Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le conseil régional de l'ordre des architectes des Pays-de-la-Loire a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler ou, à défaut, de résilier le marché de conception-réalisation attribué par le département de la Loire-Atlantique au groupement " OBM - Rocheteau-Saillard " pour la construction d'un collège sur le territoire de la commune de Pontchâteau.
Par un jugement n° 1409223 du 23 mars 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 mai 2017, et un mémoire enregistré le 9 mars 2018, le conseil régional de l'ordre des architectes des Pays-de-la-Loire, représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 mars 2017 ;
2°) d'annuler ou, à défaut, de résilier le marché de conception-réalisation attribué par le département de la Loire-Atlantique au groupement " OBM - Rocheteau-Saillard " pour la construction d'un collège sur le territoire de la commune de Pontchâteau ;
3°) de mettre à la charge du département de la Loire-Atlantique le versement à son profit d'une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le recours à la passation d'un marché de conception-réalisation est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 37 du code des marchés publics.
Par un mémoire, enregistré le 3 novembre 2017, la société OBM Construction et l'agence d'architectes Rocheteau-Saillard, représentées par MeD..., concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du conseil régional de l'ordre des architectes des Pays-de-la-Loire les sommes de 3 000 euros, à verser à chacune d'elles, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent qu'aucun des moyens soulevés par le conseil régional de l'ordre des architectes des Pays-de-la-Loire n'est fondé.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 décembre 2017 et 3 avril 2018, le département de la Loire-Atlantique, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du conseil régional de l'ordre des architectes des Pays-de-la-Loire une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le conseil régional de l'ordre des architectes des Pays-de-la-Loire n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
- la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Besse, rapporteur ;
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de Me F...pour le conseil régional de l'ordre des architectes des Pays-de-la-Loire, de Me C...pour le département de la Loire-Atlantique, et de Me A...pour la société OBM Construction et l'agence d'architectes Rocheteau-Saillard.
Considérant ce qui suit :
1. Par avis d'appel public à la concurrence publié au journal officiel de l'Union européenne le 26 octobre 2013, le département de la Loire-Atlantique a lancé une procédure d'attribution d'un marché de conception-réalisation, en vue de la construction d'un collège sur le territoire de la commune de Pontchâteau, comportant vingt-quatre divisions, extensibles à vingt-huit, ainsi que quatre logements de fonctions. A l'issue de l'analyse des offres, le marché a été attribué au groupement d'entreprises " OBM - Rocheteau-Saillard ", constitué de la société OBM Construction et de l'agence d'architectes Rocheteau-Saillard Eiffage, et a été conclu le 21 août 2014. Le conseil régional de l'ordre des architectes des Pays-de-la-Loire relève appel du jugement du 23 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation, ou à défaut à la résiliation de ce marché de conception-réalisation.
Sur la validité du marché :
2. L'article 5 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, dite " grenelle I ", dispose : " I. L'Etat se fixe comme objectif de réduire les consommations d'énergie du parc des bâtiments existants d'au moins 38 % d'ici à 2020 (...) / Le droit de la commande publique devra prendre en compte l'objectif de réduction des consommations d'énergie visé au premier alinéa, en autorisant le pouvoir adjudicateur à recourir à un contrat de performance énergétique, notamment sous la forme d'un marché global regroupant les prestations de conception, de réalisation et d'exploitation ou de maintenance, dès lors que les améliorations de l'efficacité énergétique sont garanties contractuellement (...) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 7 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée : " Pour la réalisation d'un ouvrage, la mission de maîtrise d'oeuvre est distincte de celle d'entrepreneur ". Aux termes du I de l'article 18 de la même loi : " Nonobstant les dispositions du titre II de la présente loi, le maître de l'ouvrage peut confier par contrat à un groupement de personnes de droit privé ou, pour les seuls ouvrages d'infrastructure, à une personne de droit privé, une mission portant à la fois sur l'établissement des études et l'exécution des travaux, lorsque des motifs d'ordre technique ou d'engagement contractuel sur un niveau d'amélioration de l'efficacité énergétique rendent nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage. Un décret précise les conditions d'application du présent alinéa en modifiant, en tant que de besoin, pour les personnes publiques régies par le code des marchés publics, les dispositions de ce code. ". L'article 37 du code des marchés publics, dans sa rédaction issue du décret n° 2011-1000 pris en application de la loi du 3 août 2009 précitée, dispose ainsi : " Un marché de conception-réalisation est un marché de travaux qui permet au pouvoir adjudicateur de confier à un groupement d'opérateurs économiques ou, pour les seuls ouvrages d'infrastructure, à un seul opérateur économique, une mission portant à la fois sur l'établissement des études et l'exécution des travaux. / Les pouvoirs adjudicateurs soumis aux dispositions de la loi du 12 juillet 1985 susmentionnée ne peuvent, en application du I de son article 18, recourir à un marché de conception-réalisation, quel qu'en soit le montant, que si un engagement contractuel sur un niveau d'amélioration de l'efficacité énergétique ou des motifs d'ordre technique rendent nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage. / Les motifs d'ordre technique mentionnés à l'alinéa précédant sont liés à la destination ou à la mise en oeuvre technique de l'ouvrage. Sont concernées des opérations dont la finalité majeure est une production dont le processus conditionne la conception, la réalisation et la mise en oeuvre ainsi que des opérations dont les caractéristiques, telles que des dimensions exceptionnelles ou des difficultés techniques particulières, exigent de faire appel aux moyens et à la technicité propres des opérateurs économiques. ".
3. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que la passation d'un marché de conception-réalisation, qui modifie les conditions d'exercice de la mission de maître d'oeuvre, en principe distincte de celle d'entrepreneur, ne peut avoir lieu que dans des circonstances particulières d'interprétation stricte. Il résulte de l'instruction que, pour décider de la passation d'un marché de conception-réalisation, le département de la Loire-Atlantique s'est fondé, d'une part, sur un objectif de performance énergétique supérieur de 10% à la norme thermique RT 2012, d'autre part, sur des motifs d'ordre technique tenant au caractère innovant et complexe du projet, en ce qu'il portait sur la réalisation d'un collège dit " modulaire ", c'est-à-dire extensible et/ou, en tout ou partie, démontable et transférable, afin de permettre d'augmenter ou de réduire ses capacités d'accueil en fonction de l'évolution des besoins et des effectifs.
4. Toutefois, d'une part et en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que, au regard de la nature de la construction envisagée comme du procédé constructif retenu et des matériaux dont l'emploi était prévu, l'objectif d'un niveau de performance énergétique supérieur de 10 % à la norme thermique RT 2012, issue de la loi précitée du 3 août 2009, représentait en lui-même une contrainte ou une complexité telle qu'elle exigeait d'associer nécessairement les opérateurs de maîtrise d'oeuvre et les entreprises de construction dès le stade de l'établissement des études.
5. D'autre part, de même, s'agissant des motifs d'ordre technique susceptibles de justifier le marché de conception-réalisation du collège, le département maître d'ouvrage a fait le choix d'un procédé de construction reposant sur la préfabrication des éléments à agencer pour permettre le caractère " modulaire " du projet, destiné notamment à favoriser le transfert éventuel de tout ou partie des bâtiments du collège vers d'autres sites, ou l'ajout de modules provenant d'autres collèges réalisés sur le même principe. Mais il ne résulte pas de l'instruction que ce choix exigeait, au regard tant des dimensions des modules ou des matériaux utilisés que des exigences acoustiques et thermiques posées par le maître d'ouvrage et des contraintes susceptibles d'en résulter, un mode de construction spécifique présentant des difficultés techniques particulières telles qu'elles auraient nécessité d'associer l'entrepreneur aux études de l'ouvrage. Par suite, le département de la Loire-Atlantique, qui ne justifie pas de l'existence de motifs entrant dans le champ des dispositions précitées de la loi du 12 juillet 1985 et de l'article 37 du code des marchés public, ne pouvait, sur ce fondement, légalement recourir à un marché de conception-réalisation.
6. En second lieu, le département de la Loire-Atlantique soutient que l'annulation du marché de conception-réalisation en litige présenterait un caractère disproportionné. Toutefois, d'une part, l'illégalité constatée n'est pas susceptible de régularisation et apparaît suffisamment grave en ce qu'elle touche l'objet même du contrat, regroupant la fonction de maîtrise d'oeuvre et la réalisation des travaux. D'autre part, ni la circonstance tirée des besoins d'accueil des collégiens dans le département, ni celle tenant au fait que la tranche conditionnelle du marché portant sur une éventuelle extension du collège pour augmenter sa capacité à 28 divisions n'aurait pas été réalisée, ne sont suffisantes pour établir que cette annulation porterait une atteinte excessive à l'intérêt général, lié au bon fonctionnement du service public de l'éducation, alors que le collège a ouvert ses portes à la rentrée de septembre 2016. Enfin, il n'est pas davantage établi que l'annulation du marché porterait une atteinte excessive aux droits des sociétés membres du groupement " OBM - Rocheteau-Saillard ".
7. Il résulte de tout ce qui précède que le conseil régional de l'ordre des architectes des Pays-de-la-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 23 mars 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du marché de conception-réalisation conclu par le département de la Loire-Atlantique en vue de la construction du collège de Pontchâteau.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mises à la charge du conseil régional de l'ordre des architectes des Pays-de-la-Loire, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, les sommes que demandent respectivement le département de la Loire-Atlantique et la société OBM Construction ainsi que l'agence d'architectes Rocheteau-Saillard, au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Loire-Atlantique, sur ce même fondement, une somme de 1 000 euros à verser au conseil régional de l'ordre des architectes des Pays-de-la-Loire.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 23 mars 2017 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : Le marché de conception-réalisation conclu le 21 août 2014 entre le département de la Loire-Atlantique et le groupement " OBM - Rocheteau-Saillard " pour la construction du collège de Pontchâteau est annulé.
Article 3 : Le département de la Loire-Atlantique versera au conseil régional de l'ordre des architectes des Pays-de-la-Loire la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par le département de la Loire-Atlantique d'une part, et par la société OBM Construction et l'agence d'architectes Rocheteau-Saillard d'autre part, sur le fondement des dispositions de 1 'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au conseil régional de l'ordre des architectes des Pays-de-la-Loire, au département de la Loire-Atlantique, à la société OBM Construction et à l'agence d'architectes Rocheteau-Saillard.
Délibéré après l'audience du 16 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 novembre 2018.
Le rapporteur,
P. BesseLe président,
L. Lainé
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT01602