Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...G...a demandé au tribunal administratif de Caen :
1°) d'annuler la décision du 14 septembre 2016 par laquelle le préfet de l'Orne a refusé de constater la péremption du permis de construire délivré le 22 mai 2007 à la société Innovent en vue de la construction de deux éoliennes et d'un poste de livraison situés à Argentan ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet, intervenue le 18 septembre 2016, née du silence gardé par le préfet de l'Orne a sa demande tendant à constater la caducité du permis de construire délivré le 22 mai 2007 à la société Innovent ;
Par une ordonnance n° 1700881 du 18 janvier 2018, le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 16 mars 2018 et le 6 août 2018, M. D...G..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du président du tribunal administratif de Caen du 18 janvier 2018 ;
2°) de renvoyer, à défaut, l'affaire devant le tribunal administratif de Caen ;
3°) d'annuler la décision du 14 septembre 2016 et/ou, le cas échéant, la décision implicite intervenue le 18 septembre 2016 ;
4°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de l'Orne de constater la péremption du permis de construire accordé le 22 mai 2007 à la société Innovent et d'ordonner l'interruption du chantier, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'État et de la société Innovent une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
l'ordonnance attaquée est irrégulière pour être insuffisamment motivée ;
cette ordonnance a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article R.222-1 du code de justice administrative dès lors, d'une part, que, contrairement à ce qu'elle indique, la décision litigieuse faisait grief en refusant de modifier l'ordonnancement juridique alors même que l'autorité administrative n'aurait pas été saisie d'une demande en ce sens et, d'autre part, que les conclusions additionnelles dirigées contre la décision implicite de rejet intervenue le 18 septembre 2016 ne présentaient pas à juger un litige distinct ;
sa requête de première instance et ses conclusions additionnelles étaient recevables ;
la décision du 14 septembre 2016 a été prise par une autorité incompétente en l'absence de justification de la délégation de signature de son auteur ;
c'est à tort que le préfet de l'Orne a refusé de constater la caducité du permis de construire qu'il a délivré le 22 mai 2007 dès lors qu'en l'absence de réalisation de travaux suffisamment significatifs, qui ont, par ailleurs été interrompus, ce permis était périmé à la date des décisions litigieuses.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2018, le ministre de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- aucun des moyens de la requête de M. G...n'est fondé pour contester la régularité de l'ordonnance du président du tribunal administratif de Caen ;
- il s'en remet, pour les autres moyens développés par M.G..., aux fins de non recevoir et aux écritures présentées en première instance par le préfet de l'Orne alors que, de plus, les documents produits par le requérant ne permettent pas d'établir que le permis de construire serait caduc.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2018, la société Innovent, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. G... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucun des moyens de la requête de M. G...n'est fondé pour contester la régularité de l'ordonnance du président du tribunal administratif de Caen ;
- à titre subsidiaire, le requérant ne dispose pas d'un intérêt à agir pour contester le permis de construire en litige ;
- à titre infiniment subsidiaire, le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions contestées du préfet de l'Orne.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
le rapport de M. A... 'hirondel,
les conclusions de M. Derlange, rapporteur public,
et les observations de MeE..., représentant la société Innovent
Considérant ce qui suit :
1. M. G...relève appel de l'ordonnance du 18 janvier 2018 par laquelle le président du tribunal administratif de Caen a rejeté comme manifestement irrecevable, sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa requête tendant à l'annulation de la décision du 14 septembre 2016 et de la décision implicite intervenue le 18 septembre 2016 par lesquelles le préfet de l'Orne a refusé de constater la péremption du permis de construire qu'il a délivré le 22 mai 2007 à la société Innovent en vue de la construction de deux éoliennes et d'un poste de livraison aux lieux-dits Les Vigiles et la Pucelle sur le territoire de la commune d'Argentan.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Pour déclarer manifestement irrecevable la requête de M.G..., le président du tribunal administratif de Caen, après avoir cité les dispositions des articles R. 222-1 et R. 421-1 du code de justice administrative, a, tout d'abord, retenu que la lettre du 14 septembre 2016 du préfet de l'Orne n'avait pas eu pour effet de modifier l'ordonnancement juridique et, par suite, n'avait pu faire grief au requérant, dès lors qu'il ne constituait qu'une simple réponse au courrier que l'intéressé lui avait adressé le 13 juin 2016 ainsi qu'au ministre de l'intérieur et au procureur de la République d'Argentan, lequel courrier ne pouvait être regardé comme formulant une demande précise mais comme étant seulement destiné à attirer l'attention des autorités administratives sur une situation susceptible de mettre la vie d'autrui en danger.
3. Il a par ailleurs jugé que la lettre du 16 juillet 2016 ne constituait pas une demande de constat de péremption du permis de construire, de sorte que les conclusions nouvelles présentées le 6 juillet 2017 tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet qui serait née le 18 septembre 2016 du silence gardé sur la demande adressée au préfet de l'Orne étaient irrecevables pour présenter à juger un litige distinct de celui faisant l'objet de la requête présentée le 9 mai 2017.
4. Ainsi, le président du tribunal administratif de Caen a suffisamment motivé son ordonnance. Par conséquent, le moyen tiré de l'irrégularité de l'ordonnance attaquée doit être écarté.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
5. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que la propriété de M. G...est distante d'environ 1,230 km et 1,5 km des deux éoliennes, d'une hauteur totale chacune de 90 mètres, objet du permis de construire dont l'intéressé a demandé à l'autorité administrative de constater la caducité. Si M. G...allègue que ces deux aérogénérateurs seront visibles à partir de sa propriété au niveau de la route départementale n°771, il ne justifie pas, au regard tant de la distance qui sépare sa propriété du site retenu pour l'implantation du projet éolien que de la configuration des lieux, d'un intérêt lui donnant qualité pour agir. S'il soutient qu'il subira des nuisances lors de la phase de chantier ainsi que des nuisances sonores, il n'apporte au soutien des ses allégations aucun élément de nature à permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé. M. G... ne justifie pas ainsi d'un intérêt suffisant lui donnant qualité pour agir, au regard des exigences de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, pour contester l'arrêté du 22 mai 2007 par lequel le préfet de l'Orne a délivré à la société Innovent un permis de construire deux éoliennes et un poste de livraison sur un terrain situé à Argentan. Par suite, il n'était pas recevable à demander à l'autorité administrative de constater la caducité de ce permis de construire.
7. Il résulte de ce qui précède que M. G...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'ordonnance du 18 janvier 2018, le président du tribunal administratif de Caen a déclaré sa requête irrecevable sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
Sur les frais liés au litige :
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. G... la somme que la société Innovent demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par M. G...soit mise à la charge de l'Etat et de la société Innovent, qui n'ont pas la qualité de partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. G...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Innovent tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M.G..., au ministre de la cohésion des territoires et à la société Innovent.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M.A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 octobre 2018.
Le rapporteur,
M. F...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N°18NT01168