Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, à hauteur de 113 506 euros, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et, à hauteur de 34 382 euros, des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2009.
Par un jugement n° 1507774 du 21 décembre 2016, le tribunal administratif de Nantes a prononcé la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2009 (article 1er) et a rejeté le surplus de ses conclusions (article 2).
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er mars 2017, 11 janvier 2018 et 19 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler l'article premier de ce jugement ;
2°) de remettre à la charge de M. C...la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2009 à hauteur, en droits et pénalités, de 122 722 euros et les prélèvements sociaux supplémentaires dus au titre de cette même année à hauteur, en droits et pénalités, de 27 507 euros.
Il soutient que :
- le tribunal a statué ultra petita en ordonnant la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels M. C...a été assujetti au titre de l'année 2009 alors que sa demande se limitait à 147 888 euros ;
- le tribunal a omis de statuer sur les moyens, indépendant de la notion de maîtrise de l'affaire, tenant aux rectifications, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, portant sur le prélèvement dans la caisse de l'entreprise et la dépense de décoration ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, M. C...exerçait de fait la direction de la société par actions simplifiée (SAS) Le Seventy's Club et était donc le maître de l'affaire ;
- l'article L. 76 du livre des procédures fiscales n'a pas été méconnu dès lors que la catégorie d'imposition, les nature et bases d'imposition ainsi que les motifs de droit et de fait justifiant le recours à la procédure de taxation d'office sont mentionnés ;
- le défaut de production du procès-verbal annoncé en page 8 de la proposition de rectification de la société est sans incidence sur la procédure d'imposition concernant M. C... ;
- l'imposition, sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, du prélèvement de 34 758,38 euros, est justifiée dès lors qu'il constitue une libéralité sans contrepartie ;
- l'imposition, sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, de la somme de 309 euros, est justifiée dans la mesure où la société avait comptabilisé une dépense de décoration engagée au bénéfice de M. C... ;
- il est fait droit au moyen tiré de ce que l'assiette des prélèvements sociaux ne doit pas être majorée du coefficient multiplicateur de 1,25.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 septembre 2017 et le 16 avril 2018, M. B...C..., représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés ;
- il n'a pas été destinataire de la proposition de rectification n° 3924 adressée à la société alors que la proposition de rectification qui lui a été adressée est motivée par référence à la première ; la proposition de rectification n'est pas motivée au regard des articles L. 57 et L. 76 du livre des procédures fiscales ;
- à titre subsidiaire, la proposition de rectification adressée à la société mentionne en page 8 une annexe qui n'est pas jointe ;
- l'administration fiscale a appliqué une majoration de 1,25 pour l'assiette des prélèvements sociaux qui est injustifiée ainsi que l'a jugé à deux reprises le Conseil Constitutionnel ;
- la rectification de 122 361 euros n'est pas motivée en droit ;
- le c de l'article 111 du code général des impôts n'est pas applicable à la rectification portant sur la somme de 34 758,38 euros dès lors que l'objet du mouvement et son bénéficiaire apparaissent en comptabilité ;
- à titre subsidiaire, l'avantage réputé distribué au titre du prélèvement dans la caisse de la société ne saurait excéder 21 258,38 euros.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 11 mai 2017 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Malingue,
- et les conclusions de M. Jouno, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de la vérification de comptabilité de la société par actions simplifiée (SAS) Le Seventy's Club qui exploitait un fonds de commerce de bar de nuit et de discothèque, l'administration fiscale a, par proposition de rectification du 19 mai 2011, imposé entre les mains de M.C..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, des omissions de recettes et diverses charges remises en cause lors du contrôle de cette société et rectifié, au titre de l'année 2009, le montant des traitements et salaires ainsi que le quotient familial déclarés. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prelèvements sociaux résultant de ce contrôle ont été mises en recouvrement le 31 décembre 2011 pour un montant total en droits et pénalités de, s'agissant de l'impôt sur le revenu, 122 722 euros et, s'agissant des prélèvements sociaux, de 34 382 euros. Après le rejet, par décision du 21 juillet 2015, de sa réclamation préalable du 31 décembre 2014, M. C...a sollicité auprès du tribunal administratif de Nantes une réduction de ces impositions. Par un jugement du 21 décembre 2016, ce tribunal a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2009 (article 1er) et a rejeté le surplus de ses conclusions (article 2). Le ministre demande l'annulation de l'article 1er de ce jugement et demande, dans le dernier état de ses écritures, que soient remises à la charge de M. C...la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2009 à hauteur, en droits et pénalités, de 122 722 euros et les prélèvements sociaux supplémentaires dus au titre de cette même année à hauteur, en droits et pénalités, de 27 507 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte, d'une part, de l'instruction que, tant dans sa réclamation préalable du 31 décembre 2014 auprès de l'administration fiscale que dans sa demande devant le tribunal administratif de Nantes, M. C...avait demandé non la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2009 mais la réduction de cette imposition à concurrence de 113 506 euros. Par suite, en accordant au contribuable la décharge de l'intégralité de cette imposition, le tribunal administratif s'est mépris sur l'étendue du litige qui lui était soumis. De ce fait, son jugement est irrégulier et doit être annulé en ce qu'il statue sur une somme excédant 113 506 euros. Aucune question ne restant à juger, il n'y a pas lieu d'évoquer la demande sur ce point.
3. D'autre part, il résulte également de l'instruction que, pour demander au tribunal administratif la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et la décharge des prélèvements sociaux auxquels M. C...a été assujetti au titre de l'année 2009, l'intéressé s'était notamment prévalu de l'absence de caractère occulte du revenu correspondant au remboursement de la somme de 34 758,38 euros compte tenu de la mention de l'objet du mouvement et de son bénéficiaire en comptabilité, de l'absence d'avantage occulte, partiel à tout le moins, correspondant à la somme de 34 758,38 euros compte tenu du dépôt de garantie payé par M. C...et du fait que la dépense de 370 euros correspondant à des travaux de décoration constitue une charge propre à la société. Or le tribunal n'a pas pris position de manière explicite sur le caractère de revenu distribué de ces sommes. Ces moyens n'étaient pas inopérants et étaient indépendants de la notion de maitre de l'affaire utilisée pour déterminer l'appréhension des revenus distribués issus des recettes dissimulées par la SAS Le Seventy's Club. Dès lors, son jugement est insuffisamment motivé et son article premier doit être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... tendant à la décharge, en droits et pénalités, à hauteur de 113 506 euros, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et, à hauteur de 34 382 euros, des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2009.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
5. En l'absence de dépôt de sa déclaration de revenus dans le délai de trente jours après mise en demeure, M. C...a fait l'objet d'une procédure d'imposition d'office en vertu du 1° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, dont la régularité n'est pas contestée. Par conséquent, l'intéressé ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales qui n'est applicable qu'à la procédure de rectification contradictoire.
6. L'article L. 76 du livre des procédures fiscales dispose que : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions.(...) ".
7. Il résulte de l'instruction que la notification du 19 mai 2011 des bases imposées d'office adressée à M. C...précise de manière détaillée, s'agissant des revenus de capitaux mobiliers, les motifs qui ont conduit le vérificateur à estimer que l'intéressé exerçait la direction de fait de la SAS Seventy's Club et était donc le bénéficiaire des distributions ainsi que les motifs de droit et de fait qui ont amené le vérificateur à imposer dans cette catégorie la somme de 309,36 euros en sa qualité de charge non déductible, la somme de 34 758,38 euros en sa qualité de prélèvement dans la caisse et la somme de 122 361 euros au titre des recettes dissimulées. Par ailleurs, si M. C...soutient que la notification est irrégulière faute d'avoir joint la proposition de rectification adressée à la société alors que le vérificateur y faisait référence, le renvoi à ce document est limité à la seule possibilité d'une présentation plus détaillée de la méthode de reconstitution des recettes et de ses résultats de la société, il résulte de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales que le vérificateur, qui a mentionné la liste des factures d'achat non comptabilisées ainsi que le montant des recettes dissimulées, n'était pas tenu de faire figurer ces indications dans la notification. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales doit être écarté.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
8. En vertu du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, sont considérés comme revenus distribués tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital. Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ". En vertu du c de l'article 111 du code général des impôts, sont considérés comme revenus distribués les rémunérations et avantages occultes.
En ce qui concerne la qualité de maître de l'affaire :
9. Le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.
10. L'administration fiscale a relevé que la SAS Le Seventy's Club, dont le capital social était détenu par la concubine de M. C...et le frère de cette dernière, a embauché le requérant en qualité de directeur de l'établissement et que ce dernier résidait aux Sables d'Olonne à proximité de l'établissement de nuit tenu par la société tandis que la présidente de la société résidait en région parisienne, qu'il était le seul interlocuteur vis-à-vis des fournisseurs, qu'il assurait la gestion quotidienne de l'établissement et du personnel et que, bien que n'étant pas associé, il avait pris des engagements de caution en faveur de la société. Si M. C...fait valoir que la présidente exerçait son rôle, ainsi qu'en atteste sa participation aux assemblées générales, et qu'il ne disposait pas de la signature des comptes bancaires, il ressort néanmoins des déclarations faites par celle-ci lors de son audition durant la procédure judiciaire et citées dans l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 8 novembre 2013, qui ne sont pas contredites par M.C..., qu'elle n'est pas intervenue directement dans la gestion de la société avant sa mise en liquidation judiciaire prononcée par jugement du 7 décembre 2011 et, plus particulièrement, s'agissant de la disposition des fonds, qu'elle signait en blanc les chèques que M. C...remplissait. Ce même arrêt mentionne, de manière non contestée, que M. C...a reconnu que " s'il ne s'était pas mis président de la SAS, c'est qu'il était interdit bancaire ". Par ailleurs, il n'est pas contesté que l'autre associé n'exerçait pas ses droits. Ainsi, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, quand bien même seule la présidente de la société disposait d'une délégation de signature sur les comptes bancaires en bonne et due forme, M.C..., qui exerçait la responsabilité effective de l'ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société et disposait sans réel contrôle de ses fonds, doit être regardé comme le seul maître de l'affaire. Par conséquent, il est présumé avoir appréhendé les revenus distribués tirés des recettes dissimulées par la SAS Le Seventy's Club.
En ce qui concerne la dépense de travaux de décoration de 309 euros :
11. En se bornant à indiquer qu'il se réserve la possibilité d'apporter en cours d'instance tout justificatif confirmant qu'a été engagée dans l'intérêt de l'entreprise la dépense de 309 euros pour travaux de décoration, que l'administration fiscale a remis en cause au motif que la facture correspondante portait la mention de M. C...comme bénéficiaire, le requérant n'apporte pas la preuve qui lui incombe que l'imposition en tant que revenu distribué entre ses mains d'une charge comptabilisée dans les comptes de la SAS Le Seventy's Club mais non engagée dans son intérêt n'est pas fondée.
En ce qui concerne le prélèvement de 34 758,38 euros :
12. Après avoir estimé que l'inscription de la somme de 34 758,38 euros en compte 275000 Dépôts et cautionnements versés n'était pas justifiée et que la SAS Le Seventy's Club ne pouvait être reconnue redevable de la somme de 34 758,38 euros portée au compte 467000 à la faveur de M.C..., le vérificateur a estimé que l'inscription du prelèvement de cette somme au crédit du compte caisse entraînait une diminution injustifiée de l'actif net de l'entreprise, assimilable à une libéralité, et a imposé cette somme en tant que rémunération occulte sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. Si M. C...soutient que cette écriture correspond au remboursement de l'avance qu'il avait consentie pour payer le dépôt de garantie des locaux commerciaux de la SAS Le Seventy's Club, il ne produit aucun élément, alors que la charge de la preuve du caractère exagéré de l'imposition lui incombe, de nature à établir qu'il a effectivement procédé à cette avance sur ses fonds personnels. L'administration fiscale était, par suite, fondée à estimer que cette somme était représentative d'une libéralité et à l'imposer sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, quand bien même elle avait été portée en comptabilité avec l'indication de son objet, de son montant et de son destinataire dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause.
13. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé est soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a prononcé la décharge des impositions.
Sur les conclusions relatives aux frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M.C..., qui, au demeurant, a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, la somme que celui-ci réclame au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n°1507774 du 21 décembre 2016 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2009 à hauteur, en droits et pénalités, de 122 722 euros et les prélèvements sociaux supplémentaires dus au titre de cette même année à hauteur, en droits et pénalités, de 27 507 euros sont remis à la charge de M.C....
Article 3 : La demande et le surplus des conclusions d'appel de M. C...sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 octobre 2018.
Le rapporteur,
F. MalingueLe président,
F. BatailleLe greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17NT007532