Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...et Mme D...A..., épouse B...ont demandé au Tribunal Administratif de Nantes d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 1er octobre 2015 rejetant la demande de visa de M.B....
Par un jugement n° 1506721 du 21 juin 2017, le Tribunal Administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 1er octobre 2015.
Procédure devant la cour :
Par un recours, enregistrés le 9 août 2017, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 juin 2017 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B...et MmeA..., épouse B...devant le tribunal administratif.
Il soutient que
- la décision de refus de visa est justifiée par le défaut d'intention matrimoniale des époux et le caractère complaisant de leur mariage, destiné à permettre l'installation de M. B...sur le territoire français ;
- le tribunal, qui n'a pas reconnu le caractère complaisant du mariage, a commis une erreur d'appréciation.
La requête a été communiquée à M. B...et MmeA..., qui n'ont pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Degommier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur interjette appel du jugement du 21 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 1er octobre 2015 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant la demande de visa présentée par M. C...B...en qualité de conjoint de ressortissant français.
2. Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Outre le cas mentionné au deuxième alinéa, le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public ". Il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, sur la base d'éléments précis et concordants, de nature à justifier légalement le refus de visa. La seule circonstance que l'intention matrimoniale d'un seul des deux époux ne soit pas contestée ne fait pas obstacle à ce qu'une telle fraude soit établie.
3. Pour confirmer le refus de visa opposé à M.B..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a estimé que le mariage de M. B...et Mme A...a été contracté dans le seul but de permettre l'établissement en France de l'intéressé, la commission relevant l'absence de preuves suffisamment probantes du maintien d'échanges réguliers et constants entre les époux depuis leur mariage et l'absence de projet concret de vie commune.
4. Il ressort des pièces du dossier que M.B..., entré irrégulièrement en France, a été condamné en 2014 pour usage de faux documents, après avoir été interpellé, le 8 octobre 2013, en raison de la détention et l'usage de faux papiers belges, puis a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, le 26 mars 2014. M. B...a épousé MmeA..., ressortissante française, le 7 février 2015, au Havre. Depuis la date de cette union, les seuls éléments produits pour établir la réalité de leurs liens se limitent à de conversations électroniques datant de mai et juin 2015 et à quelques photographies d'un voyage de Mme A...en Tunisie en mai 2015. Par ailleurs, il ressort du procès-verbal de l'audition de Mme A...à la police aux frontières du Havre le 10 juillet 2017, que celle-ci n'a pas rendu visite à son époux depuis ce voyage, qu'elle n'a pu fournir aucune photographie du couple, notamment celles de leur mariage et qu'elle se borne à se prévaloir de discussions téléphoniques avec lui. Cette audition fait également apparaître des contradictions quant aux circonstances de leur rencontre, la version initiale d'une rencontre lors d'une soirée chez des amis, indiquée dans la demande de première instance, étant remplacée par celle d'une rencontre " dans la rue au Havre, au rond-point ", sans plus de précisions. MmeA..., qui indique ne pas souhaiter rejoindre son époux en Tunisie, vit seule et indique ne plus être en contact avec sa famille. Les déclarations de Mme A...quant à son union matrimoniale avec M. B...sont ainsi apparues évasives et dépourvues de consistance. Il existe dans ces conditions, des éléments précis et concordants permettant d'établir que le mariage dont il s'agit a été contracté dans le seul but de permettre l'établissement en France de M.B..., de sorte que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas commis d'erreur d'appréciation en se fondant sur le motif ci-dessus rappelé pour rejeter le recours de M. B...et MmeA.... Par suite, c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur l'erreur d'appréciation commise par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B...et Mme A...devant le tribunal administratif.
6. En premier lieu, il résulte des dispositions des articles 1er et 5 du décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000, instituant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, qu'en raison des pouvoirs ainsi conférés à la commission, les décisions par lesquelles elle rejette les recours introduits devant elle se substituent à celles des autorités diplomatiques et consulaires qui lui sont déférées ; par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision consulaire est inopérant.
7. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point n° 4, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, après avoir cité les textes dont elle a fait application, a confirmé le refus de visa opposé à M. B...au motif que le mariage de M. B... et Mme A...a été contracté dans le seul but de permettre l'établissement en France de l'intéressé, la commission relevant l'absence de preuves suffisamment probantes du maintien d'échanges réguliers et constants entre les époux depuis leur mariage, l'absence de projet concret de vie commune, ainsi que la condamnation de l'intéressé pour détention frauduleuse de plusieurs faux documents administratifs. Ce faisant, la commission de recours a suffisamment motivé sa décision.
8. En troisième lieu, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas fondé sa décision sur la menace à l'ordre public que présenterait M. B..., mais sur l'absence d'intention matrimoniale des époux. Par suite le moyen tiré de l'absence de menace à l'ordre public est inopérant.
9. En dernier lieu, en l'absence d'intention matrimoniale avérée, la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée au droit des intimés au respect de leur vie privée et familiale.
10. Il résulte de ce qui précède que le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 1er octobre 2015 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 21 juin 2017 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...et Mme A...devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, à M. C...B...et à Mme E...A....
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique le 22 octobre 2018.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIER
Le président,
J-P. DUSSUETLe greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT02511