans, la décision contestée ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

17. En deuxième lieu, le préfet n'est tenu de saisir, en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour, mentionnée à l'article L. 312-1 de ce code, que du cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit un titre de séjour et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour demandé et non de celui de tous les étrangers qui sollicitent la délivrance d'un tel titre. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, M. B...n'était pas en droit de se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, en s'abstenant de saisir la commission du titre de séjour, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

18. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale du requérant.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué du 9 janvier 2018, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de lé décision préfectorale du 15 février 2017 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision d'obligation de quitter le territoire français :

20. Pour exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, M. B...n'a pas soulevé de moyen autre que ceux dirigés, par voie d'action, contre cette décision. Il résulte des motifs énoncés aux points 6 à 19 du présent arrêt que l'exception d'illégalité doit être écartée.

21. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 15 février 2017 par laquelle le préfet du Loiret l'a obligé à quitter le territoire français.

Sur le surplus des conclusions :

22. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par le requérant ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans du 23 mai 2017 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. B..., présentée devant le tribunal administratif d'Orléans, dirigées contre la décision du préfet du Loiret du 15 février 2017 l'obligeant à quitter le territoire français sont rejetées.

Article 3 : Le surplus de la requête d'appel est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera adressée au préfet du Loiret.

Délibéré après l'audience du 23 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Brisson, président-assesseur,

- Mme Bougrine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 novembre 2018.

Le rapporteur,

K. BOUGRINELe président,

A. PEREZ

Le greffier,

A. BRISSET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°s 17NT03691, 18NT01780 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03691
Date de la décision : 09/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. DERLANGE
Avocat(s) : SELARL DUPLANTIER MALLET GIRY ROUICHI

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-11-09;17nt03691 ?
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