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15/10/2018 | FRANCE | N°17NT03113

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 15 octobre 2018, 17NT03113


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 26 juin 2017 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé sa remise aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence, l'astreignant à remettre son passeport et à se présenter quotidiennement à la gendarmerie et lui interdisant de sortir de la commune de la Guerche-de-Bretagne.

Par un jugement n° 1702907, 1702908 du 3 juillet 2017

, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé l'article 3 de l'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 26 juin 2017 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé sa remise aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence, l'astreignant à remettre son passeport et à se présenter quotidiennement à la gendarmerie et lui interdisant de sortir de la commune de la Guerche-de-Bretagne.

Par un jugement n° 1702907, 1702908 du 3 juillet 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé l'article 3 de l'arrêté du 26 juin 2017 portant assignation à résidence interdisant à M. A...de sortir de la commune de la Guerche-de-Bretagne sans autorisation préfectorale et a rejeté le surplus des demandes de l'intéressé.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 octobre 2017, M. A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 juillet 2017 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;

2°) d'annuler les arrêtés du 26 juin 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de l'autoriser à solliciter l'asile en France et de lui délivrer un titre de séjour provisoire sur ce fondement dans le délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les informations communiquées au moyen des brochures dites A et B issues de l'annexe X du règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ne reprennent pas l'intégralité des informations prévues à l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 et les critères énoncés aux articles 11, 13, 14 et 15 de ce règlement n'ont pas été portés à sa connaissance ; il n'a pas été informé des procédures à suivre pour exercer son droit d'accès et de rectification des données le concernant ;

- l'arrêté contesté portant remise aux autorités italiennes est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et contraire aux dispositions des articles 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il existe un risque avéré qu'il ne puisse pas être soigné en Italie ou pendant son transfert ;

- la décision portant assignation à résidence est insuffisamment motivée et révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit.

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine, pour lequel il n'a pas été produit de mémoire.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 août 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen, relève appel du jugement du 3 juillet 2017 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juin 2017 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé sa remise aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que des articles 1 et 2 de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence et l'astreignant à remettre son passeport et à se présenter quotidiennement à la gendarmerie.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté de remise aux autorités italiennes :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; c) de l'entretien individuel en vertu de 1'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de 1'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...) ".

3. M. A...soutient qu'il n'a pas reçu l'intégralité des informations prévues à l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013, notamment en ce qui concerne les critères énoncés aux articles 11, 13, 14 et 15 de ce règlement et son droit d'accès et de rectification des données le concernant. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé s'est vu remettre, le 25 janvier 2017, le guide du demandeur d'asile ainsi que la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de ma demande ' " et la brochure B intitulée " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce que cela signifie ' ". Ces trois documents, qui comprennent l'ensemble des informations prévues par les dispositions citées au point précédent, notamment quant aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile et au droit d'accès et de rectification des données à caractère personnel, lui ont été remis en langue française, langue que l'intéressé a déclaré comprendre. Le requérant a ainsi bénéficié d'une information complète sur l'application de ce règlement, de sorte que le moyen tiré de la méconnaissance des obligations d'information prévues par l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé.

4. En second lieu, selon le 2 de l'article 3 du règlement susvisé n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

5. Si l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Si M.A..., qui souffre d'une tuberculose pulmonaire bilatérale, soutient que les demandes d'asiles ne seraient pas traitées actuellement en Italie dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, il ne produit aucun élément concret à l'appui de cette allégation pour renverser la présomption contraire et ne démontre pas davantage qu'il serait personnellement, en raison de sa pathologie qui nécessite un suivi régulier actuellement effectué au centre hospitalier universitaire de Rennes, exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie. Il ne démontre pas davantage en quoi son transfert vers l'Italie l'exposerait à des risques particuliers. Ainsi, le moyen tiré de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions des articles 3-2 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut qu'être écarté. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

6. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté contesté, M. A...est assigné à résidence à la résidence hôtelière " le Chêne Vert " située à Guerche de Bretagne pour une durée de quarante-cinq jours. L'article 2 du même arrêté précise que l'intéressé est, en outre, astreint à remettre l'original de son passeport et se présenter une fois par jour à 17 heures à la gendarmerie de cette commune afin de faire constater qu'il respecte la mesure d'assignation à résidence dont il fait l'objet. L'article 3 de la même décision, interdisant à M. A...de sortir de la commune de la Guerche-de-Bretagne sans autorisation préfectorale, a été annulé par les premiers juges.

7. En premier lieu, l'arrêté contesté, dont seuls les articles 1 et 2 restent en vigueur, vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et rappelle la situation administrative de l'intéressé. Cette décision fait état des problèmes de santé du requérant en mentionnant notamment le certificat médical du 6 février 2017 délivré par l'office français de l'immigration et de l'intégration indiquant qu'il a débuté un traitement le 31 octobre 2016 ainsi que les ordonnances en date des 4 janvier et 9 mars 2017 produites par l'intéressé. Il précise que l'intéressé présente des garanties de représentation suffisantes propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de réadmission. Par suite, les moyens tirés d'une insuffisante motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ne peuvent qu'être écartés.

8. En second lieu, si M. A...justifie par les convocations qu'il produit devoir se rendre régulièrement au centre hospitalier universitaire de Rennes dans le cadre du suivi de sa pathologie, il ne ressort pas des pièces produites que l'obligation de se présenter tous les jours à la gendarmerie de la Guerche-de-Bretagne à 17 heures rendrait impossible la poursuite de ces soins ou que des aménagements ne pourraient être admis en cas de concomitance avec un rendez-vous médical préalablement signalé à la gendarmerie. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, contraire à la liberté d'aller et de venir et entachée d'une erreur de droit ne peuvent qu'être écartés.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif a rejeté le surplus de ses demandes.

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

10. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de l'autoriser à solliciter l'asile en France et de lui délivrer un titre de séjour provisoire et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2018.

Le rapporteur,

V. GELARDLe président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17NT03113


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NT03113
Date de la décision : 15/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : LE BOURHIS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-10-15;17nt03113 ?
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