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29/10/2018 | FRANCE | N°17NT02375

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 29 octobre 2018, 17NT02375


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 305 317, 89 euros en réparation de préjudices subis.

Par un jugement n° 1410354 du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser à M. B...la somme de 9 782,90 euros en réparation de son préjudice financier.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 28 juillet 2017, le ministre de l'éducation nationale demande à la cour d'annuler l'artic

le 2 du jugement du 30 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 305 317, 89 euros en réparation de préjudices subis.

Par un jugement n° 1410354 du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser à M. B...la somme de 9 782,90 euros en réparation de son préjudice financier.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 28 juillet 2017, le ministre de l'éducation nationale demande à la cour d'annuler l'article 2 du jugement du 30 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à payer à M. B...la somme de 9 782,90 euros en réparation de son préjudice financier résultant de l'absence de prise en charge totale des honoraires de son avocat dans le cadre de la protection fonctionnelle qui lui a été accordée, ainsi que l'article 3 du même jugement mettant à la charge de L'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter la demande de M.B....

Il soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de droit :

* les conclusions de M.B... tendant à l'indemnisation de son préjudice financier résultant de l'insuffisance de prise en charge de ses honoraires d'avocat étaient irrecevables faute de contestation dans le délai raisonnable d'un an de la décision du recteur de l'académie de Nantes du 5 octobre 2015 refusant à l'intéressé le remboursement de la totalité de ses honoraires d'avocat ;

* la décision du recteur du 5 octobre 2015 était devenue définitive et le requérant n'était pas recevable, dans le cadre d'un recours indemnitaire de plein contentieux, à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme qu'il estimait lui être due au titre de la prise en charge de ses frais d'avocat ;

- l'évaluation du préjudice financier subi par M. B...résultant de l'absence de la prise en charge totale des honoraires de son avocat dans le cadre de la protection fonctionnelle est excessive, l'administration n'étant pas tenue de prendre en charge les primes de résultat, de surcroît non connues à l'avance, que s'octroient les avocats dans les affaires qu'ils défendent.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 et 26 février 2018, M. B...conclut dans le dernier état de ses écritures au rejet de la requête, à l'annulation du jugement du 30 mai 2017 en tant qu'il a limité l'indemnisation de son préjudice financier résultant de l'absence de prise en charge totale des honoraires de son avocat dans le cadre de la protection fonctionnelle qui lui a été accordée à la somme de 9 782,90 euros et de porter cette somme à 12 782,90 euros, et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif de Nantes a, à tort, déduit des sommes restées à sa charge la somme de 3 000 euros mise à la charge de l'auteur de l'infraction par le tribunal correctionnel de Laval ;

- les autres moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- les observations de M.B....

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., professeur certifié, a été victime le 12 janvier 2009 dans l'établissement où il était affecté d'une agression par un élève. Suite à cette agression, le recteur de l'académie de Nantes a accordé à M. B...la protection fonctionnelle par un arrêté du 19 janvier 2009. Par un jugement du 22 mars 2013, le tribunal correctionnel de Laval a déclaré l'élève ayant agressé M. B...civilement responsable des faits survenus le 12 janvier 2009, a sollicité une expertise médicale et a sursis à statuer dans l'attente du rapport d'expertise. Ce même tribunal a, par jugement en date du 24 octobre 2014, condamné l'agresseur à réparer plusieurs des préjudices subis par le requérant, en particulier son déficit fonctionnel temporaire, les souffrances endurées, son préjudice esthétique permanent et son préjudice sexuel et l'a débouté de ses demandes relatives au préjudice d'agrément, au préjudice esthétique temporaire et au préjudice d'établissement. Par une décision du 2 juillet 2015, la commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) près le tribunal de grande instance de Laval a condamné le fonds de garantie à indemniser M. B...de plusieurs préjudices, en particulier la perte de gains professionnels futurs, les incidences professionnelles de l'agression et le déficit fonctionnel permanent pour un somme totale de 366 515,62 euros.

2. Par son recours, le ministre de l'éducation nationale relève régulièrement appel du jugement du 30 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à payer à M. B...la somme de 9 782,90 euros en réparation de son préjudice financier résultant de l'absence de prise en charge totale des honoraires de son avocat dans le cadre de la protection fonctionnelle qui lui a été accordée, ainsi que l'article 3 du même jugement mettant à la charge de L'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

4. D'une part, il résulte de l'instruction que M. B...a demandé au recteur de l'académie de Nantes, le 3 mars 2016, le remboursement intégral de ses frais d'avocat, déduction faite d'autres paiements intervenus postérieurement " à la note initiale ", ainsi que de la somme de 8 000 euros que l'administration s'était engagée à prendre en charge auprès du conseil de l'intéressé. De par son objet et les personnes concernées, la demande du 3 mars 2016 ne saurait être assimilée à la demande du 4 aout 2015 faite par le conseil de l'intéressé. Par un courrier du 14 mars 2016, le recteur a rejeté la demande de M. B.... Dans ces conditions, les conclusions de M. B..., enregistrées le 8 mars 2017 au greffe du tribunal administratif de Nantes, tendant à obtenir l'indemnisation de son préjudice financier résultant de l'insuffisante prise en charge de ses honoraires d'avocat n'excédent pas le délai raisonnable d'un an. La circonstance que, par lettre du 5 octobre 2015, le recteur ait informé le conseil de l'intéressé que l'administration ne prendrait ces honoraires à sa charge qu'à hauteur de 8 000 euros est sans influence à cet égard, dès lors que cette lettre n'a pas été adressée à M. B...et qu'il ne ressort aucunement des termes du courriel du 3 mars 2016 que M. B...en aurait eu connaissance.

5. D'autre part, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. / La collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle (...) " ;

6. Il ne ressort d'aucun texte ni d'aucun principe que l'administration pourrait limiter a priori le montant des remboursements alloués à l'agent bénéficiaire de la protection fonctionnelle. Ce montant est calculé au regard des pièces et des justificatifs produits et de l'utilité des actes ainsi tarifés dans le cadre de la procédure judiciaire. L'administration peut toutefois décider, sous le contrôle du juge, de ne rembourser à son agent qu'une partie seulement des frais engagés lorsque le montant des honoraires réglés apparaît manifestement excessif au regard, notamment, des pratiques tarifaires généralement observées dans la profession, des prestations effectivement accomplies par le conseil pour le compte de son client ou encore de l'absence de complexité particulière du dossier.

7. Il n'est pas contesté que la note d'honoraires des frais d'avocat produite par M. B..., dans le cadre de la procédure engagée pour obtenir l'indemnisation qui lui était due à la suite de l'agression dont il a été victime et pour laquelle il avait obtenu la protection fonctionnelle, correspond à des diligences effectivement accomplies par son conseil et a été acquittée par l'intéressé. Aucune règle n'avait été établie au préalable, entre l'administration et son agent, quant au montant des honoraires pris en charge. En dépit de la circonstance que les frais d'honoraire convenus entre l'intéressé et son conseil pour un montant total de 24 222,90 euros comprenne un complément de résultat constitué par un pourcentage de 5 % de l'indemnité que M. B... a obtenu auprès de la CIVI, soit 18 875,75 euros HT, eu égard aux pratiques tarifaires généralement observées dans la profession, aux prestations effectivement accomplies par le conseil pour le compte de son client et de la complexité particulière du dossier, le montant des honoraires réglés au conseil de l'intéressé n'apparaît pas manifestement excessif en l'espèce.

8. M. B... soutient, dans le cadre de son appel incident, que le tribunal administratif de Nantes a, à tort, déduit des sommes restées à sa charge la somme de 3 000 euros mise à la charge de l'auteur de l'infraction par le tribunal correctionnel de Laval, dans la mesure où l'auteur de l'infraction est insolvable. Toutefois, la circonstance que l'agresseur de M. B... soit insolvable à la date du 28 septembre 2017, ne fait pas obstacle à l'exécution ultérieure de la décision de justice à l'origine de la dette de l'intéressé, l'exécution des décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif pouvant être poursuivie pendant dix ans. En outre, il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté, que M. B...a également obtenu, dans le cadre de l'instance introduite devant la CIVI, une somme de 2 000 euros au titre des frais de justice et que l'intéressé a été remboursé au moins partiellement des frais d'avocat par son assureur à hauteur de 1 440 euros. Dans ces conditions, le tribunal n'a pas fait une inexacte appréciation de l'entier préjudice financier de M. B..., résultant de l'insuffisante prise en charge de ses honoraires d'avocat, en l'évaluant à la somme totale de 9 782,90 euros.

Sur les frais liés au litige :

9. Compte tenu de ce qui précède, les conclusions du ministre tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement attaqué accordant à M. B...une somme de 1200 euros au titre des frais liés au litige lié en première instance doivent être rejetées, l'Etat devant être considéré comme partie perdante en première instance. Il n'y a pas lieu, par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de M. B...tendant au versement par l'Etat d'une somme de 2000 euros au titre des frais exposés devant la cour.

DECIDE :

Article 1er : Le recours du ministre de l'éducation nationale ainsi que les conclusions relatives au frais de l'instance et d'appel incident de M. B... sont rejetés.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale et à M. A...B....

Copie sera adressée au recteur de l'académie de Nantes

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 octobre 2018.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°17NT02375


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT02375
Date de la décision : 29/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : CABINET BENOIT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-10-29;17nt02375 ?
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